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vendredi 1 août 2014

Négociations entre l’Allemagne et la Russie concernant les approvisionnements en gaz

 Jean-Paul Baquiast      

  

Selon le journal britannique The Independant daté du 31 juillet, repris par Express.be, Angela Merkel et Vladimir Poutine négocieraient un accord permettant à l’Allemagne de continuer à recevoir le gaz russe dont elle est très dépendante, en échange d’un compromis politique concernant les affrontements en Ukraine.

 L’accord, s’il était conclu, obligerait les Occidentaux à entériner l’accès à l’indépendance de la Crimée et son rattachement à la Russie.

En échange, cet accord contraindrait la Russie à cesser de soutenir financièrement et militairement les groupes séparatistes ukrainiens qui combattent l’armée ukrainienne à l’Est du pays.
Il prévoirait cependant que ces régions pourraient accéder à une sorte d’autonomie, sous forme de décentralisation voire de fédéralisation au sein de la République d’Ukraine.
C’est une solution, il faut le rappeler, qu’avait recommandée en France l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine.
L’Ukraine devrait renoncer à devenir membre de l’OTAN, mais en contrepartie, la Russie s’engagerait à ne pas entraver la conclusion de l’accord commercial qu’elle avait cherché à signer récemment avec l’Union européenne.
 En outre, l’Ukraine signerait également un accord d’approvisionnement comportant des tarifs prédéterminés avec le géant gazier russe Gazprom.
L’accord négocié prévoit également que la Russie pourrait verser un milliard de dollars à l’Ukraine en compensation de la perte des revenus que le pays percevait de la Russie au titre de la location des bases militaires en Crimée et du port de Sébastopol avant l’accession de la Crimée à l’indépendance.

Les négociations concernant cet accord auraient été stoppées à la suite à la catastrophe du vol MH 17. Mais elles reprendraient dès le début de l’enquête, c’est-à-dire très prochainement.
Comme il était prévisible, un représentant du Foreign Office britannique a affirmé que ce ministère n’avait pas été informé de ces discussions, et qu’il était « hautement improbable que les États-Unis ou le Royaume-Uni acceptent de reconnaître le contrôle de la Russie sur la Crimée, quelles que soient les dispositions concernant les approvisionnement en gaz ».


Nordstream et Southstream

Pour la plupart, les futurs approvisionnements en gaz russe intéressant l’Allemagne et les pays européens de l’est devaient passer par deux voies court-circuitant l’actuel réseau de pipe-lines et de gazoducs, traversant l’Ukraine et très obsolète (voir carte).

Carte des gazoducs provenant de Russie
Carte des gazoducs provenant de Russie
L’une des deux voies, le Nordstream (flux du nord, NdT), provient directement de la Russie via un pipeline déjà en partie réalisé, qui emprunte les sous-sols de la Baltique.
Après de longs mois de négociations avec les pays voisins relatives à son creusement, le premier tube a été mis en service en 2012.
Gerhard Schröder, ce qui fut très commenté, avait été engagé par Gazprom pour diriger le Conseil de surveillance du consortium germano-russe chargé de construire ce gazoduc, dont Gazprom détient 51 %.
Afin de réaliser le projet, les actionnaires ont fondé la compagnie Nord Stream AG.
Son capital a été modifié depuis l’origine, et est réparti entre le Russe Gazprom (51 % – sans changement), et les Allemands Wintershall Holding et E.ON Ruhrgas (15,5 % chacun), le Néerlandais Gasunie et le Français GDF Suez (9 % chacun).
Au sud, le projet de gazoduc paneuropéen Southstream (flux du sud, NdT) devrait, dès 2015, relier la Russie à l’Europe occidentale.
Le gaz sera acheminé sous le Mer Noire, vers la Bulgarie, la Serbie, l’Italie et l’Autriche.
Son coût est estimé à 25 milliards d’euros.
 Ce projet permettrait à Gazprom de contourner l’Ukraine et d’éviter les récents conflits ayant provoqué les coupures d’approvisionnement à l’Europe.
 Southstream permettrait aussi de contrôler une grande partie des livraisons du gaz en provenance des gisements gaziers de la Mer Caspienne et du Kazakstan, concurrençant directement le gazoduc alternatif Nabucco soutenu par les États-Unis et l’Union européenne, mais sans participation de Gazprom.
Nabucco, à propos duquel les négociations semblent arrêtées, relierait l’Iran et les pays de la Transcaucasie à l’Europe centrale.
Il permettrait, dès 2017, de diversifier les sources d’approvisionnement énergétique de l’Europe de l’est, notamment de la Hongrie, qui dépend à 80 % du gaz russe.
Des experts pétroliers, pour la plupart financés par les intérêts américains, ont fait valoir que le Southstream couterait très cher aux partenaires européens, alors que la réduction de la consommation de gaz entreprise en Europe pourrait diminuer la demande.
 On s’est interrogé également sur la durabilité des sources méridionales de gaz russe.
Barack Obama était allé jusqu’à proposer d’exporter du gaz de schiste américain vers l’Europe, ce qui n’aurait eu aucun sens économique.
 Par contre certains pays européens semblent décidés à augmenter leur recherches de ce type de gaz, suscitant évidemment l’opposition des écologistes.
 La France, pour sa part, importe une partie de son gaz d’Algérie.
Jusqu’à ce jour, tous ces arguments n’ont pas réussi  à convaincre les intérêts industriels allemands, qui continuent à s’intéresser, malgré son prix jugé trop élevé, mais pouvant être réduit, au projet Southstream.
 D’où l’intérêt avec lequel il faudra suivre la reprise effective des négociations germano-russes à ce sujet, et leur influence sur les positions respectives de l’Allemagne et de la Russie sur la question ukrainienne.
On notera que, comme il fallait s’y attendre, les sénateurs américains John McClain, Ron Johnson and Christopher Murphy avaient annoncé en juin 2014 avoir obtenu la renonciation de la participation de la Bulgarie et de la Serbie au projet.
 Les gouvernements de ces pays, sans s’élever véritablement, comme ils auraient du le faire, contre cette intrusion au plus haut niveau politique américain dans leurs affaires, ont depuis annoncé qu’ils n’avaient pas exactement renoncé à leur participation.
Nous avons ici considérablement simplifié le paysage des négociations intéressant l’Europe entre pays fournisseurs de gaz, pays consommateurs et pays de transit.
Mais les grandes lignes du présent exposé nous paraissent donner tout son sens à l’accord Merkel-Poutine, si l’information rappelée ci-dessus en introduction, telle que publiée le 31 juillet 2014 par The Independant, était confirmée.
Jean-Paul Baquiast
Source : Land for gas: Merkel and Putin discussed secret deal could end Ukraine crisis

The Independant 31/07/2014

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