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samedi 14 décembre 2024

Bruno Le Maire face à son bilan : énervant, forcément…

© Capture d'écran LCP
 
© Capture d'écran LCP

 

 

Bruno Le Maire en fait-il trop ?

 Souvent raillé pour ses outrances, comme en 2022 avec ce tristement fameux « Nous allons provoquer l'effondrement de l'économie russe », l'ancien ministre de l’Économie et des Finances, auditionné jeudi 12 décembre par les députés de la commission des finances, était attendu sur les circonstances ayant provoqué un dérapage du déficit public. 

Était-ce faute d’arguments solides ? Au lieu de se contenter de réponses factuelles aux questions posées, Bruno Le Maire s’est lancé dans un réquisitoire violent et tous azimuts contre tous ses adversaires politiques, ces méchants qui auraient préféré des dépenses aux multiples économies qu’il avait proposées…

Flagrant délit de faillite

« Toutes ces économies, vous les avez écartées d'un revers de la main, alors qui êtes-vous pour juger ? », s’est-il emporté, oubliant au passage à qui il s’adressait, ce qui ne pouvait échapper au co-rapporteur de la commission d'enquête, Éric Ciotti : « Nous sommes les représentants du peuple français, et nous exerçons notre mission constitutionnelle de contrôle [...] vous ne pouvez pas dire, aujourd'hui, "Qui êtes-vous pour juger" », ajoutant : « J'ose vous rappeler que vous êtes plus que responsable [de la situation actuelle], vous en êtes comptable. » La maladresse de Bruno Le Maire a incité Jean-Philippe Tanguy (RN) à se charger de la seconde couche : « Je ne sais pas pourquoi vous vous énervez, ce n'est pas un procès politique. On n’a pas besoin de faire votre procès, il y a un flagrant délit de faillite, vous êtes de toute évidence coupable », expliquant qu’il ne s’agissait que de « comprendre comment des gens aussi brillants et intelligents que vous ont pu à la fois tout bien faire et à la fois tout échouer ? »

Au-delà du caractère parfois tragi-comique de ces échanges, que valent les affirmations de Bruno Le Maire ? Les arbitrages sur les économies budgétaires ne relevant, loin de là, de sa seule personne, jetons donc un coup d’œil à deux domaines relevant directement de son ministère et de ses dépendances : l’emploi et l’industrie. Emmanuel Macron et lui-même n’ont, en effet, cessé de se glorifier de résultats éminemment positifs quant à l’amélioration de la situation du marché depuis 2017.

Le Maire, héraut anti-chômage ?

Or, au-delà de la persistance des mauvaises manières des gouvernements précédents permettant un maquillage artificiel des chiffres du chômage (système de comptage, radiations suspectes, sortie des statistiques des chômeurs en formation…), un examen approfondi de la synthèse produite par son propre ministère au sein de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES), révèle une situation beaucoup moins florissante qu’annoncé. La DARES constate, certes, pour le 2e trimestre 2024, une stabilité globale de l’emploi et le maintien de 0,3 % de croissance, mais s’empresse de constater des perspectives « dégradées, avec une baisse notable du climat des affaires et de l’emploi ». Si l’on remet tout cela en perspective, cela signifie que les pansements, le célèbre « quoi qu’il en coûte » mis en place pendant la crise Covid, ont limité et retardé la casse économique au prix d’un très fort creusement du déficit budgétaire, mais sans permettre, ensuite, un rebond suffisant et surtout durable. La DARES observe un « ralentissement des créations d’emploi » ainsi qu’une « mobilité accrue des salariés, notamment en CDI », constatant par ailleurs que « les salaires réels progressent moins vite que la productivité ». Traduction : la stratégie de la « start-up nation » s’avère moins créatrice d’emplois que prévu, et surtout d’emplois stables, satisfaisants et durables. Quant au chômage, il baisse, mais peu, finalement, et son taux (7,3 %) reste supérieur aux 6,5 % de la moyenne européenne. Enfin, la DARES constate que – contrairement au discours en vogue à Bercy - les difficultés des entreprises viennent bien plus, désormais, d’une « insuffisance de la demande » que d’une « pénurie de main-d’œuvre ».

Mais le moins crédible des propos tenus par Bruno Le Maire devant la commission concerne sans doute l’industrie. Le « en sept ans, nous avons créé 100.000 emplois industriels, ouvert 600 usines » ne résiste pas longtemps à l’analyse. Le baromètre Trendeo des usines fait un constat plus qu’inquiétant : « Pour la première fois depuis 2015, l’année 2024 devrait compter plus de fermetures d’usines que d’ouvertures. » Sur les six derniers mois, Trendeo a compté près de 260 plans de fermetures de sites, de réductions d’effectifs ou de redressements judiciaires, dont un cinquième s’accompagnant de plus de 100 suppressions d’emplois. Parmi les secteurs les plus touchés, on trouve ceux de la chimie et surtout de l’automobile, notamment plombés par les conséquences de la politique du tout électrique imposé par la commission de Bruxelles, contre laquelle on n'a guère entendu s'énerver le ministre...

Le paradis économique de Bruno Le Maire existe-t-il ailleurs que dans son esprit ?

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