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vendredi 22 novembre 2024

Boualem Sansal : la France doit exiger la libération du Soljénitsyne algérien


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Brutale, l’arrestation de Boualem Sansal inquiète bien au-delà des frontières de l’Algérie et remet la lumière sur la nature du régime d'Abdelmadjid Tebboune.

 L’écrivain algérien, ancien enseignant, chef d’entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l’industrie en Algérie était surtout un opposant infatigable : il a été arrêté par la police algérienne et serait actuellement emprisonné, selon ses proches cités par le magazine Marianne. Il ne donnait plus de nouvelles depuis son arrivée en Algérie le 16 novembre. On ne sait rien à l’heure où nous publions, des raisons évoquées par le régime ni des conditions ou du lieu de sa détention.

Agé de 75 ans, cet intellectuel brillant, reconnaissable à ses cheveux longs, écrivait en français des romans et des essais loués en France mais largement censurés en Algérie. Il avait obtenu le Grand prix du roman de l’Académie française en 2015 pour son livre 2084 : la fin du monde (Gallimard).

"Pouvoir mafieux"

C’est un ami et grand admirateur de la France que l’Algérie vient d’embastiller. Un adversaire résolu, surtout, de l’islamisme, ami de Boulevard Voltaire qui l’a souvent interviewé, admirant sa clarté, l’acuité de ses analyses et son grand courage. Le 28 septembre dernier, il confiait à Gabrielle Cluzel, dans la foulée de la publication de son essai, Le français, parlons-en !, aux Éditions du Cerf. Un plaidoyer pour la langue française qui fut selon lui « la langue de la puissance, de la liberté, de la beauté, de la connaissance, de la diplomatie, de la révolution universelle, de la séduction, de l’art de vivre dans la légèreté ».

Boualem Sansal ne mâchait pas ses mots : « Le pouvoir algérien est un pouvoir mafieux », martelait-il, il le comparait à la mafia. « C’est devenu une oligarchie mafieuse ». Il racontait comment « les islamistes et arabistes » avaient « travaillé vingt ans dans l’ombre. Il est arrivé ce qui est en train de vous pendre au nez et qui va arriver, c’est que (les Islamistes) se sont révélés un jour bien plus nombreux que nous (les Algériens francophones), bien plus efficaces que nous et ils ont pris le pouvoir et ils nous ont chassés ». Il dénonçait aussi la stratégie d'entrisme de l’islam en France et son discours sur « l’Islam des lumières », et considérait la France comme « cernée de tous les côtés ».

 

En octobre 2022, toujours auprès de BV, Boualem Sansal mettait déjà les points sur les i, à propos du poids de l’islam sur les questions sociétales. « Le véritable ennemi de la femme est l’islam, qu’elles sont par ailleurs les premières à défendre, mais il est aussi et surtout l’homme, qui par ailleurs aime tant être le bras séculier de l’islam pour les punir ».

Dans son combat, Boualem Sansal prend désormais des allures de Soljenitsyne de l’islamisme, d’une immense lucidité. « L’islam a gagné et ne cessera pas de gagner toujours plus, disait-il à BV en 2022. Il est définitivement implanté en France et en Europe, à la fois comme islam de France et d’Europe, protégé par les lois de la République et de la Commission, et comme islam en France, protégé par la oumma mondiale et les États musulmans qui, maintenant, disposent de tous les moyens pour châtier les contrevenants ». Cet islam, « à mon avis, il sera salafiste et possiblement dangereux si on lui refuse la reconnaissance de l’islam comme religion d’État, l’annulation des lois en faveur de l’homosexualité, de l’adoption, etc. »

BV ne laissera pas tomber Boualem Sansal

Avant de se brouiller avec le pouvoir algérien en reconnaissant au Maroc ses droits sur le Sahara occidental, la France de Macron aura déroulé le tapis rouge envers ceux qui font aujourd’hui peser sur Boualem Sansal un risque vital. En aout 2022, Emmanuel Macron avait eu des mots touchants à l’endroit du régime algérien : « (...) Nous avons la même conviction qu'au fond, la relation n'est pas simplement une relation bilatérale comme les autres. C'est une relation d'intimité profonde. » Elisabeth Borne avait enchaîné sur le même ton quelques semaines plus tard, en octobre, lors d’un voyage où elle était accompagnée de la moitié du gouvernement français. Mais la France, qui avait pourtant multiplié les concessions sur l’histoire et la mémoire de la guerre d’Algérie, n’avait rien obtenu, ni gaz, ni bonne volonté pour la reprise des nombreux OQTF en souffrance.

Chez lui, le pouvoir algérien n’avait rien changé de ses habitudes musclées vis-à-vis des médias. Le 23 décembre, le patron de deux médias libres hors influence du pouvoir, Radio M et le site d’information Maghreb émergent, était arrêté à son domicile et embarqué pour une perquisition au siège de ses médias, menottes aux poignets. Aucune explication, des locaux placés sous scellés. On ne change rien aux pratiques qui gagnent.

Mais cette fois, l’Algérie s’en prend à un ami de la France, connu, apprécié, lu, couronné de prix dans notre pays. La France se grandirait en tapant du poing sur la table, pour une fois. BV en tous cas ne laissera pas oublier ce grand écrivain ami.

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