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mercredi 7 août 2019

Interpellation violente d'un homme à Nantes : la victime conteste la version policière

                        
Sur cette photo en noir et blanc, on voit un policier casqué et masqué immobiliser un homme au sol.
Sur cette photo en noir et blanc, on voit un policier casqué et masqué immobiliser un homme au sol. Photo Bsaz
       
Bruno Kaïk, 51 ans, a été hospitalisé plusieurs heures samedi après une violente interpellation pour le jet d'une bouteille sur les forces de l'ordre. La police affirme qu'il était incommodé par les gaz lacrymogènes. Lui dit avoir été étranglé par un policier.
 
Que s’est-il passé à Nantes, le 3 août, en marge de la manifestation contre les violences policières après la mort de Steve Caniço ?
Depuis sa publication le lendemain sur le compte Facebook de la photographe Bsaz, une photo, authentifiée lundi par CheckNews, fait beaucoup parler d’elle sur les réseaux sociaux : on y voit un homme plaqué au sol par un policier masqué, cagoulé et armé, sa main serrée autour de l’homme à terre.
Une vidéo circulant sur les réseaux sociaux permet également de constater la violence de l’interpellation.
 
Cet homme, qui n’avait pas pris la parole jusque-là et avec lequel CheckNews a pu s’entretenir par téléphone mardi, s’appelle Bruno Kaïk.
Il a 51 ans, vit à La Rochelle, où il est traducteur interprète en langue anglaise.
Après cette interpellation violente, il a été conduit à l’hôpital, où il est resté plusieurs heures, avant d’être placé en garde à vue pendant vingt-quatre heures.
Il a depuis été relâché, tandis que l’enquête se poursuit en préliminaire.
 
Contacté lundi par CheckNews, le Service d’information et de communication de la police (Sicop) avait justifié ainsi cette interpellation violente : «Il avait jeté une bouteille en verre contre un policier.»

Un geste que Bruno Kaïk reconnaît.
Mais il tient à préciser : «J’ai jeté cette bouteille en verre vide, alors que j’étais à une trentaine de mètres des policiers, dans leur direction. Effectivement, elle a éclaté devant les policiers, à quelques mètres d’eux, mais c’était plus symbolique qu’autre chose. Il n’y avait aucune intention de blesser. Dans tous les cas, leur réaction a été complètement disproportionnée.» 
A-t-il porté des coups au visage du policier pendant l'interpellation, comme l’affirme également le Sicop ? «Dans la folie de l’instant, c’est difficile à dire. Mais je ne crois pas.»
Les images de la séquence ne permettent pas de l'attester.

 


«Violemment strangulé»

C’est surtout à propos de la suite de l’interpellation et de ses conséquences que les versions divergent. Le Sicop a affirmé lundi à CheckNews que l’homme avait été transporté à l’hôpital après son interpellation «parce qu’il était incommodé par les gaz lacrymogènes».
Faux, rétorque Bruno Kaïk, qui assure que sa prise en charge est due à la violence des agents de la BAC, et dénonce des violences subies après la scène filmée : «A l’abri des camions, où j’ai été traîné ensuite, j’ai reçu d’autres coups. J’ai été violemment strangulé jusqu’à l’étouffement par un membre de la BAC. Avant de m’évanouir et de rester inconscient pendant plusieurs minutes.»
Le rapport d’observation médicale, remis au patient par le CHU de Nantes, que CheckNews a pu consulter, mentionne en effet que l’homme a été retrouvé «inconscient sur la voie publique» et «amené par les pompiers en urgence».
Le rapport mentionne aussi l’absence de «prise de toxiques», qui auraient pu être à l’origine d’une perte de conscience.
Alors que l’AFP, citant le Sicop, affirme que son certificat médical «mentionne 0 jour d’ITT», le manifestant répond : «Je ne suis pas salarié, je n’ai donc pas demandé d’arrêt de travail.»
Sur plusieurs vidéos, publiées sur les réseaux sociaux après la photo, et qui sont devenues à leur tour virales, on voit Bruno Kaïk au sol, aux pieds de l’agent de la BAC l’ayant interpellé, entre deux fourgons de police.
Alors qu’un des agents essaie de cacher la scène avec un chariot de supermarché, l’homme semble au bord de perdre connaissance et des témoins demandent aux policiers d’appeler les secours.
 
 
Plainte en vue

Selon l’homme, ce ne sont donc pas les gaz lacrymogènes qui sont à l’origine de sa perte de connaissance puis de son hospitalisation, contrairement à ce qu’affirme la police : «Ce qui a conduit à mon inconscience, ce sont bel et bien les maltraitances policières», affirme-t-il.
Il entend porter plainte contre «toute la chaîne de commandement, de l’officier de la BAC jusqu’au président de la République, qui est le chef des armées et a autorisé ces dérives».
«Je me présenterai devant eux avec toutes les pièces en main, avec mon avocat, pour porter l’affaire devant les tribunaux avant que tous ces gens qui violentent le peuple assument leur responsabilité.»
Que faisait-il à Nantes ce jour-là, lui qui vit le reste de l’année à La Rochelle ?
«J’accompagnais mon fils qui avait un rendez-vous dans la région. On en a profité pour aller manger une crêpe à Pornic. On a commencé à parler de Steve, dont le corps venait d’être retrouvé. Il m’a dit qu’il y avait une marche blanche en sa mémoire. Je lui ai répondu qu’il fallait y aller, que ça nous permettra de faire partie des voix qui s’élèvent. En arrivant, on s’est aperçus que ce n’était pas une marche blanche, mais noire. Et là, tout s’est enchaîné», raconte celui qui assure que c’était sa première manifestation depuis le début des gilets jaunes, mouvement qu’il suit avec intérêt, mais «de loin».
L’homme, qui se définit comme «fervent adepte de la non-technologie» et n’a donc rien vu de l’emballement autour de sa photo sur les réseaux sociaux, conclut, alors qu’il prépare activement sa défense : «Je suis en train de devenir une figure de la contestation, mais ce n’était pas du tout l’objectif.»
 
Robin Andraca 

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