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mardi 27 septembre 2022

Italie : Largement élue, Giorgia Meloni va mettre en œuvre un courageux programme de rupture



Marie d'Armagnac 26 septembre 2022

Une voix rauque et fatiguée, mais un sourire radieux : au cœur de la nuit, s’est adressée à ses militants, tandis que tombaient les premiers résultats d’un vote historique qui s’est tenu dimanche.

 Pour elle, la victoire est totale, son parti, Fratelli d’Italia, remporte 26 % des voix, plus que les estimations les plus hautes. La coalition de centre droit est majoritaire à la Chambre comme au Sénat.

« C’est une nuit de fierté, de revanche, de rêves, de souvenirs, de larmes, dédiés aussi à ceux qui ne sont plus là, a-t-elle lancé. […] Nous ne sommes pas à l’arrivée mais au point de départ. C’est le temps de la responsabilité. Si nous voulons faire partie de l’Histoire, nous devons comprendre cette responsabilité que nous avons face aux Italiens […] L’Italie nous a choisis, et nous la choisissons, nous ne trahirons jamais l’Italie. Quand nous serons appelés à gouverner cette nation, nous le ferons pour tous, pour tous les Italiens. » Affirmant sa volonté « d’unir ce peuple, d’exalter ce qui l’unit plutôt que ce qui le divise », elle rappelle qu’elle s’est donné pour mission « que les Italiens soient de nouveau fiers d’être italiens ». Elle poursuit : « Nous n’avons pas cru en ce que les autres disaient de nous, nous n’avons pas abandonné, nous ne nous sommes pas laissés abattre […] » Elle conclut en citant saint François d'Assise, patron de l’Italie : « "Commence par faire le nécessaire, puis fais ce qu'il est possible de faire et tu réaliseras l'impossible sans t'en apercevoir." C’est ce que nous avons fait, merci ! »

Dès le matin, Enrico Letta, le président du Parti démocrate (gauche), a pris acte de son mauvais score : lui que l’on voyait au coude à coude avec Giorgia Meloni obtient 18,9 % des voix. Il ne se représentera pas à la tête du parti. Il faut tout changer : orientation, nom, programme. Il ne peut s’empêcher de rejeter la faute sur le Terzo Polo, ce pôle de centre gauche que Carlo Calenda et Matteo Renzi ont tenté de constituer, un peu à la manière d’un macronisme à l’italienne. Si macroniste que Stéphane Séjourné, le secrétaire général de Renaissance (anciennement LREM), est même venu, la semaine dernière, le soutenir en meeting à Rome. L'appui de Séjourné n'aura pas suffi : c'est un camouflet pour le professeur à Science Po Paris Enrico Letta. Le candidat Calenda adoubé par n’a obtenu que 7,74 % des voix. L'échec est sévère pour ceux qui se présentaient comme les seuls « compétents » !

La première séance des deux chambres se tiendra le 13 octobre et verra l’élection des présidents de chambre. À ce moment-là seulement, aux environs du 24 octobre, commenceront les consultations entre partis et avec le président de la République Sergio Mattarella pour la formation du nouveau gouvernement. Ce dernier pourra, ou non, accepter tel ou tel ministre. On se souvient qu’il avait opposé son veto à la nomination de Paolo Savona en 2018 comme ministre des Finances : Savona avait été jugé trop eurosceptique. Giorgia Meloni devra composer avec ses alliés de coalition. En retour, ceux-ci lui apporteront un soutien parlementaire durable, pour un gouvernement au long cours, avec une orientation politique précise.

Un programme de droite décomplexée, notamment sur l'immigration

Ce programme a été élaboré par les chefs des trois partis avant les élections, afin que les électeurs puissent juger sur pièce et non pas découvrir, comme trop souvent en Italie, des alliances de coin de table, parfois un peu baroques, faites après coup dans le dos des électeurs italiens. Ces alliances post-électorales allaient à l’encontre d’une ligne politique claire et des partis minoritaires finissaient par gouverner. Comment mieux alimenter la défiance des Italiens envers leurs institutions ? L’abstention record de 36 % s’explique aussi comme cela.

Sur le plan international, « la politique étrangère sera centrée sur la protection de l’intérêt national et la défense de la patrie », promet le programme de la coalition de droite. Le plein respect des engagements de l’OTAN dans le conflit ukrainien est défendu, mais aussi « toute initiative diplomatique vouée à la résolution du conflit ».

Plusieurs fois, la défense de l’intérêt national dans les dossiers européens est mentionnée, notamment sur la transition énergétique, mais aussi la promotion de la centralité de l’Italie dans la zone méditerranéenne. Enfin, « la défense et la promotion des racines et identités historiques et culturelles classiques et judéo-chrétiennes de l’Europe » font partie intégrante du programme commun.

Sur le dossier épineux de l’utilisation des fonds européens du Plan de relance, Meloni et ses alliés promettent la modernisation des infrastructures et le lancement des grands travaux, notamment le pont du détroit de Messine reliant la Sicile au continent.

Sur le plan institutionnel, Giorgia Meloni entend réformer la Constitution pour évoluer vers un régime semi-présidentiel « à la française ». Objectif : conjurer cette instabilité politique chronique. Réforme de la Justice, réforme gigantesque de l’administration – moins de règles, plus d’efficacité – sont encore au menu. Une réforme fiscale est également au programme avec un mot d’ordre adressé aux entreprises : « Plus tu embauches, moins tu paies de taxes. » L’allégement fiscal, y compris pour les ménages, est pour le prochain gouvernement une priorité.

En 2050, selon les projections démographiques, près de 8 millions d’Italiens auront disparu. La coalition veut s’impliquer fortement dans une politique familiale, qui n’a presque jamais été une priorité pour les gouvernements italiens : politiques fiscales et création d’infrastructures en faveur des familles, allocations familiales, facilitation pour l’accès à la propriété des couples. Il s’agit de créer une mentalité « pro-famille » dans les politiques publiques. Une vision de long terme…

Enfin, sur le sujet de l’immigration, les décrets « sécurité et immigration » pris par Matteo Salvini lorsqu’il était ministre de l’Intérieur seront rétablis et les effectifs des forces de l’ordre augmentés. Les ambitions sont claires : « Défense des frontières nationales et européennes comme l’exige l’UE avec le nouveau pacte pour la migration et l’asile, avec contrôle aux frontières et blocage des débarquements », « stopper, en accord avec les autorités d’Afrique du Nord, la traite des êtres humains ». La coalition veut surtout la « création de hotspots dans les territoires extra-européens gérés par l’Union européenne pour évaluer les demandes d’asile », ce qui revient à étudier hors des frontières les demandes d'immigration, « la lutte contre la mafia et le terrorisme » et des « accords avec des pays étrangers pour que les prisonniers étrangers purgent leur peine dans leur pays d’origine ».

Du bon sens, un programme de réformes indispensables, cette droite classique mais qui s’assume annonce une véritable révolution !

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