Le 28/10/2016
Par Emmanuel Berretta
Modifié le 27/10/2016 à 20:46 - Publié le 27/10/2016 à 17:27 | Le Point.fr
François Hollande n'est pas le seul à s'être confié à Gérard Davet et David Lhomme. Dans "Un président ne devrait pas dire ça...", Manuel Valls balance aussi.
« Ce que j'ai à dire au président de la République, je lui dis directement, parce que je pense que l'exercice du pouvoir, c'est l'intimité, c'est le respect de la confidence, c'est le respect, bien sûr, du secret. »
Manuel Valls paraît bien sûr de lui, mercredi 26 octobre au matin, sur France Inter.
La presse fait courir le bruit que le Premier ministre n'a pas apprécié les confidences assassines de François Hollande aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme.
Problème : il suffit d'ouvrir l'ouvrage pour découvrir que Manuel Valls a lui aussi été bavard...
Et à maintes occasions !
On découvre ainsi, à la page 67, qu'il a reçu les journalistes à son domicile, le lundi 14 avril 2014. Davet et Lhomme décrivent les lieux : « Un bel appartement agrémenté de deux terrasses situé dans le 11e arrondissement parisien, en plein territoire bobo. » Un escalier raide y conduit « un peu à l'image de son occupant », s'amusent les auteurs.
Et ce jour-là, le nouveau Premier ministre (il a été nommé deux semaines plus tôt), tout heureux d'avoir délogé Jean-Marc Ayrault de Matignon, est en veine de confidences.
Il faut l'entendre parler de François Hollande.
Il assassine les deux premières années du quinquennat et sa bête noire, Martine Aubry : « Ces deux années sont ratées, au-delà du problème sérieux de méthode, car en fait on ne s'est pas préparés. Aubry a fait marcher le PS sur la tête, et la primaire, au lieu de désigner Aubry, désigne Hollande, un challenger.
On paye toutes les contradictions.
On arrive non préparés, mais je ne pensais pas à ce point-là : le nucléaire, le rôle de l'État, la famille, les impôts... »
Quelle lucidité... ex post !
« C'est pour toi qu'on fait ça » (Valls à Hollande)
Le sort de Jean-Marc Ayrault est scellé depuis plusieurs mois puisqu'en coulisses, un complot de ministres, dont Valls, s'agite à faire tomber l'ancien maire de Nantes depuis... l'automne 2012.
Une date de limogeage avait même été calée : le 7 décembre 2013.
Valls raconte qu'en novembre 2013, il pousse Hollande à évacuer Ayrault : « Tu te sens totalement libre, c'est une discussion ouverte, si tu ne me nommes pas, moi je ne t'en veux pas, c'est pour toi qu'on fait ça. »
Appréciez-le « c'est pour toi qu'on fait ça »...
Finalement, le président repousse l'échéance histoire d'« user » Ayrault jusqu'au bout.
Il faut attendre la débâcle des municipales.
Et Valls de conclure à propos du chef de l'État : « Il a fallu qu'il soit dos au mur, un couteau sous la gorge, le pistolet sur la tempe.
Le dimanche soir [des municipales, NDLR], au téléphone, j'étais à Beauvau pour les résultats, j'ai fait sortir mon cabinet pour parler franchement au président : Demain soir, tu annonces qu'il y a un nouveau gouvernement... - Oui, bien sûr, mais les Verts... - C'est toi qui es en cause, si tu n'annonces pas un changement puissant, tu te retrouves à poil devant les Français.
Cela a été rude. » Manuel Valls qui livre donc cette conversation « rude » et qui vient ensuite faire le reproche au président Hollande de ne pas avoir de « respect de la confidence. »...
La paille et la poutre.
« J'ai changé de dimension » (Valls à propos de Valls)
Mais il n'y a pas que cela.
Le Premier ministre est également bavard vis-à-vis de Bernard Squarcini, le « flic de Sarkozy » (page 59), que François Hollande a voulu débarquer dès son arrivée au pouvoir.
C'est Valls, place Beauvau, qui exécute la décision... et qui en parle à Davet et Lhomme.
« Squarcini, il était amer. Il voulait être préfet responsable de la zone de défense de l'Île-de-France. Je lui ai dit non, en face. Au-delà du fait qu'il n'est pas facilement reclassable, avec son implication dans plusieurs affaires comme celles des fadettes, c'était juste impossible. »
Le livre de Davet et Lhomme a montré à quel point François Hollande s'aimait et adorait se raconter. Mais Valls n'est pas mal non plus dans le genre.
Printemps 2014 (page 103), la presse en fait l'homme de la situation.
Les chevilles du Premier ministre enflent.
