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vendredi 31 janvier 2014

DOSSIER - Valls, l’enfumeur.

Jeudi 30 Janvier 2014 à 15:25 (mis à jour le 30/01/2014 à 15:24)
Par Geoffroy Lejeune, Isabelle Marchandier


Le ministre de l'Intérieur face aux micros et caméras. Son terrain de prédilection. Photo © AFP

Enquête. Il combat Dieudonné mais pas les délinquants. Les automobilistes mais pas les gangs de l’Est. Les Veilleurs mais pas les Femen.

 En vingt mois au ministère de l’Intérieur, Manuel Valls a plus soigné sa popularité que renforcé la sécurité des Français.
 Portrait-vérité d’un tigre de papier passé maître dans l’art de la dissimulation.
Il a tout prévu.
 Comme d’habitude, une bonne communication suffira. Ils n’y verront que du feu.
 Le 22 janvier au soir, Manuel Valls sait que les chiffres de la délinquance (lire page 18), que s’apprête à publier l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), seront mauvais.
 Depuis la Place Beauvau, il organise la riposte.
 Avec ses conseillers en communication, Valls planifie sa journée du lendemain, qui doit étouffer au maximum la portée de son échec.
Un déplacement est prévu à 7 h 30 à la sûreté départementale de Melun (Seine-et-Marne).
 Parfait pour inonder les matinales des radios et télévisions de sons et d’images de lui entouré d’uniformes.

 À 14 heures, il sera de retour à Beauvau, pour répondre aux journalistes sur ces maudits chiffres de la délinquance.
Il suffira d’éluder les questions, d’expliquer que les chiffres sont mal compris, qu’ils traduisent mal la réalité du terrain.

Valls interdit aux parlementaires réputés proches de lui de se répandre sur les plateaux pour défendre l’indéfendable.
 Il cadre sa communication : le 20 heures de France 2, le lendemain, fera l’affaire.
 Il se fera martial et rappellera, l’air grave, que la sécurité n’est « ni de gauche ni de droite ».
Tout ira pour le mieux et il pourra, le lendemain, s’envoler avec le président pour le Vatican.
On oubliera sa pantalonnade.
 Comme on a oublié son échec quand il a annoncé avoir « évacué » 20 000 Roms alors qu’il jurait quelques semaines plus tôt que ceux-ci n’étaient qu’au nombre de… 20 000 sur le territoire français.
 Comme on a oublié qu’au soir du 31 décembre, trois personnes ont trouvé la mort, poignardées, alors qu’il était occupé à traquer l’humoriste Dieudonné.
 Comme on oubliera les critiques de l’opposition, dont celle de François Fillon, qui l’accuse d’être « un illusionniste qui bondit sur les faits divers et instrumentalise les polémiques de façon parfois indécente ».
On passera à une autre séquence.
Oubliée, la délinquance.
Ils n’y auront vu que du feu.

Cette entreprise de communication, Valls en a fait sa marque de fabrique, depuis le secrétariat national à la communication du PS, en 1995, jusqu’à la direction de la communication du candidat Hollande, en 2012, en passant par la communication et la presse sous Jospin à Matignon, en 1997. « Valls, s’il y a un espace, il l’occupe. C’est un guerrier. Il prend tout ce qu’il y a à prendre. Et si on ne l’arrête pas, il continue. C’est comme ça qu’il prend le pouvoir », résume l’un de ses proches dans Valls, à l’intérieur, l’éclairante biographie du “premier flic de France”, publiée chez Robert Laffont par les journalistes du Monde David Revault d’Allonnes et Laurent Borredon.

 Au gré d’anecdotes, de témoignages et d’analyses, les auteurs décrivent un animal politique à l’ambition démesurée, aux méthodes décomplexées, ainsi que sa « stratégie de harcèlement médiatique pour une perpétuelle guérilla politique ».
« Il y a une caractéristique qu’il ne peut pas masquer, c’est son ambition, confie ainsi un intime.
 Pas de double jeu. Il a compris que le moyen le plus judicieux de s’imposer, c’est par l’extérieur, par l’opinion, les médias. Quitte à crisper, énerver. »

 Des crispations, il en suscite d’abord au sein du PS, dont l’aile gauche ne lui pardonne pas de trancher avec ses lubies immigrationnistes.
 Au moment de l’affaire Leonarda, nombre des membres de la frange dure du parti ont hésité à demander sa tête à Hollande.
 Ils en sont restés aux velléités, mais les lames sont demeurées aiguisées.
 « La ligne de conduite de Manuel n’est servie que par son ambition, décrypte ainsi, amer, un strauss-kahnien. Un arrivisme permanent qui fait qu’il n’est jamais lui. […] Sa vie est un calcul.
Ses amis sont des calculs. La façon dont il sourit est un calcul. »
D’autres pointent l’inconsistance du ministre, aux convictions sacrifiées sur l’autel de l’ambition : « Il profite de la stature ministérielle et de sa popularité pour construire un réseau, qui n’est pas idéologique, mais de soutien à sa dimension ministérielle, veut croire le député Jérôme Guedj, leader du courant Maintenant la gauche. Après, il gagnera les coeurs dans un moment de grande dépolitisation à gauche. »

Gagner les coeurs, pourtant, Valls s’y emploie déjà. Fort d’une popularité qui, même si elle est fragile (lire page 20), fait pâlir d’envie ses collègues du gouvernement, le ministre sait qu’il ne doit pas se couper de la gauche.
Alors il cogne.
De préférence sur des cibles de choix, sans défense, quitte à négliger de vraies menaces.
 En “faux dur” champion du deux poids, deux mesures, Valls s’attaque ainsi à tout ce qui, dans son horizon, rappelle les drapeaux bleu, blanc, rose de La Manif pour tous : interpellations et gardes à vue abusives hier, traque des Veilleurs qui continuent à se rassembler sur des lieux symboliques au jourd’hui.
Dans le même temps, des Femen hystériques peuvent s’attaquer sans vergogne aux églises, aux cortèges et aux symboles de la chrétienté, le ministre des cultes ne bronche pas.
Ses ennemis ? Les « intégristes de l’ultradroite catholique » ou les automobilistes, qui, bientôt, ne pourront plus rouler à plus de 80 kilomètres-heure sur les routes départementales, plutôt que, selon le général Soubelet, numéro trois de la gendarmerie entendu en janvier par le Sénat, les cambrioleurs, dont un sur dix est arrêté et 65 % sont remis en liberté.

 Dans le même temps, les bijoutiers, comme à Nice ou à Sézanne, tirent sur leurs agresseurs pour sauver leur peau…Lire la suite...

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