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samedi 3 février 2024

Tomate espagnole « immangeable » ? Ségolène Royal, bonne élève d’Édith Cresson


Rien

 Nicolas Gauthier 02 février 2024

Qui aurait pu imaginer qu’Édith Cresson, Premier ministre de François Mitterrand de mai 1991 à avril 1992, avait eu, à l’instar de son tuteur, une fille cachée ? 

Personne. Mais à écouter Ségolène Royal, autre personnalité socialiste elle aussi malmenée par les éléphants d’alors, on se dit qu’une mystérieuse filiation pourrait être envisageable.

Ainsi, quand la candidate malheureuse à l’élection présidentielle de 2007 affirme, ce 30 janvier, en pleine crise agricole européenne : « Vous avez goûté les tomates soi-disant bio espagnoles ? C’est immangeable ! Le bio espagnol est un faux bio. Les fruits et légumes espagnols ne respectent pas les normes françaises », voilà qui rappelle les heures les plus sombres de Matignon. Nous sommes en juillet 1991 et Édith Cresson affirme à ABC News que « l’homosexualité, différente et marginale, est plus proche des coutumes anglo-saxonnes que des usages latins ». Bref, les Anglais seraient plus portés sur la jaquette que sur la jupette. Une chance, encore, qu’elle n’ait pas évoqué nos amis grecs.

Toujours dans le registre de l’amitié entre les peuples, celle que ses adversaires tiennent à l’époque pour marquise pompadouro-mitterrandienne compare les Japonais à des « fourmis menant des existences démesurément laborieuses et inacceptables pour les standards européens concernant les loisirs et la Sécurité sociale ». En retour, on brûla son effigie sur une bonne partie de l’archipel nippon. À l’époque, on savait faire de la politique différemment.

Certes, la sortie de Ségolène Royal, quoique marquée au sceau de la « bravitude »™, vise moins haut. Mais ce serait oublier que l’honneur de la tomate espagnole, ce n’est pas rien non plus, surtout comparé à la virilité britannique et à ce sens de la déconne si propre aux Japonais.



« De tels propos sont inappropriés »

La preuve en est qu’à l’approche de chaque printemps, les Ibères sont plus rudes, Teresa Ribera, ministre socialiste de la Transition écologique, n’hésitant pas à déclarer : « De tels propos sont inappropriés de la part d’une personne qui a eu des responsabilités gouvernementales. » On note le « qui a eu », renvoyant ainsi l’ancienne madame Hollande à la retraite anticipée. Plus direct, le Premier ministre Pedro Sánchez, lui aussi socialiste, se contente d’un laconique « La tomate espagnole est imbattable. » Voilà qui n’appelle pas la réplique.

De son côté, l’Association professionnelle espagnole de production biologique (Ecovalia) affirme que la tomate ibérique est tout aussi vertueuse que son homologue française ; ce que les avocats de cette dernière contestent, bien sûr. Qui croire…

En revanche, deux faits sont avérés. Le premier, c’est que des camions espagnols chargés de tomates sont régulièrement arraisonnés par les paysans français pour cause de concurrence déloyale, leur prix de revient étant là-bas plus bas qu’ici. Le second tient en une simple statistique : 36 % des tomates consommées en France sont désormais importées. Mais si la tomate française souffre, son homologue d’outre-Pyrénées n’est pas forcément en meilleure forme. La preuve en est le ralliement des trois principaux syndicats agricoles espagnols ayant annoncé, ce même 30 janvier, rejoindre l’ensemble des actuelles jacqueries, non seulement françaises, mais aussi européennes.

La tomate marocaine en embuscade

Pourquoi une telle convergence des luttes ? Peut-être à cause d’un ennemi commun : la tomate marocaine, qui commence à tailler des croupières, non seulement à sa cousine française, mais également à sa voisine espagnole. Une situation assez bien résumée par BFM TV : « Relativement stables entre 2011 et 2017 à 300.000 tonnes par an, les importations de tomates marocaines ont bondi depuis […] atteignant plus de 425.000 tonnes en 2022, soit une hausse de 40 % en à peine cinq ans. » Résultat, toujours selon la même source : « Cette croissance s’est faite au détriment de la tomate d’Espagne, qui recule depuis dix ans, et surtout de la tomate française. »

Notons qu’en matière de dumping salarial, le royaume chérifien est imbattable, là où le salaire horaire est de 0,74 euro, contre… 13,64 euros en France. Après, que nos voisins marocains ne se réjouissent surtout pas trop vite : avec les accords de libre-échange conclus avec l’Amérique latine (Mercosur), ils pourraient être bien vite dépassés en matière concurrentielle. En attendant la tomate de Tombouctou, qui devrait être produite encore à plus bas coût tout en ayant meilleur goût ? Ainsi va la mondialisation heureuse, pour paraphraser Alain Minc, grand gourou du cercle de la raison.

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