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dimanche 16 juillet 2023

Un mouvement inédit de préfets : pour le meilleur ou pour le pire ?


 Philippe Kerlouan 15 juillet 2023

Emmanuel Macron, c'est bien connu, veut être un grand réformateur. 

Après avoir supprimé l'ENA, il a supprimé les grands corps de fonctionnaires, notamment les préfets. 

La fonction ne disparaît pas pour autant, mais il souhaite ainsi rajeunir, diversifier les recrutements et instaurer une durée maximale d'exercice. De nouveaux visages issus de la société civile vont pouvoir se mettre au service de l'État. Avec ces réformes, n'en doutez pas, tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.

C'est ainsi qu'un important mouvement préfectoral a eu lieu en Conseil des ministres sur proposition de Gérald Darmanin, qui l'a présenté comme « le plus grand mouvement de la fonction préfectorale depuis sa création » : 31 préfets territoriaux et 5 préfets délégués. « C'est un renouvellement totalement paritaire » avec des « profils très différents », issus « du privé, de l'associatif, du syndicalisme », ce qui « marque une rupture profonde », a-t-il précisé. Si vous pensiez qu'on ne s'improvise pas préfet, détrompez-vous. Fini le temps du sous-préfet aux champs ! Voici le temps du renouveau et de l'efficacité.

Certes, on trouve quelques profils classiques parmi les nouveaux venus, mais certaines nominations ne laissent pas de surprendre. Thibault Lanxade est nommé préfet de l'Indre, comme s'il allait de soi qu'un bon chef d'entreprise sera aussi un bon préfet ; Lydia Guirous, issue du monde politique, porte-parole des Républicains jusqu'en 2019, nommée préfet délégué à l'Égalité ; Michaël Galy, directeur des Hôpitaux universitaires de Strasbourg… Des personnalités de qualité, sans doute, mais ont-elles les compétences pour assurer la fonction de préfet ? Peut-être bénéficieront-ils d'une formation accélérée ?

La nomination la plus surprenante est assurément celle de Marilyne Poulain, ex-responsable de la CGT, très engagée dans le combat pour la régularisation des sans-papiers, qui devient « préfète » déléguée à l'Égalité des chances dans le Bas-Rhin. Dans un tweet, Julien Aubert, qui n'a pas sa langue dans sa poche, écrit : « Une syndicaliste nommée préfet […] qui s’est illustrée pour ses combats sur la régularisation des clandestins : voilà qui montre le sérieux du gouvernement sur ce sujet. La suppression du corps préfectoral aura servi à multiplier les nominations gadget. On coule. »



À ce sujet — Ce n’est pas l’ENA qu’il faut supprimer, c’est le copinage !

D'aucuns diront qu'il y a belle lurette que la France fait naufrage, mais force est de constater, quelles que soient les qualités personnelles de ces nouveaux préfets, que Macron détruit tout ce qui marche bien, comme s'il était démangé par la manie du changement pour le changement. De la même façon, il a mis en extinction deux corps d'encadrement supérieur du ministère des Affaires étrangères pour ouvrir les postes d'ambassadeurs et de consuls généraux à une plus grande diversité de profils. De même, les inspecteurs généraux de l'Éducation nationale, qui seront désormais en CDD.

Ce bouleversement dans le recrutement des hauts fonctionnaires est, comme la langue d'Ésope, la meilleure et la pire des choses. Il peut permettre, dans certains cas, de repérer, hors des viviers habituels, des personnes de grande qualité, mais il permet aussi, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec l'intérêt général, d'en promouvoir de plus médiocres. Les préfets, qui devraient tous être de grands serviteurs de l'État, risquent fort, dans l'avenir, pour quelques-uns d'entre eux, de n'être plus que des larbins ou des copains du pouvoir.

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