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dimanche 24 décembre 2017

Payé pendant trente ans à ne rien faire : pas belle, la vie ?


 


Richard Hanlet

Médecin

« Chez ces gens-là, Monsieur, on ne licencie pas… on paye. »
 
Débutant au siècle dernier un semestre d’externat dans un service de chirurgie, on m’expliqua qu’il n’y avait pas d’assistant (n° 2) entre le patron et les chefs de clinique.
Il y en avait bien un en titre, nommé plusieurs années auparavant selon le système en vigueur à l’époque, assez proche de celui des califats abbassides.
Mais les deux hommes se vouant une haine inexpiable depuis leurs études, le chef de service déclara dès son arrivée qu’il ne souhaitait pas le voir dans son service, lui désigna la porte et personne ne le revit plus.
Ainsi pouvait agir le seul maître à bord après Dieu dans un service hospitalier.
Mai 1968 avait bien prétendu rabattre le caquet des « mandarins », ceux-ci, en bons judokas, avaient accompagné le mouvement pour conserver des privilèges qui auraient fait rougir les nobles d’Ancien Régime.
On connaît la phrase du neveu du prince Salina dans Le Guépard : « Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change. »
Statutairement, toutefois, l’assistant nommé restait fonctionnaire public hospitalier, et était donc payé en conséquence depuis des années…
On pourrait croire que, depuis la fin des Trente Glorieuses et le parachutage sur les hôpitaux d’une armée mexicaine de « gestionnaires », de telles aberrations étaient révolues.
Eh bien, pas du tout.
 
La chambre régionale des comptes de Bretagne vient de révéler qu’un chef de service nommé en 1984, « incompétent avéré » et présentant des problèmes de comportement vis-à-vis du personnel et des patients, était payé par l’hôpital depuis trente ans alors qu’il n’y avait plus aucune affectation !

En 2004, pas gênée, l’agence régionale de l’hospitalisation (ARH) avait même attribué une enveloppe de 124.000 euros par an à l’hôpital pour « compenser le surcoût lié à ce praticien sans affectation ni activité » !

Enfin, aimablement prié en 2010 par le directeur de l’hôpital de faire valoir ses droits à la retraite, l’incompétent refusa ; si bien que fin 2016, l’intéressé (c’est le mot juste) percevait encore 7.400 euros par mois.
 Normal, avec l’avancement à l’ancienneté et une si brillante carrière…
Au total, selon la chambre régionale des comptes, il en a résulté pour l’hôpital, « outre un déficit d’image, un coût salarial de 130.000 euros par an et une privation de recettes annuelles estimée à 980.000 euros, soit un coût total de 5,5 millions d’euros entre 2012 et 2016 ».
Le médecin libéral que vous verrez en urgence le 25 décembre ou le 1er janvier pourra méditer ces chiffres, lui qui recevra royalement 150 euros de l’agence régionale de santé pour avoir sacrifié son jour férié !
Dans tous les corps de l’État, sont-ils mille, dix mille, cent mille… les parasites du système priés de rester à la maison, mais payés jusqu’à la retraite avec l’argent de ceux qui se lèvent tôt ?

C’est la règle non écrite du statut de la fonction publique, pour paraphraser la chanson de Brel : « Chez ces gens-là, Monsieur, on ne licencie pas… on paye. »

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