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vendredi 8 septembre 2023

Lettre à ceux qui ont diné avec le président [par Jean-Paul Pelras]

 

 

5 septembre 2023 E-site66agri11 


Mesdames, messieurs, ayant, comme nos lecteurs le savent, beaucoup de respect pour le “personnel” politique, je ne me permettrai pas d’évoquer un “Dîner de cons” pour qualifier la rencontre, organisée autour d’un saumon gravlax et d’un suprême de pintadeau rôti, entre Emmanuel Macron et les chefs de partis que vous représentez. 


Une rencontre qui dura donc douze heures et qui s’est déroulée le 30 août dernier, à l’école de la Légion d’honneur, sise Seine Saint Denis. Beaucoup de temps perdu pour certains parmi lesquels Manuel Bompard, représentant la France Insoumise, qui déclara : “J’ai eu l’impression de vivre douze heures sur la planète Mars […] avec aucune annonce, aucune mesure concrète sur les priorités des Français”. Ou encore Marine Tondelier pour EELV : “Je suis venue, j’ai vu, j’ai été déçue”. Et Olivier Faure pour le PS : “Toutes nos propositions ont été balayées très vite par le chef de l’État. La réalité, c’est que c’était inédit mais ça donne le sentiment d’être un exercice de communication”. Plus mitigé, le patron du parti communiste, Fabien Roussel, concédait : “Sur la forme, chacun a pu parler autant qu’il le voulait sans protocole…”. Tandis que Jordan Bardella, pour le RN, évoquait des “débats francs” desquels il ne pouvait extraire “aucune conclusion”, alors qu’Éric Ciotti, pour Les Républicains, tout en retenue, affichait une certaine forme de scepticisme sur l’issue de ces échanges déclarant : “J’attends de voir”.

Des doutes et une certaine perplexité in petto balayés par Olivier Veran, porte-parole du Gouvernement qui déclarait : “Une réunion qui pourrait marquer l’histoire politique”. Une histoire qui va donc, de toute évidence, perdurer puisque les participants devraient recevoir “Une lettre synthétisant les échanges et les pistes de travail abordées, que chacun pourra amender pour poursuivre sur cette base”. Sachant qu’il est également prévu, au sein du Gouvernement, un “séminaire” de suivi qui devrait se tenir dès le 6 septembre. Enfin, précisons que, concernant les 11 invités à cette “journée historique”, un remake est prévu “Dans le même format et dans les mêmes conditions pour une prochaine session de travail”.

Magnifique ! Que demande le peuple ? Pourrait-on presque dire en employant la formule consacrée. Sauf que le peuple, effectivement, est en droit d’en demander un peu plus à l’heure où le pouvoir d’achat s’effondre et où le dialogue social semble totalement rompu consécutivement à l’abrogation d’une réforme des retraites imposée à la hussarde et votée à coups de 49-3. Dispositif constitutionnel que la majorité pourrait bien utiliser à nouveau concernant notamment le vote du Budget.



Cette communion politique démontre une fois de plus que Macron peut cheminer jusqu’à la fin de son second quinquennat sans inquiétudes. Tout simplement car il n’existe plus de réel contrepouvoir, d’opposition capable d’afficher une contradiction sur le terrain et dans les Assemblées, tout en osant décliner, quelques semaines plus loin, une invitation à diner. Là où, finalement, vous êtes restés jusqu’à la fin, là où, finalement, aucune porte n’a jamais claqué. Quand le magnétisme exercé par le pouvoir rebat les cartes et, à défaut de renverser les situations, confirme le paradoxe des génuflexions.

Plus près de nous, les concessions se négocient avec une investiture, un emploi pour le petit, une médaille, un chantier, un courrier appuyé, une promotion chaudement recommandée. Ainsi va le monde où, si la chair est faible, la conscience l’est tout autant, bradée pour une invitation, un peu de reconnaissance, une petite entorse aux engagements, un verre levé a quelques pitoyables accommodements.

En juin 1907, Marcelin Albert, meneur de la Révolte des vignerons, accepte naïvement un billet de cent francs que lui tend Clemenceau à l’issue de la rencontre, à Paris, entre le viticulteur et le chef du Gouvernement. Un billet censé payer le retour en train vers le Midi qui va susciter le discrédit du syndicaliste, le président du Conseil, également ministre de l’Intérieur, s’étant chargé de communiquer à sa façon auprès de la presse politique.
À l’instar du célèbre Audois et pour paraphraser un peu Marine Tondelier, le 30 août dernier, vous êtes donc venus, vous avez vu, vous avez mangé, vous avez causé, vous avez bu. Et, quoi que vous en disiez, vous avez été vaincus !

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