Photo © I. Michel / Sdis78
par Marc Laimé, 27 septembre 2019
En plein été, une installation stratégique de la plus grande station d’épuration des eaux usées d’Europe est totalement détruite par le feu à trente kilomètres de la capitale.
Il faudra entre trois et cinq ans pour la reconstruire, au prix, dans l’intervalle, d’une pollution gravissime de la Seine.
Ce site n’a cessé d’enregistrer des sinistres de plus en plus graves depuis plusieurs années.
Sa gestion est entachée par des dévoiements sans précédent en matière de marchés publics.
Un désastre absolu, qui ne suscite qu’une inquiétante indifférence.
Le 3 juillet dernier, un incendie spectaculaire se déclenche sur le site classé «
Seveso seuil haut
», c’est-à-dire faisant l’objet d’une surveillance particulière en raison de la toxicité des produits qu’il abrite, au sein de l’usine «
Seine Aval
» (SAV) du Syndicat interdépartemental pour l’assainissement de l’agglomération parisienne (
SIAAP) implantée dans la plaine d’Achères, dans les Yvelines
(1).
S’étendant sur 600 hectares, la gigantesque station d’épuration, à l’intérieur de laquelle on ne se déplace qu’en voiture ou en camion, est lovée dans une boucle de la Seine, à cheval sur les villes de Saint-Germain-en-Laye, Maisons-Laffitte et Achères.
Elle traite 60 % des eaux usées de 9 millions de Franciliens, ce qui fait d’elle la plus grande station d’épuration d’Europe.
C’est un bâtiment de 6 000 m2 servant à la «
clarifloculation
» des eaux usées (procédé d’élimination des particules en suspension, notamment des phosphates
(2)), abritant plusieurs cuves de chlorure ferrique, substance toxique et hautement corrosive, qui a pris feu.
L’unité se situe au début de la filière de traitement des eaux usées, et abrite une myriade de colonnes en plastique, dans lesquelles circule le chlorure ferrique.
Un énorme panache de fumée noire se dégage aussitôt, visible à plusieurs kilomètres à la ronde.
En l’espace de quelques mois, c’est le quatrième incident grave, incendie ou explosion, sur ce même site.
À 19 heures le sinistre n’était toujours pas maîtrisé par les sapeurs-pompiers du service départemental d’incendie et de secours (SDIS) 78, qui avaient dépêché sur place plusieurs dizaines de véhicules et au moins 70 soldats du feu.
À 18 heures 45, d’autres camions et d’autres sapeurs-pompiers continuaient d’arriver sur le site. « Nous avons dû procéder à une alimentation en Seine avec un bateau pompe. Nous avons également utilisé des motos pompes remorquables dans les rétentions des eaux usées », expliquait le lieutenant-colonel Christophe Betinelli, commandant des opérations de secours.
Ce que l’honorable lieutenant-colonel ne pouvait évidemment pas déplorer publiquement, c’est que les conduites alimentant les poteaux d’incendie — sur lesquels les pompiers branchent leurs lances — passaient… sous le bâtiment qui a brûlé.
Les poteaux étaient donc inutilisables.
« Inconcevable », confiera un pompier présent sur place.
Il faudra attendre quatre jours pour que le sinistre soit totalement maîtrisé, après la venue de la gigantesque échelle déjà utilisée pour venir à bout de l’incendie de Notre-Dame de Paris.
Dès le lendemain matin, le syndicat FO du SIAAP dénonçait une situation « catastrophique » :
« La situation à SAV s’est fortement dégradée depuis plus de deux ans. Vendredi dernier, nous avons adressé à l’inspection du travail sept alertes de dangers graves et imminents (dont le SIAAP n’a toujours pas tenu compte malgré ses obligations en la matière), pour des fuites de gaz ou des départs d’incendie. Hier avec l’incendie de la clarifloculation, les herbes hautes et sèches ont pris feu, lequel a failli atteindre la zone Biogaz. »