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jeudi 1 février 2024

Malgré la grogne des agriculteurs, un rapport appelle encore à la décroissance



 

 Clémence de Longraye 31 janvier 2024

C’est ce qu’on appelle avoir le sens du timing. 

Alors que le monde agricole vit une profonde crise depuis plusieurs semaines, alors que les agriculteurs réclament davantage de considération et alors que les paysans dénoncent les normes absurdes qui leur sont imposées, un document de France Stratégie, organisme autonome rattaché au Premier ministre, vient être envoyé au Comité national de l’eau. Or, loin d’apporter un quelconque soutien aux agriculteurs ou de leur promettre un meilleur accompagnement, cette note propose un modèle décroissant. Une vision bien éloignée des revendications portées par les agriculteurs présents dans tout le pays sur les barrages qui illustre à nouveau la déconnexion totale des administrations.

Réduction des surfaces agricoles

Un rapport qui fuite et qui en dit long sur l’état d’esprit de l’administration. Ce 28 janvier, Emmanuel Ferrand, agriculteur et maire de Saint-Pourçain-sur-Sioule dans l’Allier, publie sur son compte X (anciennement Twitter) les scénarios étudiés par France Stratégie sur les « besoins en eau » à l’horizon 2050. Selon lui, ces quatre paragraphes et ce tableau récapitulatif, s’ils sont mis en œuvre, signeraient « la suppression de l’agriculture française ». En effet, cette étude, soumise au Comité national de l’eau, propose une vision résolument décroissante de l’agriculture française. Baisse de 50 % de la consommation de viande, baisse de 41 % des surfaces de fourrages (maïs, prairies temporaires), baisse de 36 % des surfaces de maïs, baisse de 20 % des cultures de pommes de terre, betteraves et vignes… En d’autres termes, France Stratégie prévoit, d’ici les trente prochaines années, une réduction drastique des cultures sur le sol français. Une décroissance agricole qui devrait aller de pair, si on en croit les prospectives de ce document, avec une baisse de l’activité industrielle et également du nucléaire (-80 %).

Ainsi, alors que les agriculteurs réclament des perspectives d’avenir et espèrent, un jour, pouvoir transmettre leur ferme à leurs enfants et petits-enfants, France Stratégie leur suggère de réduire leur production, voire dans certains cas de l’abandonner.

L’idéologie décroissante de Bruxelles

Cette note, qui ne serait pas, selon le cabinet de Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, une hypothèse de travail validée, n’est pas sans rappeler le projet européen de décroissance agricole qui exaspère les agriculteurs français. Adopté à l’automne 2021, le plan « From Farm to Fork » (de la ferme à la fourchette, en français) prévoit en effet une réduction du recours aux pesticides, aux engrais chimiques et aux antibiotiques pour animaux. L’objectif : atteindre 25 % de surfaces biologiques (contre 8 à 10 % aujourd’hui) d’ici 2030 et mettre 10 % des surfaces productives en jachère. Plusieurs études indiquent que la mise en œuvre de ce plan entraînerait une baisse de près de 10 à 15 % de la production européenne, impactant en premier chef les agriculteurs d’Europe de l’Ouest. Comme le résume François-Xavier Bellamy : « La multiplication des normes qui se dessinait pour l’agriculture européenne, l’augmentation des jachères, la diminution drastique des protections phytosanitaires allaient produire une chute sans précédent de notre production agricole. » Cette décroissance n’est pas sans conséquence pour le niveau de vie des agriculteurs. Elle impliquerait une hausse significative des prix ainsi qu’une baisse du salaire - déjà très faible - des paysans, note le député européen. Enfin, la décroissance promue par Bruxelles, et par France Stratégie désormais, rendrait la France encore plus dépendante des importations.

Par ailleurs, au nom de la décroissance et de la transition écologique, les agriculteurs ont le sentiment d’être poussés vers un modèle déjà en crise. Le marché de l’agriculture biologique connaît, depuis plusieurs années, des difficultés avec une baisse de près de 5 % des ventes en 2022. Plutôt que la décroissance, l'État devrait sans doute se tourner vers une politique agricole souverainiste qui défendrait ses agriculteurs.

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