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jeudi 26 septembre 2019

Procès du Médiator™ : le procès d’un système

 
 
 
 
 
Le procès du Médiator™ (benfluorex) qui s’est ouvert cette semaine au tribunal de grande instance de Paris n’est pas seulement le procès de victimes réclamant justice, mais aussi celui, espérons-le, de certains industriels du secteur pharmaceutique pour qui seul compte le profit, quelles qu’en soient les conséquences, et celui de la faillite des institutions et des organismes chargés de la protection de la santé de nos concitoyens.

Le benfluorex a été commercialisé de 1976 à 2009, officiellement pour les diabétiques en surpoids car agissant sur le métabolisme lipidique, et ayant un effet anorexigène plus ou moins avoué, raison pour laquelle il était souvent prescrit comme coupe-faim.

Les effets secondaires ne pouvaient pas être ignorés du laboratoire, mais ont été dissimulés aux prescripteurs, et pendant trente-trois ans, 145 millions de boîtes de Médiator™ ont été vendues, cinq millions de personnes en ont consommé, et il y aurait eu entre 1.500 et 2.000 décès liés à sa consommation.

C’est en 2009 que le Médiator™ sera enfin retiré du marché après que le docteur Irène Frachon aura pu faire aboutir un dossier dénonçant la dangerosité du produit.
Il aura, cependant, fallu attendre plus de dix ans pour que l’affaire du Médiator™ éclate au grand jour après avoir fait de nombreuses victimes alors que les autorités étaient au courant depuis au moins 1999, date à laquelle un médecin marseillais, le docteur Georges Chiche, avait averti les autorités des effets néfastes du produit – sans résultat !
Pourquoi attendre aussi longtemps pour que le Médiator™ soit enfin retiré du marché alors que le laboratoire était au courant des effets secondaires mais n’en n’avait pas averti les médecins prescripteurs ?
Comment se fait-il que les autorités de surveillance n’aient pas agi, dès 1999, pour enquêter sérieusement et retirer le benfluorex du marché ?
Il semble que le groupe Servier avait développé un réseau de relations avec bon nombre de responsables scientifiques ou politiques qui, moyennant finances, acceptaient de minorer où d’occulter ces effets secondaires ; relations que certains journalistes (Le Monde du 23 septembre 2019) n’hésitent pas à qualifier de « liens incestueux » entre l’industrie du médicament et certains experts scientifiques et hauts dirigeants français.
Raisons pour lesquelles, outre le laboratoire Servier qui comparait pour « tromperie aggravée avec mise en danger de la santé, homicide et blessures involontaires », auxquels s’ajoute l’accusation d’escroquerie au préjudice de la Sécurité sociale et des mutuelles, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) comparait également pour homicides et blessures involontaires, pour avoir tardé à suspendre l’autorisation de mise sur le marché du médicament et n’avoir pas prévenu les médecins et les patients de ses effets dangereux.
Il est souhaitable que, outre l’indemnisation des victimes, le laboratoire Servier soit condamné à une amende tout comme le fut, aux USA, le laboratoire GSK en 2012, pour son médicament antidiabétique Avandia™, qu’il avait mis sur le marché alors qu’il était au courant du risque d’infarctus du myocarde que ce médicament faisait courir.
Le laboratoire GSK fut condamné à une lourde amende de 3 milliards de dollars en 2012, somme considérable qui pourrait être dissuasive mais, d’après le New York Times de l’époque, Avandia™ a rapporté 10 milliards de dollars au laboratoire GSK, soit, malgré l’amende, plus de 7 milliards de dollars de bénéfice !
Alors, même si elles sont nécessaires, on peut douter de l’efficacité de ces sanctions financières, et sans doute faudrait-il inculper personnellement les responsables de ces laboratoires d’homicide involontaire ou de mise en danger de la vie d’autrui pour les inciter à plus d’humanité et à ne plus considérer uniquement l’aspect économique de leur entreprise, ce qui, hélas, semble être leur seule préoccupation.

Dr. Jacques Michel Lacroix

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