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vendredi 12 mai 2023

Sophie Binet, ou Marie-Chantal au pays de la lutte des classes


 

Capture d'écran Mediapart

Nicolas Gauthier 11 mai 2023

Sophie Binet, nouvelle secrétaire générale de la CGT, est un brave petit soldat du progressisme bourgeois.

La preuve par cet entretien accordé au site Mediapart, fondé par Edwy Plenel, éternel trotskiste jamais repenti et ancien ayatollah du Monde, à propos de cette réforme des retraites passée en force : « La CGT interpelle l’ensemble des parlementaires, à l’exception du Rassemblement national. » Elle y confirme ainsi la bonne entente entretenue avec des « députés de droite et des députés de gauche ». Quelle ouverture d’esprit ! Mais qui, justement, se ferme au principal groupe d’opposition au gouvernement, celui du Rassemblement national, pourtant opposé à cette réforme, tel que pertinemment dénoncé par le député lepéniste Grégoire de Fournas : « On va la rejeter comment, cette réforme, madame ? »



Soyons juste, Sophie Binet débute, dans le métier. La classe ouvrière ? C’est dans les livres qu’elle en a entendu parler. Étudiante en philosophie à Nantes après un passage par la Jeunesse ouvrière chrétienne, elle suit la voie royale : UNEF, boulots alimentaires à paravent humanitaire, fonction publique puis entrée au syndicat en question. Le monde du travail, elle en parle donc de loin. Ça se défend, une telle posture permettant de prendre du recul.

Bref, c’est Marie-Chantal au pays de la lutte des classes. Une vision pour le moins irénique qui transparaît lors de déclarations opportunément rappelées par Le Huffington Post, le 15 avril dernier : « Macron n’a pas été élu pour réformer les retraites, il a été élu pour faire barrage au Rassemblement national. Et il fait tout l’inverse : avec sa politique, il ouvre un boulevard au Rassemblement national. »

Certes, mais qu’est-ce qui l’obligeait à appeler à voter pour ce jeune banquier ? Au soir du 21 avril 2002, Arlette Laguiller avait au moins fait preuve de plus de retenue, en appelant justement à ne voter pour aucun des deux candidats en lice : Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen. Pourtant, poursuit-elle, « s’il y avait, demain, un second tour Macron-Le Pen, avec une politique de cette violence, les organisations syndicales auraient beaucoup de mal à adopter les mêmes positions que dans le passé ». Sans blague ?

Eh bien, voilà, la sagesse peut advenir à tout âge. Quoique sa dernière sortie sur ces élus du peuple lepénistes, majoritaire dans la classe ouvrière, est-il besoin de le rappeler, montre que Sophie Binet a encore bien du chemin à faire pour se montrer à la hauteur de ses augustes devanciers, tel qu’en témoigne cette sortie incongrue : « La CGT porte dans son ADN la volonté d’unité syndicale, car des syndicats et des salariés unis sont plus forts. »

Cette demoiselle a donc encore beaucoup à apprendre sur le syndicat communiste qu’elle dirige aujourd’hui. Car, historiquement, la CGT était avant tout là pour défendre les prolétaires contre le grand patronat. D’où sa défense de l’ouvrier français face à ces travailleurs immigrés, « armée de réserve du capital », pour reprendre la phraséologie pour une fois bien inspirée de Karl Marx.

Dans les années 30 du siècle dernier, la CGT fut aussi aux avant-postes pour instaurer la « préférence nationale » à l’embauche, poussant Roger Salengro à entériner ce principe au Parlement, le 10 août 1932, dont l’unique but consistait à protéger la main-d’œuvre nationale. Une ligne populiste que Georges Marchais fit longtemps sienne avant que Jean-Marie Le Pen ne la reprenne au vol.

On attend encore que Sophie Binet, à défaut de se saisir de cette question, se rappelle enfin ce que fut le syndicat qu’elle préside désormais. On n’y croit guère, mais il n’est jamais interdit de rêver, quoique cette stagiaire, après avoir trahi la gauche, s’apprête à faire de même de la France.

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