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jeudi 4 juillet 2013

Jérôme Cahuzac, tel qu'en lui-même

 
Le Point.fr - Publié le - Modifié le
Charlotte Chaffanjon, journaliste au Point, publie un livre-document sur l'ex-ministre, dont nous publions deux passages révélateurs.



Cahuzac-Filippetti, le jeu de la vérité

En février 2010, lorsqu'il devient président de la commission des Finances, Jérôme Cahuzac se rapproche de la députée de Moselle Aurélie Filippetti, qui deviendra ministre de la Culture après la victoire présidentielle de François Hollande.
Dès lors, comme souvent dans les relations intimes, il existe deux versions de l'affaire. Ce qui est moins banal, c'est que leurs deux versions sont radicalement différentes. Jérôme Cahuzac évoque au bout de quelques mois son histoire avec Aurélie Filippetti devant de nombreux députés et des proches qui ne font pas partie du monde de la politique.
Plusieurs témoins de l'époque, qui étaient tous des confidents de Jérôme Cahuzac, racontent, entre avril et mai 2013, ce qu'ils ont ressenti, vu ou su.
 "Jérôme était vraiment amoureux d'elle", jure un député proche de l'ancien ministre du Budget. "Il fondait littéralement lorsqu'Aurélie lui déclamait des poèmes", se souvient un autre parlementaire. "
À l'Assemblée nationale, elle avait pour lui les yeux de Chimène, elle le regardait avec fascination", renchérit un ancien collaborateur de Jérôme Cahuzac. Mais ce qui ressort aussi, c'est que l'idylle passionnelle entre ces deux caractères volcaniques s'est achevée dans les cris et les larmes.
Jérôme Cahuzac continue, une fois à Bercy, de parler souvent d'Aurélie Filippetti. Mais, en 2012, il n'est plus question d'amour ni de poèmes.
 "Il m'a raconté que ça s'était fini entre eux parce qu'elle était folle", lâche une ministre. "Il m'a dit qu'elle était allée voir sa femme Patricia pour régler ses comptes", rapporte un membre du gouvernement. Bienvenue dans Amour, gloire et beauté à la sauce gouvernementale.
Surtout que là où le scénario se corse, c'est qu'Aurélie Filippetti nie farouchement toute liaison avec Jérôme Cahuzac !
 "Ce type a menti à la France entière sur son compte suisse, mais son délire ne s'arrête pas là.
Il a aussi menti sur un sujet beaucoup plus trivial me concernant en répandant des rumeurs sur une prétendue liaison qui n'a jamais eu lieu", confie la ministre de la Culture. "Son problème, c'est qu'il a essayé, mais que j'ai repoussé ses avances à plusieurs reprises", jure-t-elle.
Quant à ce que Cahuzac raconte aussi à ses collègues ministres et à d'autres, qu'elle serait allée régler ses comptes avec Patricia, Aurélie Filippetti balaie d'un coup : "Il a brodé une histoire délirante. Sa femme, je ne l'ai vue qu'une seule fois, il y a des années, dans un dîner de parlementaires."
Celle qui a pour autre talent que la politique d'écrire des romans sentimentaux se retrouve héroïne d'une histoire qui dépasse la fiction.
 "Un de mes collègues du gouvernement m'a dit que Jérôme lui avait raconté qu'il avait passé des week-ends avec moi. Tout est faux, tout est inventé", promet cette jolie brune élancée, qui fête ses quarante ans en juin 2013. Et qui lâche, au téléphone, d'une voix plus basse, d'un ton qui se fait hésitant : "De toute façon, c'est toujours la même chose. C'est sur la femme que l'on fait retomber la faute."

