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jeudi 16 février 2023

Les mensonges de l’Amérique

 

 

C’est une affaire entendue : les dirigeants politiques mentent. 

Ils mentent à leur peuple. Ils mentent sur la scène internationale. 

Si le rire est le propre de l’homme, le mensonge l’est aussi. Les dirigeants américains mentent. Ils le font quasiment en toute impunité grâce à la complicité des médias. Fort heureusement, parfois la vérité éclate fortuitement ou grâce aux révélations de lanceurs d’alertes, comme Edward Snowden, exilé en Russie, de journalistes d’investigation comme Julian Assange emprisonné à Londres, ou de personnes courageuses qui ne supportent pas ces mensonges, comme Chelsea Manning, emprisonnée pendant sept ans pour avoir dévoilé les exactions américaines en Irak. Ces derniers jours, quatre mensonges américains ont été révélés ou confirmés : Russiagate, le dossier Twitter, les Accords de Minsk et Nord Stream II. Nous les reprenons brièvement.

L’affaire Russiagate n’est plus une ‘affaire’ depuis l’enquête de Robert Mueller qui concluait en 2019 que le dossier était vide. Mais, comme le note Patrick Lawrence[1], les médias en ont donné un compte-rendu si biaisé que le lecteur non-averti pouvait croire que l’affaire n’était pas close. Fort heureusement, Jeff Gerth, ancien journaliste du New York, aujourd’hui retraité, a rouvert le dossier pour le clore définitivement. Il n’y a rien de vrai dans les élucubrations des médias qui prétendaient, à l’instigation d’Hillary Clinton, que Donald Trump, son concurrent à l’élection présidentielle, était un agent des Russes ou soudoyé par eux.

La seconde affaire, connue sous le nom de ‘Twitter files’, concerne Hunter Biden, le fils du président. C’est une histoire pour le moins rocambolesque mais dont on sait aujourd’hui qu’elle est véridique grâce aux révélations du New York Post, d’Elon Musk, patron de Twitter, et de Matt Taibbi[2], journaliste d’investigation. 

L’affaire paraît à peine croyable. Suite à un dégât des eaux, Hunter Biden remet son ordinateur à un réparateur … sans jamais le réclamer. Or, le disque révèle – outre une vidéo montrant le fils du président fumant du crack tout en faisant l’amour avec une femme – qu’il a présenté un dirigeant de la société gazière ukrainienne Burisma[3] à son père pour qu’il intervienne pour que soit limogé le procureur qui enquête sur l’entreprise… ce qui fut fait. Or suite à la reprise de Twitter par Elon Musk, on apprend que des dirigeants du réseau social s’autocensuraient pour que rien ne transparaisse sur cette affaire. Elle est aujourd’hui dans les mains de la justice américaine.

La troisième affaire n’est pas américaine à proprement parler puisqu’elle concerne le Protocole de Minsk, signé le 5 septembre 2014 par la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine, et dont l’objet était de ramener la paix en Ukraine après la « Révolution Maidan » de février 2014. Surprise. Pour soulager sa conscience, Angela Merkel nous apprend récemment qu’il ne s’agissait pas d’un accord de paix mais d’une manœuvre destinée à donner du temps à l’Ukraine pour se préparer à la guerre contre la Russie. 

Les Etats-Unis n’ont rien à voir dans cette affaire, direz-vous. Peut-être. Mais, ne sont-ils pas à la manœuvre depuis le sommet de Bucarest d’avril 2008 quand ils ont proposé à leurs alliés d’inviter l’Ukraine et la Géorgie à rejoindre l’Otan. Difficile d’imag(in)er qu’ils ne soient pas impliqués dans cette affaire… ou Angela Merkel est machiavélienne et cynique – traits de caractère qu’on ne lui connaissait pas. Rappelons que Victoria Nuland est secrétaire d’état assistante pour l’Europe et l’Eurasie, quand éclate la Révolution Maidan. Elle est restée célèbre pour son « F..k Europe »[4] qu’elle prononça alors.

