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vendredi 24 mai 2024

« C’est le Club Med » : les prisons françaises envahies par le trafic de drogue


Fresnes 
Fresnes - Photo Groupe Rassemblement national

 

Depuis le 14 mai et son évasion sanglante, Mohamed Amra est le fugitif le plus recherché de France. 

Alors que celui qu’on surnomme « La Mouche » reste introuvable, Le Parisien dévoile les écoutes réalisées dans la cellule du trafiquant à la prison de la Santé (Paris) entre 2022 et 2023. On y découvre un homme particulièrement violent qui poursuit derrière les barreaux ses activités criminelles. Mais, pire, ces écoutes révèlent l’état de nos prisons au sein desquelles se développent les trafics en tout genre et où les détenus jouissent d’un certain sentiment d’impunité.

« Sur le Coran de La Mecque, Wallah, vous allez me respecter. Vous êtes des fous, mais je vais vous montrer que je suis plus fou que vous ! […] Vous voulez voir ma chienneté (sic) ? Je vais vous montrer ! Tu vas me payer ! » Derrière les barreaux de sa cellule, Mohamed Amra ne semble jamais avoir mis un terme à ses activités criminelles. Muni de plusieurs téléphones portables, le détenu est ainsi soupçonné d’avoir commandé, depuis la prison de la Santé, le meurtre barbare d’un homme afin de lui dérober son stock de cannabis. D’après les écoutes réalisées dans sa cellule, « La Mouche » dirigeait, en outre, en temps réel ses complices afin de mettre en place des guet-apens, des enlèvements et des demandes de rançons contre des trafiquants rivaux. Bien renseigné, il en profitait également pour avertir son réseau d’éventuels barrages des forces de l’ordre. Mohamed Amra bénéficiait, enfin, de solides soutiens à l’extérieur de la prison qui lui fournissaient des cartes SIM, des cartes bancaires prépayées ou encore du cannabis.

« Nos prisons sont des passoires »

Ces révélations sur les conditions carcérales dont a joui l’homme le plus recherché de France n’étonnent pas les surveillants pénitentiaires contactés par BV. « La prison, c’est le Club Med pour beaucoup de détenus, aujourd’hui. Ils réceptionnent des colis qui sont jetés au-dessus de l’enceinte de l’établissement. Ils reçoivent ainsi de la nourriture, de l’alcool, de la drogue et parfois même des couteaux », nous confie l’un de ces surveillants désabusés. En novembre 2022, BV avait ainsi surpris ces « jeteurs » qui envoient des paquets depuis l’extérieur au-dessus des murs de la prison de la Santé.

« À cela s’ajoutent les nombreuses activités dont profitent les détenus au sein de la prison - musculation, télévision, PlayStation™, sport en extérieur, sorties en dehors de l’établissement.

Franchement, la majorité des détenus ont la belle vie », ajoute un autre surveillant. On se souvient, notamment, de l'activité karting organisé à la prison de Fresnes, en août 2022, qui avait offusqué une partie des syndicats pénitentiaires. Et un dernier de commenter : « Nos prisons sont des passoires, tout entre et on n’y peut rien. »

En cause, tout d’abord, un mauvais équipement des prisons françaises pour lutter contre les téléphones portables qui circulent et les drones qui permettent la livraison de colis. Seuls 19 établissements sont, à ce jour, équipés d’un système de brouillage qui empêche les communications téléphoniques. Éric Dupond-Moretti promet qu’une trentaine de dispositifs supplémentaires ont été commandés ; cela reste insuffisant. Dans un rapport sénatorial, un membre de la direction de l’administration pénitentiaire expliquait, ainsi, que « le brouillage des communications n’est pas si simple à mettre en œuvre », surtout lorsque la prison se trouve à proximité d’habitations. Quant à la lutte anti-drones, seuls 45 sites sont suffisamment équipés.

À ce défaut d’équipement s’ajoute un manque criant de surveillants pénitentiaires. Environ 2.500 surveillants font aujourd’hui défaut à l’administration pénitentiaire. « Dans certaines prisons, il y a un surveillant pour 150 voire 200 détenus. Vous ne pouvez pas tout voir, c’est impossible », nous fait remarquer l’un d’eux. « Et quand bien même, vous interceptez un téléphone ou une clef USB, vous savez très bien qu’en quelques jours, le détenu aura récupéré un nouveau portable. À la fin, vous ne fouillez même plus leur cellule parce que vous savez que ça ne sert à rien. Les détenus réussiront toujours à contourner le système », ajoute ce surveillant.

Pour lui, la responsabilité est avant tout politique. Il pointe du doigt la loi de 2009 qui interdit les fouilles systématiques des détenus à la sortie du parloir et une circulaire de 2012 qui limite le contrôle des visiteurs à un simple portique de sécurité. « Beaucoup d’objets ne sont pas détectés, avec ces portiques. Les couteaux en céramique, la drogue et même certains portables… Dès qu’un détenu obtient quelque chose au parloir, il rentre avec dans sa cellule », se désole ce surveillant pénitentiaire.

 Comme ce surveillant, une partie de l'opposition dénonce aujourd'hui la responsabilité du ministre de la Justice.

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