Ministre compétent... mais cassant

Au gouvernement, Jérôme Cahuzac a une mission : rétablir l'équilibre des comptes publics en 2017.
 C'est un engagement essentiel du quinquennat. Et il est l'homme de la situation, car il assume ce rôle d'exécutant froid des promesses budgétaires de François Hollande.
 Pour les arbitrages serrés, il est indispensable au président de la République.
 Parce qu'il est une main de fer sans gant de velours.
 Parce qu'il ose dire que ça va être dur, que tout le monde va souffrir, mais qu'il n'y a pas le choix, que la situation de la France ne peut supporter aucun compromis. Point final.
Pour couper dans les dépenses, Jérôme Cahuzac est prêt à tout.
 "Il était un ministre extrêmement brillant, très compétent. Il citait des chiffres toujours justes, de façon très structurée.
 Il était assez éblouissant, par ses compétences sur les sujets budgétaires et fiscaux, le tout avec une finesse politique assez impressionnante", assure, presque avec nostalgie, Christian Eckert, dans son bureau du Palais-Bourbon.
 Jérôme Cahuzac n'est alors plus à Bercy, il a déjà avoué avoir menti, lorsque parle ainsi le rapporteur général de la commission des Finances à l'Assemblée nationale.
 Le pouvoir est en pleine crise, François Hollande réclame la plus grande transparence à ses ministres, les députés savent que, bientôt, eux aussi devront sans doute publier leur patrimoine.
Et tout ça, "c'est la faute de Jérôme", entend-on râler dans tous les couloirs de l'Assemblée nationale. Christian Eckert est de ceux que cette situation ne réjouit pas. Mais il ne peut le nier, ce ministre-là est un bon...
Bien qu'il ne soit pas évident à vivre.
 "Compte tenu qu'il écrase tout le monde, ce n'est pas facile de travailler avec lui", raconte Christian Eckert.
Ce prof de maths de formation se souvient encore : "Lorsqu'il donnait son point de vue, c'était ferme et c'était fini. Il n'y avait pas de discussion possible."
 "Ce n'était pas un modèle de dialogue", raconte aussi le député d'Indre-et-Loire Laurent Baumel, après les aveux de Cahuzac, dans la salle des Quatre Colonnes de l'Assemblée nationale.
"Il voulait incarner la ligne de réduction des déficits, mais chaque fois qu'un député exprimait une gêne soit avec une économie à faire, soit avec une hausse d'impôt qu'il pensait problématique, Cahuzac dégainait le discours du cost-killer : on n'a pas le choix.
" Son absence d'état d'âme est sans doute un gage d'efficacité, mais son comportement hautain et cassant ne plaît absolument pas plus à ses collègues du gouvernement qu'aux députés qu'il prend souvent de haut.
 "Il n'aime pas les cons qui causent. Quand il est agacé, ça se voit sur son visage", admet sa conseillère aux relations extérieures Marion Bougeard. Jérôme Cahuzac aurait peut-être eu grand bénéfice à recevoir un jour cet avertissement glissé par un ami à Émile Zola.
 C'est le grand écrivain lui-même qui le confessait dans la préface de son chef-d'oeuvre Thérèse Raquin, le 15 avril 1868 : "Vous avez un immense défaut qui vous fermera toutes les portes : vous ne pouvez causer deux minutes avec un imbécile sans lui faire comprendre qu'il est un imbécile."
Pour certains, les négociations des budgets ministère par ministère, à l'été 2012, virent au calvaire. Jérôme Cahuzac ne met pas les formes.
 "Il avait ses défauts, il pouvait être brutal, notamment dans les réunions avec les autres ministres sur les arbitrages budgétaires.
 Il ne faisait pas dans la nuance. Il était un peu irritant. Mais bon, en même temps, il exécutait", raconte Jean-Marc Ayrault.

Avec les ministres qui arrivent sans propositions étudiées et applicables pour défendre leur pré carré, Jérôme Cahuzac ne va pas par quatre chemins.
 "Il leur disait : Tu m'emmerdes, passons aux choses sérieuses", raconte l'un de ses amis. "Les femmes, elles se sont fait exploser.
 Ça le faisait marrer, il n'avait aucun état d'âme. Il disait qu'elles étaient incapables de proposer quelque chose d'intéressant.
" Le ministre délégué au Budget pense à voix haute que certaines sont tout simplement "nulles".
Parmi elles, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti et la ministre du Logement Cécile Duflot. Cette dernière garde le pire des souvenirs de celui dont elle ne parle plus que comme d'un "misogyne prétentieux".
Mais Jérôme Cahuzac ne rencontre pas des ennuis qu'avec elles. Avec le ministre du Travail Michel Sapin, la négociation tourne aussi au vinaigre.
 Au coeur du mois de juillet 2012, les deux ministres se retrouvent face à face, dans le bureau du ministre délégué au Budget, à Bercy. Ils sont chacun entourés de leur direction de cabinet.
 Au menu : les emplois d'avenir, l'une des promesses phares de François Hollande, de celles censées inverser la fameuse courbe du chômage.
Comme toujours, Jérôme Cahuzac tente d'abord de trouver où faire des économies. Et puis il sous-entend que le ministre du Travail n'a pas assez préparé l'entretien. "En fait, je me rends vite compte qu'il me prend pour un con.
 Et je n'aime pas ça," raconte Michel Sapin.

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"Jérôme Cahuzac, les yeux dans les yeux" de Charlotte Chaffanjon, ed Plon, 238 pages, 15,90 euros.

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