Davet et Lhomme branchent le magnéto : « J'ai changé de dimension, note Valls. Le risque, c'est qu'il n'en profite pas. Il ne doit pas pédaler avec moi, il doit changer, je lui dirai, à ma manière. Il a un problème d'attitude. Il faut qu'il pilote la maison France avec moi. Je lui ai dit : Tu es le PDG, je suis le DG, c'est toi le président, on travaille ensemble. »...
Et ensemble, ils vont couler dans les sondages.
Rebsamen « trop préparé » pour la place Beauvau
Sur les recompositions gouvernementales, Manuel Valls ouvre encore la boîte à confidences. Notamment à propos de celui à qui il a « piqué » la place au ministère de l'Intérieur : François Rebsamen, un fidèle de la Hollandie, chargé des questions de sécurité durant la campagne présidentielle et qui a vu le maroquin lui passer sous le nez...
Quand il est question de rebattre les cartes, Valls n'en veut pas comme successeur place Beauvau et il en parle à Davet et Lhomme : « Rebs a du métier, mais je ne voulais pas d'un sniper derrière moi.
Je ne voulais pas vivre ce que Rocard a vécu avec Joxe, je ne voulais pas des réseaux francs-macs, FO...
À tort peut-être.
Peut-être que j'en mets trop sur Rebs.
Je lui ai dit : Honnêtement, ce que je crois, c'est que tu as trop attendu, tu t'es trop préparé, ça devait être il y a deux ans, là, tu arriverais dans de mauvaises conditions. »
« Trop préparé », on se pince...
Se payer la tête de Rebsamen à ce point-là, faut oser.
Sa rivalité avec Christiane Taubira a alimenté quelques clashs mémorables.
Néanmoins, elle restera la ministre de la Justice du gouvernement Valls.
Quelques jours après la formation de son gouvernement, Valls se confie à Davet et Lhomme : « On aurait dû changer Taubira. On a imaginé la mettre à l'Éducation. Elle n'était pas contre. Mais on s'est rendu compte que soit elle quittait le gouvernement, soit elle restait à la Justice. Parce qu'elle aurait foutu le même bordel à l'Éducation. Hollande n'a pas voulu son départ, il m'a dit : Ne nous fragilisons pas plus. Mais c'est reculer pour mieux sauter, la question se posera... », lâche le Premier ministre.
Taubira finira pas partir d'elle-même, conformément à ce que Valls pensait déjà au moment du fiasco de la déchéance de la nationalité.
Le fiasco de l'affaire Gayet
Comme ministre de l'Intérieur, Manuel Valls dispose des fiches de police.
Il est tenu informé des petits scandales qui frappent les uns et les autres.
C'est sa fonction de savoir beaucoup de choses.
Naturellement, l'infidélité du président, épris de Julie Gayet, ne pouvait totalement lui échapper.
Les rumeurs bruissent dans Paris.
Le 8 décembre 2013, Davet et Lhomme l'interrogent à ce propos.
Il confirme que des « bruits » lui sont revenus aux oreilles, mais sans qu'il sache si tout cela est vrai. Il confie : « Ça m'inquiète un peu, Hollande doit être prudent. Mais je n'ose pas lui en parler. »
C'est dommage parce qu'un ministre de l'Intérieur, ça sert un peu à ça quand même...
Finalement, Closer vend la mèche, photos à l'appui.
Le 12 janvier, Valls se justifie : « Hollande est dur à protéger, il veut rester libre, mais il est imprudent, voire inconscient. »
Autre épisode délicat pour le Premier ministre : la nomination de Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État aux relations avec le Parlement. Hollande a des préventions.
Il sent un « profil à risques » (sic) et met en garde son Premier ministre qui insiste et le confie à Davet et Lhomme : « Sur les secrétaires d'État, j'ai dit : C'est moi qui choisis, je veux Le Guen. Je sais sa force politique. On a fait les vérifications. On a tout vérifié, il a un gros patrimoine, mais ce n'est pas un problème. »
Hollande cède...
Et dès la fin juin 2014, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique relève que Le Guen avait sous-évalué son patrimoine d'environ 700 000 euros.
On régularise et on évite la crise politique.
Mais c'est dire la « vérification » des services du Premier ministre...
Et dernier épisode en date : dans Nos très chers émirs, le livre de Georges Malbrunot et Christian Chesnot, Jean-Marie Le Guen est mis en cause pour ses liens supposés avec le Qatar.
Le Guen annonce qu'il porte plainte contre les auteurs.
Hollande a peut-être sans le faire exprès ouvert un sacré parapluie dans Un président ne devrait pas dire ça...
lepoint.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.