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jeudi 27 octobre 2022

[Point de vue] Confrontation Russie-Occident : des lance-roquettes HIMARS contre des porte-monnaie vides ?


 Frédéric Lassez 26 octobre 2022

Les analystes, les yeux fixés sur la ligne de front, guettent la moindre avancée des troupes de Kiev. 

Alors que des missiles et des drones kamikazes tombent quotidiennement sur l’Ukraine, un nouveau village tombera-t-il, qui permettra de relancer l’espoir d’une reconquête des territoires contrôlés par la Russie ? 

Une grande offensive est annoncée du côté de Kherson et les Russes évacuent les populations ; bientôt une percée décisive ? Les médias occidentaux veulent se rassurer. Après avoir déclaré, pendant des semaines, que la Russie était arrivée au bout de ses capacités logistiques et que son armée était en déroute, les frappes massives déclenchées à la suite de l’explosion du pont de Crimée ont quelque peu remis en cause cette affirmation.

Peu importe, la guerre de l’information se poursuit au même rythme et le ministère de la Défense britannique annonce désormais que « huit mois après [le début de] l’invasion, les principaux éléments de la direction militaire russe sont de plus en plus dysfonctionnels ». Les Russes n’en ont donc plus pour longtemps, gardez confiance bonnes gens et acceptez, comme votre président vous l’a demandé, de « payer le prix » en attendant des jours meilleurs.



Et s’il venait à l’idée d’un Vladimir Poutine, désespéré et acculé, d’utiliser l’arme nucléaire, Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne, l’a affirmé le 13 octobre dernier, il y aura « une réponse militaire si puissante que l'armée russe sera anéantie ». On ne sait pas comment, puisque la Commission européenne ne dispose d’aucun moyen militaire, mais peu importe, là encore, nous le croirons sur parole. Vladimir Poutine et son état-major doivent trembler.

À moins que notre perception du conflit ne soit pas vraiment la bonne et que la bataille décisive se joue bien loin de la ligne de front, dans les pompes à essence, les compteurs électriques et le porte-monnaie des Occidentaux, par exemple.

« Crise énergétique : les Européens au bord de la panique », titrait Le Monde, le 7 octobre dernier, à l’occasion d’une réunion des vingt-sept à Prague. Les nouvelles n’étaient pas bonnes : flambée des prix de l’énergie, inflation galopante et surtout l’échappée de l’Allemagne qui, avec l’annonce de ses 200 milliards d’euros de bouclier tarifaire, semblait vouloir abandonner le reste du peloton européen pour sauver son économie.

Nous oublions que la partie se joue sur plusieurs échiquiers à la fois. Or, le temps joue pour la Russie sur le front énergétique. Deux jours avant la réunion du Conseil européen à Prague, un événement majeur avait lieu. L’OPEP+ prenait la décision de réduire sa production de pétrole malgré les demandes réitérées de États-Unis et de la France qui voulaient de toute urgence faire baisser les prix. Une vraie claque de la part du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Le sort politique de Joe Biden s’est peut-être joué à ce moment-là. En 2019, après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, il déclarait : « Nous allons leur faire payer le prix et nous ferons de cet État les parias qu’ils sont. » Le prince saoudien, à quelques semaines des midterms, lui a rendu la monnaie de sa pièce. Loin d’être isolée, la Russie peut compter sur de solides alliances qui témoignent du déclin de l’influence et du pouvoir de contrainte des Occidentaux.

Joe Biden, de plus en plus critiqué en interne pour sa politique économique et son soutien inconditionnel à Kiev, se voit désormais contraint de libérer rapidement 15 millions de barils de carburant supplémentaires de la réserve stratégique de pétrole américaine afin de réduire les prix de l'essence et de rassurer les électeurs inquiets de la hausse des coûts.

L’opinion publique en Europe commence, elle aussi, à alarmer nos chers médias. Le 13 octobre dernier, Challenges constatait un revirement dans les sondages nationaux : « À l’approche de l’hiver et alors que l’inflation explose, les opinions publiques, inquiètes des effets sur leur porte-monnaie, sont de plus en plus hostiles aux sanctions contre Moscou. »
Les yeux fixés sur la ligne de front, peut-être découvrirons-nous bientôt que ce ne sont ni les HIMARS ni les canons CAESAr qui finiront par déterminer le sort du conflit mais des pompes à essence et des porte-monnaie vides.

 

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