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vendredi 26 mai 2023

Saint-Brévin. La démocratie et les élus ne font pas bon ménage

 

 

Les occasions ne manquent pas de constater que les élus prennent des décisions qui ne correspondent pas forcément aux souhaits des habitants de la commune. On peut le vérifier à Saint-Brévin-les-Pins

Les maires ont pris la fâcheuse habitude de négliger l’avis de leurs administrés. Si, pour les affaires courantes, il n’y a pas lieu de consulter le corps électoral, dès qu’on a affaire à des sujets « qui sortent de l’ordinaire », le bon sens veut que la municipalité se tourne vers la population. Or, c’est ce qui ne se fait jamais. On a pu le vérifier lors de la fusion des communes. En petit comité, le maire et son équipe décident de la disparition de leur commune. Pourtant cette question éminemment « stratégique » ne figurait pas dans leur programme lors des élections municipales. Au mieux, on se contente d’une réunion « d’information » quelques jours avant la signature de l’acte de fusion – par exemple le vendredi précédant le lundi qui verra l’enterrement d’une communauté historique. Bien entendu, tous ces maires de droite et de gauche sont de vaillants « démocrates »…

La même manœuvre s’est déroulée à Saint-Brévin-les-Pins. Là, il s’agit d’aménager un Cada (centre d’accueil pour demandeurs d’asile) dans un ancien centre de vacances, près de l’école primaire de la Pierre-Attelée ; 110 immigrés sont attendus (dont une trentaine de jeunes hommes, des familles et des femmes célibataires avec enfants). Ce n’est pas une affaire insignifiante puisqu’elle participe à la modification de la population. Si, à l’origine de l’opération, on trouve l’Etat, le maire Yannick Morez (divers droite) et son conseil municipal avaient tout de même leur mot à dire ; à défaut d’être le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre, Morez signait le permis de construire… Il pouvait donc s’interroger sur les réactions de la population. Et plutôt que de s’engager dans une affaire qui risquait de provoquer des remous, il pouvait lancer une consultation pour avis (référendum). Cette vérification de l’opinion des habitants de la commune effectuée, il savait quelle décision lui et son conseil pouvaient prendre, sans craindre des attaques violentes. En cas d’avis favorable des électeurs, il devenait inattaquable. Et le verdict du suffrage universel le plaçait sous protection. Mais il n’en fut rien puisque Yannick Morez est également un « démocrate » peu soucieux de consulter ses concitoyens. Evidemment, il peut rétorquer qu’un référendum aurait donné un résultat défavorable à cette opération. En cas de refus, c’était au gouvernement de se débrouiller… Il peut très bien loger les « demandeurs d’asile » à l’Elysée ou à Matignon…

Un « examen technique »

La situation dégénère au matin du mercredi 23 mars : la presse relate la mise à feu de ses deux voitures et les flammes touchent ensuite un côté de sa maison. Devant le silence des ministres concernés, Yannick Morez est obligé de se fâcher : « Je ne peux m’empêcher de noter l’absence de condamnation officielle de la préfecture ou du gouvernement, qui l’a fait en même temps pour des faits bien moins graves. Ce projet de CADA est pourtant, en outre, un projet imposé par l’Etat, qui ne le défend pas et laisse les maires en subir les retours.» (Le Monde, samedi 13 mai 2023).

Une information judiciaire a été ouverte du chef de « destruction de biens par un moyen dangereux pour les personnes, commise en raison de la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique de son propriétaire ou utilisateur ». Du côté de la préfecture, on se défend mollement : « Des patrouilles systématiques ont été mises en place, notamment de nuit, et avec au moins quatre passages par jour devant le domicile du maire. » (Le Monde, dimanche 14-lundi 15 mai 2023). La même préfecture rapporte qu’après l’incendie, « le maire a sollicité une protection par lettre en date du 11 avril […]. La gendarmerie nationale s’est rapprochée de l’élu pour examen technique. Des mesures renforcées de surveillance de son domicile avaient été mises en place. Ces derniers jours, de nouveaux échanges avaient eu lieu entre le maire et un officier de sur ce point. » (Libération, vendredi 12 mai 2023).

