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vendredi 26 février 2016

PS : la débandade

                                                    

Le 26/02/2016
Alors qu’il se mire une dernière fois dans l’estuaire majestueux du río de la Plata, le président de la République s’étonne de lui trouver comme un air de Bérézina.
   
Au lendemain des attentats de novembre, un président sous le choc avait fait acclamer par l’ensemble du Congrès le principe d’une révision constitutionnelle portant déchéance de la nationalité pour les terroristes « binationaux ».
La gauche de la gauche, elle-même encore groggy, ne s’avisa qu’après coup que ce projet était d’autant moins compatible avec ses valeurs qu’il figurait depuis longtemps au programme du Front national.
La semaine passée, le Premier ministre, hôte de l’Allemagne, profitait peu diplomatiquement de son bref séjour outre-Rhin pour dénoncer les choix d’Angela Merkel et s’élever contre l’ouverture de l’Union européenne au flot indistinct et massif des migrants.
 Ce faisant, Manuel Valls, en phase avec l’opinion de quatre cinquièmes des Français, tournait ostensiblement le dos à la vocation internationaliste et mondialiste qui constitue traditionnellement un marqueur inscrit dans l’ADN de la gauche.
Et voilà que, sous les applaudissements du patronat, des médias proches du MEDEF, des adeptes d’un libéralisme sans frein et même d’une partie de l’opposition, madame El Khomri, dont les sources les plus autorisées confirment qu’elle est effectivement quelque part quelque chose dans le gouvernement, présente une « réforme » du droit du travail qui avantage l’entreprise aux dépens des salariés, dessaisit en partie les syndicats de leur rôle dans les négociations sociales et consacre le détricotage des très symboliques trente-cinq heures.
« Trop c’est trop ».
Sortant avec fracas d’une longue mais relativement silencieuse bouderie, Martine Aubry a levé l’étendard de la rébellion.

« Pas ça et pas nous », affirme-t-elle dans le manifeste qu’a publié Le Monde.
 Autrement dit, si vous persistez, ce sera sans nous.
« Nous », c’est-à-dire les quelques députés qui ont cosigné son texte, mais aussi les 460.000 signataires qui, dans les heures qui ont suivi, l’ont approuvé, mais encore les frondeurs, les inquiets, les déçus, les idéalistes, les mécontents et, d’une manière plus générale, tous ceux qui ne se reconnaissent plus dans l’inflexion de plus en plus accentuée vers la droite du tandem Hollande-Valls et de ses coéquipiers, campionissimi ou gregarii, du peloton gouvernemental, mais enfin les syndicats de salariés, d’étudiants et de lycéens dont l’appel à la contestation, à la mobilisation, à la manifestation et à la grève fait revivre les grandes heures de l’opposition au CPE de M. de Villepin ou de la levée de boucliers contre la réforme des retraites d’Alain Juppé en 1995.
Quoi de plus logique ?
Les électeurs, les militants, les partis, les élus qui avaient voté, soutenu, cautionné le Hollande ennemi de la finance de 2012 ont été magistralement et cyniquement cocufiés.
Certes, ce n’est pas la première fois qu’un politicien médiocre trahit médiocrement les espoirs qu’il avait fait lever à seule fin de s’asseoir dans un fauteuil présidentiel.
Toute illusion dissipée, les conséquences en sont enfin tirées.
 La rupture est consommée entre les socialistes qui n’ont que faire de la réalité et les réalistes qui n’ont que faire du socialisme.
La gauche, la vraie gauche, ce qu’il en reste et qui va pouvoir se compter, rejette fort légitimement un gouvernement étiqueté à gauche qui mène une politique de droite, et plus précisément la politique que la droite inscrivait régulièrement dans ses professions de foi et qu’elle n’osait pas conduire lorsqu’elle détenait le pouvoir.
 Manuel Valls ne s’y est pas trompé qui, tandis que le chef de l’État, toujours aux antipodes, gardait un silence prudent, dénonçait une « remise en cause générale et globale ».
Clarification ?
Sans doute.
 Mais quelle marge de manœuvre reste-t-il à l’exécutif ?
 Pépère, garde-toi à gauche, pépère, garde-toi à droite.
On ne doute pas que M. Hollande, s’il le pouvait et surtout s’il y voyait son intérêt, ne serait pas à un reniement près, quitte à opérer un nouveau tête-à-queue spectaculaire.
 Mais il est trop tard.
À changer de cap, il perdrait son aile droite et donnerait à MM. Valls, Macron et autres « réalistes » le prétexte qu’ils saisiraient aussitôt pour voler de leurs propres ailes.
 À maintenir le cap, il est assuré de n’être plus suivi que par une fraction de sa « majorité », désormais défunte.

Dans un cas comme dans l’autre, le Parti socialiste n’échappera pas à l’explosion.

Quant au Président et à son Premier ministre actuel, ils sont désormais pris en tenaille.
À la merci de leur gauche, dont la défection leur interdit de passer en douceur, à la merci de la droite dont l’appoint compromettant pourrait leur permettre de gouverner encore, mais qui se fera un plaisir soit de rejeter purement et simplement leurs propositions, soit de les amender de façon à les dénaturer.
 L’emploi du providentiel 49.3 étant limité à une fois par session, M. Hollande semble condamné pour les quinze mois qui lui restent à la triste condition de président potiche, autour de qui se fera peu à peu le vide.

Tous les sondages reflètent, en effet, l’irréversible dégringolade qui le paralyse pour le présent et lui barre, à terme, l’accès au second tour de la présidentielle.
Dans ces conditions, il sera de plus en plus difficile à M. Hollande de se soustraire à une primaire de la gauche dont il ne sortirait probablement pas vainqueur.
S’en dispensât-il, il n’a plus la capacité d’empêcher M. Valls, M. Montebourg, M. Hamon, voire Mme Aubry de se porter candidats, ce qui se traduirait en 2017 par son humiliante élimination.

Bref, c’est la débandade.

Le roi fainéant est nu.

Alors qu’il se mire une dernière fois dans l’estuaire majestueux du río de la Plata, le président de la République s’étonne de lui trouver comme un air de Bérézina.

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