La démarche est tristement révélatrice.
La dixième circonscription de la Gironde regroupe des communes qui portent l’écho de la France éternelle : Castillon la Bataille, Fronsac, Libourne, Lussac, Pellegrue, Pujols ou encore Sainte-Foy-la-Grande. C’est pourtant là que le Nouveau Front populaire a organisé, le 14 juin à 20 heures, dans la salle Paul-Bert, à Sainte-Foy-la-Grande, une réunion : « Que fait-on contre le Rassemblement national de Le Pen, Bardella, Chadourne (la candidate RN sur cette circonscription lors des législatives de 2022) sur le territoire ? ».
L’affiche qui invite à l'événement, notamment disponible sur le compte Facebook de militants, porte l’en-tête « Un Nouveau Front populaire contre l’extrême droite ». « Élus, citoyens, associations, force (sic, sans s) de gauche (PS, LFI, EELV, PCF, NPA) : tous ensemble contre l’extrême droite », insiste le tract, à l'intention des durs d'oreille. Curiosité : cette affiche rédigée en français est assortie d’une version rédigée, elle, en… arabe.
Avant les élections européennes, la NUPES de cette circonscription, décidément douée pour les langues, exposait sur son compte Facebook à l’intention des internautes une affiche à la gloire de Manon Aubry, de Rima Hassan et de La France insoumise précédée de trois lignes, également écrites en arabe. Histoire d’être bien compris de tous. Faire campagne, en France, dans une langue étrangère, qui n’est par définition pas comprise de tous, est-ce bien raisonnable ?
Bascule sociétale
Curieusement, cela semble permis dans certaines limites. « Il n’est pas rare que les candidats distribuent des documents de propagande rédigés en langue étrangère ou en langue régionale afin d’atteindre tous les électeurs potentiels », note un cabinet d’avocats qui s’est penché sur l’usage des langues étrangères dans les documents électoraux.
Ce moyen n’est pas irrégulier en soi s’il n’a pas pour effet d’altérer la sincérité du scrutin, ajoute le spécialiste. « L’usage d’une langue étrangère ou régionale n’est pas interdite dans les documents de propagande électorale, sous réserve de ne pas porter atteinte à l’ordre public. » Seuls les documents officiels doivent nécessairement être rédigés en langue française. Encore une réforme à accomplir d’urgence.
Reste le symbole, révélateur d’une bascule sociétale, celle que dénoncent nombre d’intellectuels et de politique, de Zemmour à Le Pen. En Gironde, LFI s’adresse donc à chacun dans sa langue et prend acte d’un pays qui menace de ressembler davantage à une tour de Babel qu’à une communauté de destins. La méthode augure de la campagne à venir. Tous les moyens seront bons pour emmener les habitants de nos banlieues jusqu’aux bureaux de vote munis d’un bulletin Nouveau Front populaire.
Mais, dans cette circonscription, l’usage d’une langue étrangère risque de ne pas suffire. Lors des législatives de 2022, le candidat de la NUPES, Pascal Bourgois, avait obtenu 23,4 % des voix au premier tour, derrière Florent Boudié (Ensemble, 32,7 %) et la candidate RN Sandrine Chadourne (28,03 %). Le macroniste l’avait emporté avec 53,2 % des voix au second tour devant la RN Sandrine Chadourne.
Cette fois-ci, dans ce département qui comptait deux députés RN avant la dissolution (Edwige Diaz et Grégoire de Fournas), le délégué départemental RN Jimmy Bourlieux en espère trois au minimum, et peut-être six.
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