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dimanche 11 février 2024

Peut être bien que les aristocrates sont ailleurs, dans le peuple, inconnus, humbles, mais ardents , fiers! prêt à tout donner contre rien.

 

@flrt..werner Film "Les Aristocrates" 1955, terriblement d'actualité... #aristocats #oldmoney #decadence #hautesociete #film ♬ J.S.Bach, Toccata and Fugue _in D minor - AllMusicGallery
 
Une brève histoire des Braves Gens issue de Gens de Campagnol, 2012 
 
Longtemps on aura gouverné en s’appuyant sur les bonnes ou braves gens. 
 
Henri IV en parlait sans cesse, Fénelon a sévèrement rappelé leur existence à Louis XIV, Voltaire n’a pas aimé la façon dont Louis XV les traitait, Rousseau les tenait pour naturellement bons, la Révolution les a armés, Napoléon les a décorés, Hugo les a sanctifiés. 
Dans le théâtre classique et dans les romans libertins du XVIIIe, ils s’appelaient presque tous Mathurine ou Augustin, ils avaient des mots d’enfant, ils étaient pieux et simples, on les aimait bien. 
Chez Beaumarchais, ils deviennent raisonneurs et plus malins que leurs maîtres. 
Ensuite, ceux qu’auront enrichis tour à tour la valse des assignats, les fastes de l’Empire et les changements de régime commencent à justifier le recours à l’antiphrase, qui devient systématique. 
De la Commune de Paris à l’affaire Dreyfus, les braves gens ne sont plus ni pauvres, ni pieux, ni recommandables, ils deviennent tout le contraire: madrés, timorés, rusés, égoïstes, confits dans une feinte dévotion. Ils sont désormais, pour les chansonniers, les ennemis du vrai Peuple : propriétaires de manufactures qui emploient des enfants de 10 ans, fonctionnaires ou rentiers qui engrossent la bonne, dames d’œuvres poudrées, vaniteuses et méchantes. 
Le couplet célèbre de Brassens à leur sujet est issu de ce mythe fondateur dont témoignent la correspondance de Rimbaud, les écrits de la Commune de Paris, les manifestes anarchistes. 
Durant la guerre de 14 , une affiche disait “braves gens nous donnons notre vie, donnez au moins votre or“. C’est tout juste si elle n’ajoutait pas “bande de planqués“. 
Ensuite, Bernanos et la gauche, en communiant dans la haine des bien-pensants de l’entre-deux-guerres, perpétuent l’anathème. C’est bien connu, les braves gens, aveugles partisans de l’ordre, barrésiens, maurassiens, font le lit du pétainisme. 
Après la guerre, le Gaullisme restaure, vaguement, la dignité de cette majorité silencieuse, mais depuis , on ne saurait gouverner que contre elle. Il faut l’accabler, la vilipender en public et, quand on ne s’en prend pas nommément à elle, défendre, sous son nez, le contraire de ce qu’elle tient pour juste, bon et honorable. 
 
Dans les films et les émissions tardives, les braves gens sont toujours évoqués avec une grimace liminaire. Sur Internet, les guillemets autour d’eux sont omniprésents, ils désinfectent la phrase, ils témoignent que celui qui s’exprime répugne à employer ces mots au premier degré.

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