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lundi 29 janvier 2024

Exclu : les comptes de la FNSEA et le naufrage du corporatisme français


 “Paysans, n’ayez pas peur de dénoncer la FNSEA et sa soumission au pouvoir !”

 parÉric Verhaeghe

 
Dans notre chronique économique du dimanche, nous faisons place aujourd’hui à une question d’actualité, qui est celle des comptes de la FNSEA, souvent accusée de conflit d’intérêt. 
 
Notre propos n’est pas ici d’analyser en détail la comptabilité du principal syndicat agricole, mais plutôt de montrer les conséquences systémiques du corporatisme français dont la FNSEA porte la marque : très largement subventionnée par l’Etat, la FNSEA n’a guère besoin d’adhérents pour exister. Son véritable donneur d’ordre n’est pas l’agriculteur qui paie sa cotisation, mais bien le ministre qui tient les cordons de la bourse. Voilà ce qui arrive lorsqu’on demande à une profession de s’auto-organiser avec l’argent du contribuable : peu à peu une bureaucratie syndicale déconnectée de la base prend le pouvoir. 
 
 


Nous l’avons évoqué lors de notre reportage à Carbonne, la FNSEA est à la fois très présente et très critiquée (en cachette) sur les barrages qui fleurissent un peu partout en France. Le rôle de ce syndicat est dans le viseur de nombreux agriculteurs, qui considèrent qu’elle est un instrument entre les mains du gouvernement, de l’industrie agro-alimentaire et des plus gros propriétaires, au détriment des pus “petits”.

Nous refaisons un point général aujourd’hui en soulignant comment l’agriculture en France souffre de son archaïsme. Elle est en effet organisée selon le principe de la “profession auto-administrée”, qui est ce qu’on appelle le corporatisme, en vogue sous Vichy et jamais totalement épuré en France. Pour bien comprendre comment s’est tissée cette tragédie française, je rappelle quelques points en complément de la vidéo !

  • la FNSEA est née après la guerre, mais est restée liée à la corporation agricole créée sous Vichy
  • historiquement, elle est le “fief” des grands céréaliers
  • la FNSEA défend le principe d’une spécialisation agricole fortement mécanisée, voire industrialisée
  • elle est majoritaire dans les chambres d’agriculture et dans le “biotope” agricole français, notamment dans les SAFER
  • une analyse méthodique de ses pratiques permettrait de conclure qu’à de nombreux égards elle abuse de sa position dominante
  • sur le fond, elle est fortement dépendante des finances publiques.

L’examen de son bilan 2022 et de son budget 2023 montre par exemple ceci :

Alors que les cotisations des adhérents apportent moins de 7 millions € de ressources, les subventions en apportent 17 millions. Le budget total est de 25 millions. Autrement dit, lorsque la FNSEA encaissent 100€, 28 seulement viennent des adhérents, et 68 viennent de l’Etat, à un titre ou à un autre.

On comprend d’emblée qui dirige ce syndicat, et ce ne sont certainement pas les adhérents.

Lorsqu’un syndicat est financé à pratiquement 70% par l’Etat, on comprend qu’il ne dispose de quasiment aucune marge de manoeuvre pour défendre ses adhérents. C’est la caractéristique du corporatisme : il n’est pas au service de la “base”, mais au service de la caste qui lui donne son pouvoir.

Pour le reste, des accusations courent sur les liens organiques prétendus de la FNSEA avec un groupe agro-alimentaire. Je reviendrai plus longuement sur ce sujet, mais il faut souligner qu’il relève largement du fantasme : il est souhaitable qu’un président de fédération ne soit pas un bureaucrate, mais un chef d’entreprise. Prenons garde à ne pas fantasmer inutilement.

Cette réserve ne remet nullement en cause le problème de fond du corporatisme dont les agriculteurs sont les victimes aujourd’hui : seule une libre concurrence permet de sortir de cette impasse.

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