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dimanche 7 janvier 2024

Naturalisation : pourquoi ces Belges francophones n’ont pas pu devenir français


 
 

 

 Julien Tellier 06 janvier 2024

 

Il y a des fables qui n’en sont pas. Martine et Vincent Lenoir, eux, en savent quelque chose. 

 

Ce couple belge installé dans la Drôme depuis respectivement neuf et vingt-quatre ans a fait les frais de l’absurdité administrative de notre pays. D’origine wallonne (Belgique francophone) et de langue maternelle française, le couple a déposé, en mai 2022, une demande de naturalisation qu’on aurait pu imaginer comme étant une simple paperasserie comme la France sait si bien le faire. Mais non ! « Le français est notre langue maternelle, on a fait toutes nos études dans le système éducatif francophone de Belgique, et pourtant, on nous refuse la nationalité car on ne parvient pas à prouver qu’on parle français ! » s’agace le couple de Drômois auprès de nos confrères du Parisien.


 

C'est évidemment un peu plus compliqué, comme toujours en France. Le dossier d’apparence en béton armé n’est qu’un petit château de cartes pour la préfecture. Sont remis en cause les justificatifs de maîtrise du français transmis par le couple. Leurs diplômes et le test de langue effectué auprès de l’organisme de certification ETS ne suffisent pas à l’administration française, toujours plus friande de papiers ! Pourtant, les deux Belges ont bien tous deux poursuivi leurs études dans le système éducatif francophone, ont travaillé et occupé des postes à responsabilité dans des entreprises françaises. Comble de l’affaire, Martine Lenoir a même écrit un livre en français !

« On peut difficilement être plus intégrés »

Le couple ne comprend pas un tel rejet. « Nous sommes dans l’incompréhension », confient-ils au quotidien régional Le Dauphiné libéré, avant d’ajouter : « Ce n’est pas anodin de demander la nationalité d’un pays et on comprend que l’administration française doit être assez rigide dans l’application de la loi. Mais nous sommes 100 % intégrés, ou plutôt 98 % intégrés. Il nous manque ces 2 % que représentent la nationalité française et le droit de vote. » L’administration kafkaïenne ne semble pas avoir ébranlé la volonté de nos Belges à devenir Français : « On veut voter pour des gens qui font notre vie ici, alors qu’on est obligés de participer aux élections en Belgique [sous peine d’amende, NDLR] pour des gens qui ne s’occupent plus de notre quotidien ici en France. » Martine Lenoir, autrefois professeur d’EPS en Belgique et désormais salariée du groupe allemand Vorwerk, fait une remarque juste au Parisien : « On peut difficilement être plus intégrés. On paie nos impôts en France depuis des années, on a toujours travaillé, sans jamais être à la charge de la société française. »

Cependant, la préfecture se défend de toute volonté de nuire à ce couple. Dans un communiqué de presse « droit de réponse » daté du 4 janvier que Boulevard Voltaire a pu consulter, le préfet se justifie : « Il est totalement inexact de mentionner que la demande de naturalisation [...] a été rejetée pour "défaut de connaissance de la langue française", ce rejet est dû à la production de documents non conformes à la liste mentionnée par l’article 37 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993 modifié. » Qu’il est terrible de constater que la France ressemble toujours à la huitième épreuve des Douze Travaux d’Astérix

Préfecture de la Drôme

Le couple belge est-il mal tombé ? La préfecture de la Drôme naturalise peu. En 2022, la préfecture a naturalisé quelque 296 personnes alors que la France a naturalisé 130.385 personnes en 2021 ! Si la naturalisation de ce couple semble difficile, elle l’est apparemment beaucoup moins pour nombre d’étrangers extra-européens, parfois même issus de pays non francophones (qui affichent en majorité des difficultés de compréhension, que ce soit à l’oral ou à l’écrit).

Ainsi, la France permet depuis 2016 à tout étranger désireux de « s’intégrer » de signer un contrat d’intégration républicaine (CIR). Ce programme, entièrement financé par les impôts des Français, permet à son signataire (ils étaient 108.909 en 2021) de suivre une formation linguistique permettant d’acquérir un niveau A1 en langue française (le niveau B1 étant requis pour accéder à la naturalisation). En 2021, les premiers bénéficiaires de ce dispositif sont les Afghans (11,2 %), les Marocains (9,7 %), les Algériens (7,5 %), les Tunisiens (6,7 %), les Ivoiriens (4,8 %), les Guinéens (3,8 %), les Turcs (3,1 %), les Bangladais (2,8 %), les Maliens (2,8 %) et les Sénégalais (2,7 %). En tout illogisme, ces nationalités arrivent en tête des acquisitions de la nationalité française. Pour notre couple belge, le plus simple eût donc été de ne pas parler français du tout. L’aventure aurait été bien moins contrariante.

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