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mardi 14 février 2023

Soignants non vaccinés : deux salariées suspendues dans le Jura obtiennent leur réintégration, leur employeur fait appel


Deux soignantes du Jura doivent être réintégrées ont décidé les prud'hommes.

Le conseil des Prud’hommes du Jura vient d’ordonner la réintégration immédiate de deux salariés de l’association APEI de Lons-le Saunier. 

Les soignantes été suspendues depuis septembre 2021 car elles refusaient d’être vaccinées contre le COVID-19. L’association fait appel de ce jugement.

Cette décision de justice est inédite dans la région, elle vient d’être rendue le 27 janvier 2023 par le conseil des Prud’hommes de Lons-le-Saunier. Les deux soignantes de l’association APEI de Lons-le-Saunier avaient été suspendues en septembre 2021 car elles ne voulaient pas se faire vacciner contre le COVID-19 comme le prévoyait la loi du 5 août 2021. Depuis cette date, elles n’avaient pas de salaire et ne pouvaient pas reprendre leur activité professionnelle dans cet établissement.

Le juge a ordonné la réintégration immédiate des deux salariées. Selon ce jugement, leur contrat de travail n’est plus suspendu. En revanche, il n’y aura pas d’effet rétroactif sur les salaires comme l’avaient demandé les salariées et leur avocat M° Fabien Stucklé. 

L'employeur fait appel

L’association APEI qui accompagne des personnes en situation de handicap, a décidé de faire appel de ce jugement. Son avocat Philippe Rousselin-Jaboubay précise que l’association APEI « n’est pas légalement habilitée à réintégrer des salariés non vaccinés sous peine d’engager sa responsabilité ». La loi du 5 août 2021 instituant l’obligation vaccinale pour le personnel de santé est effectivement toujours en vigueur.

L’association, explique l’avocat, est prise en étau entre la décision du conseil des Prud’hommes et la loi en vigueur. Cela sera à la Cour d’appel de trancher ce litige. 

M°Philippe Rousselin-Jaboulay, avocat de l'APEI

Conséquence : les deux salariées concernées ne devraient pas reprendre le travail à l’APEI dans les jours qui viennent.


Des plaintes classées sans suite

En Franche-Comté, deux avocats ont défendu ces dossiers de demande de réintégration. « C’est très difficile de connaître le nombre exact de personnes suspendues, regrette M°Anne-Sylvie Grimbert.  J’ai reçu à mon bureau plus d’une centaine de personnes dans ce cas. Une vingtaine d’entre elles ont décidé d’entamer une procédure pour obtenir une réintégration ».

Une soixante de plaintes contre X avaient été déposées au pénal dans les quatre départements de Franche-Comté. Mais les parquets ont classé sans suite ces plaintes.

Quant à la vingtaine de suspensions contestées devant le tribunal administratif de Besançon, la majorité a été confirmée par la juridiction administrative. Seuls les soignants qui étaient en arrêt maladie au moment de la suspension ont eu gain de cause.

"Une belle avancée"

Le jugement du conseil des Prud’hommes du Jura est « une belle avancée » pour M° Fabien Stucklé et M°Anne-Sylvie Grimbert. Cette décision pourrait être utilisée dans d’autres dossiers en France.

En décembre 2022, La Cour d’appel de Paris avait ordonné la réintégration provisoire d’une sophrologue au sein de l’Institut Curie, centre de traitement contre le cancer. Là aussi, le juge départiteur du conseil des Prud’hommes en juin 2022, avait statué en faveur de la salariée dont le contrat avait été suspendu. Une décision sur la forme et non pas sur le fond contestée par l’employeur. La cour d’appel de Paris devra statuer dans les prochains mois sur les conditions de sa suspension.

"Atteinte excessive à la vie privée"

Mais le temps passe et les circonstances de ces décisions de justice évoluent. M° Anne-Sylvie Grimbert souligne que le juge départiteur du Jura a pris en compte le fait que ce maintien de « la suspension du contrat de travail qui devait avoir un caractère provisoire (…) devient une suspension à durée en réalité indéterminée ». Le gouvernement, rappelle l’avocate, a annoncé en février 2023 la fin du port du masque obligatoire dans les établissements recevant du public, la fin de l’isolement des cas positifs, la fin des arrêts de travail dérogatoires.

Dans son jugement, le magistrat estime que « la conséquence qui perdure dans le temps apparait excessive et disproportionnée au regard de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ». En fait, le juge du Jura s’appuie sur cet article 8 pour estimer que cette suspension est « une atteinte excessive à la vie privée ».

La Haute Autorité de Santé (HAS) s'apprête à faire de nouvelles recommandations sur les obligations vaccinales

Les mois qui vont suivre devraient compter pour ces débats juridiques. La Haute Autorité de Santé (HAS) fera de nouvelles recommandations en mars et en juillet sur les obligations vaccinales des soignants, y compris concernant le Covid-19. Il s’agit de se prononcer de la pertinence du maintien de l'obligation vaccinale du Covid-19 pour les soignants "au regard de l'évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques".

Puis elle étudiera "l'impact des différentes mesures possibles (mise en oeuvre, suspension ou maintien d'une obligation vaccinale) sur la couverture vaccinale, sur l'incidence des infections contractées par les professionnels dans l'exercice de leur travail et chez les personnes dont elles ont la charge et sur l'absentéisme des professionnels concernés".

Ses travaux seront menés en parallèle de ceux du Conseil national d'éthique (CCNE) qui doit également se prononcer sur la situation des soignants suspendus après avoir refusé de se vacciner contre le Covid.

La question de la réintégration des soignants non vaccinés fait polémique depuis que l'obligation vaccinale du personnel de santé a été mise en place en septembre 2021.

En novembre, le président Emmanuel Macron a estimé que leur retour à l'hôpital devait être une décision "scientifiquement établie", "pas un choix politique". La France est l’un des derniers pays européens à maintenir l’obligation vaccinale pour les soignants.(NDLR) Le dernier!

1 commentaire:

  1. Bravo. Le problème pour le pouvoir en place c'est que la réintégration pose le problème de la légalité des suspensions. Des lors il y a licenciement abusif donc faute inexcusable de l'employeur. Gare aux indemnités... Et à l'image des décideurs, donc de l'exécutif. Même s'il n'est plus à une connerie près.

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