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jeudi 25 mai 2023

Infirmière de Reims poignardée : vers une responsabilité de l’État ?


 

 Me Alain Belot 24 mai 2023

La terrible nouvelle de la mort de l’infirmière de 37 ans, poignardée par Franck F., pourrait révéler sinon une faillite de l’État au moins une réelle responsabilité.

On apprend, en effet, que cet homme avait été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire dans une affaire remontant à 2017. Il est établi qu’en son temps, celui-ci avait assené plusieurs coups de couteau à quatre membres du personnel d’une structure spécialisée pour les personnes souffrant d’un trouble psychique. Antérieurement à ces premiers faits, les difficultés psychiatriques de cette personne étaient donc parfaitement connues.



Dans le cadre de l’instruction de cette affaire initiale, les médecins experts ont, semble-t-il conclu, qu’au moment des faits, le discernement du mis en examen était aboli. Par conséquent il fallait, pour la justice, évoquer la question de son irresponsabilité pénale. C’est la raison pour laquelle, la Chambre de l’instruction a été saisie. Cette juridiction, l’équivalent de la Cour d’appel en matière d’instruction, devait ainsi statuer prochainement sur la question de l’irresponsabilité pénale de Franck F.

Or la première difficulté apparente est celle du délai judiciaire. Si l’instruction a débuté en 2017, on peut s’interroger sur les raisons d’une saisine si tardive soit six années plus tard.

Cette constatation est particulièrement préoccupante dans la mesure où l’article 706-135 du Code de procédure pénale permet justement, à la Chambre de l’instruction, prononçant un arrêt d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, d’ordonner « l’admission en soin psychiatrique de la personne, sous la forme d’une hospitalisation complète ». Autrement dit, l’irresponsable pénal n’est pas nécessairement relâché dans la nature.

Les juges ont la possibilité de l’hospitaliser sous contrainte. Pour cela, il faut qu’au vu du dossier, les troubles mentaux de l’intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

Au cas d’espèce, à ce que l’on comprend, puisque l’audience devant la Chambre de l’instruction devait bientôt avoir lieu, la juridiction n’a pas pu statuer sur la question.

Est-ce à dire néanmoins, que rien n’aurait pu être fait en la matière ? Naturellement non, car il existe dans notre droit, des privations administratives de liberté dans le domaine de la santé. La loi du 30 juin 1838 sur les aliénés a laissé place en 2011, et sous contrôle constitutionnel, à un régime de soins sous contrainte en hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, l’ADRE (admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État) est une mesure de police, décidée par le préfet ou le maire, en cas de péril imminent, qui permet de placer dans un établissement psychiatrique une personne « dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public » (article L.3213-1 du Code de la santé publique).

La finalité est ici davantage de prévenir les atteintes à l’ordre public que de s’assurer que le malade recevra les soins dont il a besoin. Évidemment, cette décision ne peut être prise que sur la base d’un certificat médical circonstancié d’un médecin psychiatre qui n’exerce pas dans l’établissement d’accueil.

L’enquête à venir devra donc déterminer si une telle mesure a été envisagée et, le cas échéant, pourquoi elle n’a pas été mise en œuvre. Nous saurons, peut-être, si un psychiatre a considéré que les troubles n’étaient pas suffisants pour nécessiter une hospitalisation. En tout état de cause, il demeure indéniable qu’en pareil cas, des responsabilités individuelles et collectives, ont coûté la mort d’une jeune infirmière.

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