Une « évaluation des risques »

A la vérité, dès le lendemain de l’attaque visant son domicile, Yannick Morez avait demandé « le déploiement d’une protection rapprochée ». Il ajoute : « Le sous-préfet m’a répondu le 13 avril […] m’indiquant qu’une évaluation des risques allait être menée […]. Il m’a répondu, le 28 avril, que cette évaluation des risques était en toujours en cours. Elle l’est encore. » (Dimanche Ouest-France, 14 mai 2023). C’est dans ces conditions – incendie et menaces – que Yannick Morez décide de rendre son tablier : « Ma femme et mes trois enfants ne souhaitent plus que je continue mon mandat de maire. On aurait pu mourir intoxiqués dans cet incendie. Aujourd’hui, mon épouse a peur de croiser la personne qui a fait ça en faisant ses courses. D’où notre décision de quitter Saint-Brévin une fois que les travaux de la maison seront terminés. Nous quittons la commune où nous vivons depuis trente-deux ans. » (Ouest-France, Loire-Atlantique, jeudi 11 mai 2023). « Si ma démission pouvait servir à une chose, je voudrais que ce soit le rapprochement des services de l’Etat avec les élus locaux. Aujourd’hui, on a l’impression de vivre dans deux mondes opposés », ajoute-t-il (Ouest-France, samedi 13-dimanche 14 mai 2023).

Evidemment, l’ancien maire de Saint-Brévin-les-Pins en veut à Fabrice Rigoulet-Roze, le préfet de Loire-Atlantique : « Le préfet a dit qu’il avait organisé des réunions publiques. Si on lui demande la date, il sera en peine car il n’y en a pas eu. Mentir de la part d’un préfet… il est quand même le représentant de l’Etat. Le préfet, je ne l’ai eu que deux fois au téléphone dont le lendemain de ma lettre de démission » (Presse Océan, jeudi 18 mai 2023). Et de résumer les choses ainsi : « On s’est retrouvés totalement démunis, seuls, abandonnés par les services de l’Etat » (Presse Océan, samedi 20 mai 2023)

La Polynésie vaut bien la Bretagne

Pour oublier ces mauvais moments, Yannick Morez  dit vouloir « tout arrêter » pour « prendre son bateau et partir ». « Je vais quitter la France, je reviendrai peut-être, j’ai prévu de faire un tour pour aller au minimum jusqu’en Polynésie » (Le Télégramme, jeudi 18 mai 2023). 

Sur son bateau, il aura le temps de réfléchir à son immense erreur : avoir vendu, à la demande de l’Etat, au promoteur CISN un bâtiment et un terrain pour installer un cada, sans avoir consulté la population. 

Laquelle apprendra le lancement de l’opération en découvrant un permis de construire placardé sur le grillage (10 janvier 2022). D’autant plus que nombre de jeunes ménages sont à la recherche d’un logement – ils ne peuvent pas apprécier l’aménagement de 60 petits appartements pour les immigrés (coût des travaux de réhabilitation : 3,7 millions d’euros).

Sur son bateau, Yannick Morez pourra se souvenir de quelques-unes de ses déclarations qui montrent un certain degré de naïveté. Un exemple : « L’Etat a décidé de faire des Cada un peu partout. Quand le préfet m’a demandé de trouver un lieu, j’ai proposé ces bâtiments inoccupés, qui n’étaient plus aux normes. Quand j’ai appelé le directeur de l’association Aurore – qui gérera le futur cada – pour savoir si ce site pourrait lui convenir, il était très content d’être si près d’une école. Ils ont donc acheté cette parcelle, et y logeront 110 personnes : des hommes seuls mais aussi des femmes avec enfants, qui seront scolarisés à l’école de la Pierre-Attelée » (Le Figaro, mercredi 30 novembre 2022). Il faut reconnaître que les propos de Florian Guyot, le directeur général de l’association Aurore, font preuve d’un même aveuglement : « Les demandeurs d’asile auront vue sur l’école ? Eh bien, ce seront aussi leurs enfants qui iront dans cette école. Car nous aurons des familles : un public plus varié qui permettra de créer des dynamiques intéressantes. Ces personnes apprendront le français, feront du sport, visiteront le patrimoine » (Le Figaro, mercredi 30 novembre 2022). Et à la mairie, la satisfaction était de mise et le ton péremptoire : « De toute façon, pour nous, c’est classé : il n’y aura pas de référendum ni d’arrêt des travaux. Pas question de revenir en arrière. » (Le Figaro, mercredi 30 novembre 2022).

Les opposants au projet s’empressent d’expliquer que « le maire a pris une décision sans concertation, sans enquête publique. Ce bout de notre forêt a été vendu en catimini pour un prix dérisoire. Nous l’avons découvert par surprise quand les travaux ont démarré » (Dimanche Ouest-France, Loire-Atlantique, 16 octobre 2022).

La démocratie est en marche…

Bernard Morvan

Crédit photo : DR

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