Le quatrième mensonge, ou non-dit, concerne le sabotage de Nord Stream II, le gazoduc de la mer Baltique destiné à transporté du gaz de la Russie à l’Allemagne. Personne ne sait qui est le perpétrateur. Un temps la Russie fut mise en cause, mais devant l’incongruité de l’accusation, la chose fut vite oubliée. Les soupçons se sont alors portés sur la Grande-Bretagne. Nous savons aujourd’hui, grâce à Seymour Hersh, le journaliste d’investigation qui jadis révéla au public américain le massacre de My Lay,[5] que l’auteur n’est autre que Joe Biden, assisté de son équipe de politique étrangère : Tony Blinken, Victoria Nuland et Jake Sullivan.[6] Lors de la conférence de presse du 7 février 2022, suite à sa rencontre avec Olaf Scholz, Biden ne fait pas mystère de son intention de détruire le gazoduc. Voilà ce qu’il dit en réponse à une question directe[7] : « si la Russie envahie l’Ukraine, Nord Stream 2 sera détruit. » Visiblement embarrassé, le chancelier botte en touche lorsqu’on l’interroge sur le même sujet. Détruire l’infrastructure d’une nation est un acte de guerre.[8] Cet acte fut commis sans l’aval du Congrès qui seul peut déclarer la guerre (Art. I, section 8 de la constitution américaine).

Peu me chaut ces mensonges d’antan, objecterez-vous, aujourd’hui l’Ukraine est l’affaire d’importance. Mais, c’est précisément là où ils prennent tout leur sens. Ils concernent l’Ukraine et la Russie. Souvenez-vous, James Baker, secrétaire d’état[9] de George Bush père, promit à Mikhaïl Gorbatchev, en échange de son accord sur la réunification de l’Allemagne, que l’Otan n’avancerait pas d’un « pouce » à l’est. Nous savons ce qu’il advint de cette promesse !… [10] [11] L’Otan avait alors 16 membres. Elle en compte désormais 30, tous à l’est de la frontière allemande, hormis l’Albanie, la Croatie, le Monténégro, et la Macédoine du nord. La guerre en Ukraine ne tournant pas à l’avantage des Ukrainiens, le Washington Post[12] annonçait récemment que les Etats-Unis étaient prêts à négocier un accord avec la Russie. Depuis les choses ont avancé. Les Américains parlent désormais de « Korean Solution » – un armistice qui mettrait fin à la guerre, en référence à la guerre de Corée. Mais comment imaginer que les Russes apposent leur signature sur un document officiel alors que les Etats-Unis ont, non seulement renié leur parole à maintes reprises, mais les ont humiliés avec le reniement de la parole de James Baker et du Protocole de Minsk qu’ils avaient dans les deux cas pris pour argent comptant ?

Cela augure mal d’un quelconque accord de paix en Ukraine.

Jean-Luc Baslé

Jean-Luc Baslé est ancien directeur de Citibank (New York) et l’auteur de « L’euro survivra-t-il ? » (2016) et « The international monetary system : challenges and perspectives » (1982).

[1] The press reckoning on Russiagate, February 7, 2023.

[2] Capsule summaries of all Twitter files threads to date, January 4th, 2023.

[3] Hunter Biden a siege au conseil d‘administration de Burisma de 2014 à 2019.

[4] « Enc…. l’Europe ! »

[5] Vietnam.

[6] How America took out the Nord Stream Pipeline, 9 février 2023

[7] Remarks by President Biden and Chancellor Scholz of the Federal Republic of Germany, 7 février 2022

[8] Un acte de guerre contre la Russie puisque Gazprom, société gazière du gouvernement russe, détient 51% des actions Nord Stream II.

[9] Ministre des affaires étrangères.

[10] How America double-crossed Russia and shamed the West, 9 septembre 2001.

[11] What Gorbachev heard, 12 décembre 2017.

[12] The 2023 War – Setting the Theatre, 13 January 2023.

Crédit photo : DR
[cc] BREIZH-INFO.com, 2023, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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