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lundi 3 octobre 2016

Suisse: Migrants SDF sous pression à Yverdon

  Le03/10/2016


 
L’évacuation du campement du sleep-in de Renens en juin a poussé de nombreux migrants de l’Afrique de l’Ouest à venir à Yverdon.
 Ils seraient une septantaine, tous des hommes plutôt jeunes, la plupart venant du Nigeria, sans domicile fixe, à vivre dans le chef-lieu nord-vaudois.
Ils sont venus ici car ils y connaissent des compatriotes, expliquent plusieurs d’entre eux.
La nuit, ils dorment dans des parcs, sous des ponts ou à la Lucarne, l’hébergement d’urgence géré par Caritas.
Le jour, on les voit en petits groupes, condamnés à l’oisiveté, sur les bancs du parc japonais, à la gare et dans la zone piétonne du centre-ville.
Autant dire que dans une ville de 30 000 habitants, leur présence en plein cœur de la cité ne passe pas inaperçue.
Ils sont persona non grata à Yverdon, car leur pays d’origine est notoirement associé au trafic de cocaïne.
Un amalgame que combat avec véhémence Leila*, étudiante en sciences politiques et membre de la Maraude Yverdon, un cercle de bénévoles lausannois qui leur vient en aide et passe beaucoup de temps avec eux (lire ci-contre).
 «Seule une petite minorité s’adonne au deal, s’insurge-t-elle.
 Leur histoire est dramatique, ils ont traversé des épreuves épouvantables pour venir en Europe et sont persécutés par la police alors qu’ils ne font rien de mal.»

De plus en plus de bagarres
La police, justement, dresse un constat plus sombre: «Leur nombre fluctue, ils peuvent être entre 50 et 60, parfois moins, décrit Pascal Pittet, le commandant de la Police Nord vaudois (PNV).
Tous ne dorment pas à Yverdon, ils sont mobiles et il y a un tournus: sur les 122 identifications auxquels nous avons procédé le mois passé, 68 personnes n’avaient encore jamais été rencontrées à Yverdon.
Trois quarts environ sont liés à des infractions à la Loi sur les stupéfiants.
 Soixante grammes de cocaïne ont été saisis en trois mois, ça paraît peu, mais c’est en réalité énorme.»
De plus en plus de boulettes de coke sont aussi découvertes cachées dans des lieux publics.
 Nouveau phénomène lié au nombre grandissant de migrants sans abris: les bagarres, entre eux et en plein jour.
«Nous en avons déjà recensé quinze cet été, il n’y en avait eu qu’une l’an passé», note le commandant.
Autant dire que la situation exaspère l’opinion publique.

 «Les commerçants et la population crient leur ras-le-bol et on ne peut que les comprendre, dit la municipale de police Valérie Jaggi.
 Yverdon est un carrefour routier et ferroviaire, sur la ligne Genève-Bâle, à ce titre c’est une ville attractive pour les dealers.
Mais il ne faut pas être naïfs, s’ils sont là, c’est aussi qu’il y a de la demande.»

Des extorsions systématiques
La PNV n’a pour mission de démanteler des réseaux criminels, un travail de fourmi qui incombe à la brigade des stupéfiants de la Police cantonale.
Avec les moyens dont dispose le corps régional – cinq à six agents patrouillant en permanence dans l’hypercentre –, celui-ci maintient la pression sur les dealers suspectés.
De fait, les Nigérians que nous avons rencontrés décrivent les nombreux contrôles au faciès auxquels ils sont soumis sans raison, parfois de nuit pendant leur sommeil.
Ils évoquent les humiliations, violences et extorsions systématiques des sous qu’ils ont sur eux par les forces de l’ordre.
Des accusations qui ne font pas sourciller Pascal Pittet.
 Lequel rétorque que ses troupes ont de plus en plus souvent affaire à de «fortes oppositions» de la part des personnes interpellées, nécessitant l’usage de la force.
Dénoncés parfois pour infractions à la Loi sur les étrangers, camping sauvage ou scandale, les contrevenants se font en effet séquestrer leur argent et se font remettre un «reçu», comme le permet le Code de procédure pénale, à titre de «prévision d’amendes».
Amendes qu’ils ne paieront de toute manière pas.
 Elles leur sont communiquées ultérieurement via la Feuille des avis officiels.
«La problématique n’est pas locale mais globale et la police n’est que le maillon d’une chaîne.»

Cet épuisant jeu du chat et de la souris appelle des réponses politiques à l’échelon fédéral et cantonal, martèle le syndic d’Yverdon Jean-Daniel Carrard: «La problématique n’est pas locale mais globale et la police n’est que le maillon d’une chaîne qui comprend aussi les services sociaux, la santé publique, le système pénal, le législateur, etc.»

S’agissant du deal, poursuit l’élu, «le cadre légal ne permet pas d’être dissuasif, il n’y a pas de place en prison et ceux qui doivent purger une peine sont immédiatement relâchés.
Il faut tous se mettre autour d’une table pour trouver des solutions.»

Mettre la pression et faire des opérations coups de poing – il y en a eu trois cet été, coordonnées entre la PNV et la Brigade des stupéfiants – ne fait d’effet qu’un moment, rappelle Jean-Daniel Carrard.

Qui n’hésite pas à évoquer la mise en place de «périmètre d’exclusions», permettant en cas de récidive de conduire un contrevenant hors d’Yverdon.

«S’il faut en arriver là, nous le ferons. Mais ça ne fera que reporter le problème ailleurs.»

* Nom connu de la rédaction (24 heures)

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