On a été nombreux à être surpris d'apprendre, le 13 novembre dernier, que la France octroyait à la République centrafricaine (RCA) une « aide » de dix millions d'euros.
Surpris, parce que ce pays d'Afrique a été le précurseur du bashing et de la haine anti-France sur le continent. Surpris, parce que la situation financière actuelle, en France, ne semble pas propice à la distribution, à l'étranger, de l'argent public des Français. Surpris, parce qu'en France, les autorités imposent aux populations un serrage de vis afin de boucler le budget 2025. Enfin, surpris, parce que le gel, en 2021, de cette « aide » découlait du bon sens au regard du rapport de force imposé par la rue à Bangui lors des manifestations anti-France qui, en vérité, sous le couvert de dénonciation de néocolonialisme, cherchait à imposer la Russie et sa branche de mercenaires du groupe Wagner dans ce pays traditionnellement allié fidèle de Paris.
À l'origine, tout part d'une honorable décision de la France de s'engager, pour des raisons humanitaires, à intervenir, en 2013, dans le conflit en RCA opposant les miliciens anti-balaka (chrétiens) aux combattants Séléka (musulmans). Le monde entier avait déploré les massacres de civils et les représailles qui s'en étaient suivies. C'est ainsi qu'avec l'aide de soldats de l'Union africaine, la France avait mis en place l'opération Sangaris dans ce pays. Une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies était venue donner un cadre légal à l'intervention avec la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), qui évolua plus tard vers la MINUSCA.
Comme malheureusement cela se produit dans des opérations militaires, il y eut des dommages collatéraux des deux côtés : on se souvient encore de civils victimes innocentes prises au piège entre les Forces de Sangaris et les troupes rebelles ; on se souvient également que des soldats français sont morts pour défendre le retour à la paix en République centrafricaine. Paix à leurs âmes.
La France, ancienne puissance colonisatrice, n'a pas pris la mesure de la détestation du président Bozizé lorsqu'elle a envoyé ses soldats en RCA, elle a, à tort, usé du paternalisme rance de l'époque de la « Françafrique » pour adouber une classe politique rejetée par les populations car incapable d'assurer leur sécurité. C'est dans ce contexte que, profitant du conflit, de nouveaux partenaires vont arriver en RCA et réclamer leur part du gâteau, puisque, soulignons-le, ce pays dispose d'un sous-sol d'une richesse incroyable : diamants, or, uranium, pétrole, etc.
La Chine, la Russie, l'Afrique du Sud et le Rwanda imposent le rapport de force avec la France lors des élections remportées par Touadéra en 2016. Ce dernier va écouter la rue, et malgré le fait qu'il est un ami de la France, il va permettre aux nouveaux partenaires de s'installer et d'obtenir des parts de marché, notamment dans le secteur de la sécurité privée, afin de maintenir la paix dans un pays encore malade du conflit civil qu'il venait de connaître. C'est à ce moment-là que le groupe Wagner, basé en Russie, va entrer dans la danse. Les mercenaires, par des méthodes brutales, vont rapidement ramener la paix. Ils vont également exploiter les canaux modernes de communication pour faire monter la haine anti-France et faciliter l'émergence d'animateurs d'agora dans les rues de Bangui. Le rôle de ses leaders « panafricanistes» sera de dénoncer l'exploitation de la RCA par la France en mettant en avant le sous-développement du pays contrastant avec sa richesse.
Les manifestations vont se succéder dans les rues en RCA, des drapeaux français seront brûlés dans de grandes opérations largement relayées sur les réseaux sociaux et reprises dans un contexte de bashing anti-France au Sahel. La France, qui était le principal bailleur de fonds de la République centrafricaine, se retrouve donc dans une situation où elle doit quitter le pays. C'est ce qui sera fait avec l'annonce, en décembre 2022, par Paris, de l'évacuation des derniers soldats encore présents en RCA.
La France a payé un lourd tribut financier pour cette pacification : près de 200 millions d'euros, selon les sources officielles, mais elle est partie la tête haute en ayant respecté ses engagements à soutenir un allié confronté à des problèmes sécuritaires.
Tout logiquement, à partir du moment où les autorités de la République centrafricaine ne veulent plus de la France, Paris est en droit de ne plus apporter d'assistance financière à ce pays. Le groupe Wagner y est toujours présent et continue de réaliser de belles affaires en préemptant de vastes concessions minières et la rue à Bangui est encore hostile à la France. Cette « aide » de dix millions d'euros tombe mal, car on ne peut pas demander aux Français de se serrer la ceinture, au nom de la rigueur budgétaire, et arroser abondamment des gens qui insultent la France.
Illustration : le président de RCA Faustin-Archange Touadéra lors de sa visite en France, le 17 avril 2024;
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.