Pages

mercredi 3 janvier 2024

Voitures brûlées du réveillon : si l’on renvoyait Gérald Darmanin en CM1 ?

 

 Gabrielle Cluzel 02 janvier 2024

En déplacement à Montargis, ce 1er janvier, Gérald Darmanin a affiché sa satisfaction. 

Dans ce qui est devenu la ville symbole des émeutes de juin dernier, le ministre de l'intérieur s’est appuyé sur cet indicateur désormais traditionnel qu’est le nombre de voitures brûlées pour justifier d’un réveillon « calme » sur tout le territoire : « 745 voitures brûlées », soit, selon lui, « 10 % de véhicules brûlés en moins par rapport à l’année dernière. L’année dernière, c’était déjà 20 % de moins par rapport à l’année d’avant. » Le message est clair : grâce à l’excellente conduite du ministère de l’Intérieur, on tient le bon bout ! On dit merci qui ?

 

 

Réveillon « calme »

Passons sur l’indécente autosatisfaction, que goûteront les 745 propriétaires de voitures brûlées. Et, au-delà, tous ceux qui n’ont pas franchement passé ce réveillon « calme » dont s’est félicité Gérald Darmanin : le jeune-homme mortellement poignardé sur le quai de la gare de Saint-Just-en Chaussée (Oise), l’autre jeune-homme, entre la vie et la mort, à Grandvillars (Territoire de Belfort), poignardé pour avoir demandé à des jeunes, alors qu’il revenait du réveillon avec sa femme, d’arrêter leurs pétards, ou encore la septuagénaire d’Ozoir-la-Ferrière (Seine-et-Marne) violée à son domicile, devant son mari handicapé, à 7 heures du matin, ce 1er janvier.

Passons, encore, sur l’incroyable déploiement des forces de l’ordre pour parvenir à ce résultat : 90.000 gendarmes ou policiers mobilisés sur tout le territoire, soit l’effectif opérationnel maximum théorique.

Passons, enfin, sur l’implacable constat qui en découle : l’État, comme tous les États en situation de délitement avancé, ne tient que - difficilement - par la force d’une garde prétorienne, silencieuse, dévouée, corvéable à merci. Que l’une de ses caractéristiques soit qu’elle a voté majoritairement Marine Le Pen, aux dernières élections, ne manque pas de sel : pour l’extrême droite séditieuse, on repassera.

« Darmaninade »

Oui, passons sur tout cela, pour s’arrêter sur un chiffre, éloquent, car après les supporters anglais, Kevin et Matteo, l’ultra-droite et la psychiatrisation des attentats, il illustre l’incroyable capacité de Darmanin à jouer avec la vérité. On se souvient des « raffarinades », néologisme inspiré du mot « tartarinade » pour qualifier les sorties de Jean-Pierre Raffarin. On pourrait forger aussi un autre mot : « darmaninades ». Cette dernière « darmaninade » vaut son pesant de mauvaise foi. Ou de graves difficultés en arithmétique.

C’est Pierre Sautarel, du site Fdesouche, qui, le premier, a levé le lièvre : il y a exactement un an, le 1er janvier 2022, en marge d’un déplacement cette fois à Mayotte, Gérald Darmanin avait dressé de la même façon le bilan de la nuit du réveillon : il s’était vanté alors, en effet, d’une baisse de 20 % des voitures brûlées, comparé au réveillon de l’année passée : 690 véhicules brûlés répertoriés, contre 874 en 2022.

Un enfant de CE1 sait que 745 est supérieur à 690. Un enfant de CM1 est capable de calculer que le bilan, cette année, n’est pas inférieur de 10 % à celui de l’an passé, mais supérieur de 8%.

Interrogé à ce sujet, ce 2 janvier, par nos confrères de Valeurs actuelles, le ministère de l'Intérieur leur a expliqué que 690 était un chiffre temporaire : le bilan au 1er janvier a été revu à la hausse dans les jours qui suivent, à 811. Mais il en sera, dans ce cas, de même pour le réveillon 2024. Et l’honnêteté oblige à une comparaison date à date. Le chiffre temporaire 690 ne saurait être mis en balance avec le chiffre définitif de 811 de l’année passée.

 

 

Si les chiffres ont été corrigés, les pourcentages qui en découlent doivent l’être aussi. Les 10 % de baisse annoncés sont faux, puisque les données permettant de le calculer sont biaisées.

De même pour le pourcentage annoncé le 1er janvier de l’année dernière : si nous sommes passés, ensuite, de 690 à 811, la baisse de 20 % revendiquée comme une victoire, quand on parlait de 690 voitures, ne tient plus. Mais Gérald Darmanin l’a encore mise en avant, ce 1er janvier.

Une question : avec quels autres chiffres, dans quel autre domaine, Gérald Darmanin fait-il le même genre de tour de passe-passe ? Et quel crédit accorder à sa parole ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.