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dimanche 18 décembre 2022

Pendant la guerre en Ukraine, le conflit du Haut-Karabakh continue… et modifie les équilibres


 

 Soldats karabakhtsis

Arnaud Florac 17 décembre 2022

Les chaînes d'information en continu n'en parlent pas, sans doute parce que la Turquie ne fait pas partie, officiellement, de l'axe du Mal. 

Pourtant, la guerre du Haut-Karabakh, à épisodes qui oppose l'Azerbaïdjan à l'Arménie pour le contrôle de la région éponyme, ne s'est pas arrêtée. 

Mais que voulez-vous, l'Arménie est un petit pays, la Turquie un pays puissant, l'Azerbaïdjan son vassal, et (surtout, serait-on tenté d'écrire) les uns sont chrétiens, les autres musulmans, et on sait bien que seul l'un des deux camps est autorisé à se battre. Saturés d'émotion facile, d'éditions spéciales hypercaloriques, les Occidentaux n'avaient plus assez de larmes pour le Haut-Karabakh lorsqu'en 2020, au terme d'une guerre hybride pleine d'enseignements, les Azéris ont écrasé les Arméniens.

Ils ont détourné le regard quand les « soldats » azéris, si peu dignes de ce nom tel que nous nous le représentons, ont violé devant la caméra cinq combattantes arméniennes, qu'ils ont ensuite démembrées. Une bouleversante tribune de Simon Abkarian dans Le Figaro a essayé de faire réagir l'Europe - en pure perte, évidemment. Le azéri est le même que le gaz russe, mais on s'en rend moins compte dans l'opinion publique, alors, la condition des femmes, on en parlera une autre fois.

Avec autant d'habileté que de cynisme, les Azéris envoient maintenant des manifestants protester contre « l'exploitation illégale de minerais » au Haut-Karabakh. Ces « manifestations » prétendument écologiques, qui montrent à quel point la Turquie et ses satellites sont forts de nos faiblesses morales et de nos totems du jour, bloquent l'unique corridor qui relie le Haut-Karabakh (arménien, donc) au reste de l'Arménie. Pour mettre un terme à ces pressions, les Azéris exigent l'ouverture d'un corridor symétrique qui relierait, cette fois, l'Azerbaïdjan au Nakhitchevan. Un échange de bons procédés, si on veut, entre deux pays voisins, dont l'un (l'Azerbaïdjan) oppresse pourtant l'autre (l'Arménie), désormais menacé de disparition, depuis plus de dix siècles.

À Bakou, la diplomatie nie toute implication et met ces débordements sur le compte de la force d'interposition russe, présente depuis 2020 pour sécuriser le corridor de Latchine. Plus généralement, la montre en ce moment même son impuissance à tenir deux fronts simultanés (l'Ukraine, en haute intensité, et l'Arménie, en interposition), tandis que la Turquie développe son influence en tant que puissance d'équilibre régionale et que l'Arménie, aux abois, ensanglantée par des persécutions qui laissent, semble-t-il, l'Union européenne totalement indifférente, se rapproche de l'Iran, son puissant voisin, au mépris de tous les schémas traditionnels.

Si l'Europe est absente, la France, on s'en doute, ne lèvera pas le petit doigt pour l'Arménie. Ainsi va le monde.

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