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mardi 23 août 2022

Karting à Fresnes : les surveillants, furieux, considèrent qu’une nouvelle barrière est franchie


 Clémence de Longraye 22 août 2022

Tir à la corde, piscine, parcours d’obstacles et karting... 

Le temps d’une journée, des détenus ont affronté une équipe de surveillants et une équipe Kohlantess au cours de différentes épreuves sportives. 

Tournée à la fin du mois de juillet et diffusée le 19 août, la vidéo des activités auxquelles se sont adonnés les détenus de la prison de Fresnes à l’occasion du tournage de Kohlantess, un « Koh-Lanta version cité », suscite la colère de nombreux twittos... et du monde pénitentiaire.

« Ce n’est pas en faisant du kart que l’on se réinsère »

D’une durée de 25 minutes, cet épisode, visionné plus de 200.000 fois, a rapidement déclenché la polémique parmi les syndicats des surveillants. Nombreux sont ceux à juger indécent que de telles activités aient lieu dans l’enceinte d’une prison. « C’est honteux et scandaleux. Cela donne une image contraire à ce que devrait être la prison », dénonce Anthony Mazoyer, délégué régional du Syndicat des surveillants pénitentiaires (SSP). Et d’ajouter : « La prison, c’est à la fois la punition et la réinsertion. Ce n’est pas en faisant du kart que l’on prépare sa réinsertion. » « C’est hallucinant que cela se produise dans une prison, ajoute un autre membre du personnel pénitentiaire joint par . Il ne faut pas oublier que derrière les détenus, il y a des victimes. » Tous se demandent comment un tel projet a pu recevoir l’aval du ministère de la Justice. Face aux critiques, Éric Dupond-Moretti plaide non coupable. Le garde des Sceaux affirme ne pas avoir eu connaissance de l’organisation de ces activités à Fresnes et promet d’ouvrir « une enquête pour que la lumière soit faite ». Une réaction qui « laisse songeur quand on sait que la direction de l’administration pénitentiaire et son propre cabinet avaient eu vent du Kohlantess », analyse Paul Sugy, journaliste au Figaro sur Twitter. Deux membres du ministère de la Justice « étaient même présents à Fresnes le jour du tournage et figurent à ce titre dans le générique du film, complète Valeurs actuelles. Le ministère fait valoir un couac interne dans la circulation de l'information... »

La colère des surveillants pénitentiaires

Au-delà de la polémique qui enflamme déjà les plateaux de se cache la réalité du monde carcéral. Kohlantess est loin d’être la première activité organisée au sein d’une prison à faire grincer des dents. Auparavant, des surveillants contactés par affirment avoir assisté à des soirées entre détenus, des balades à cheval, des compétitions de PlayStation ou des sorties au zoo – dont certaines auraient conduit à « une succession d’évasion. Mais là, avec Kohlantess, c’est une nouvelle barrière qui a été franchie », s’agace un délégué du SSP. En effet, si les cours de français, les leçons de ou l’apprentissage d’un métier peuvent sembler utiles à la réinsertion, difficile de comprendre l’impact d’un tour de kart ou d’un plongeon dans une piscine gonflable dans le parcours des détenus.

Du côté des surveillants pénitentiaires, nombreux sont ceux qui aimeraient que l’énergie dépensée à préparer des activités pour les détenus soit consacrée à améliorer leurs propres conditions de travail. « L’état des prisons de est catastrophique », s’alarme Frédéric Bescon, surveillant brigadier et membre du SSP. En plus de la vétusté de nombreux établissements pénitentiaires, le personnel des prisons doit composer avec une importante surpopulation carcérale, notamment en maison d’arrêt. À Fresnes, 1.956 personnes sont en détention bien que la prison ne dispose que de 1.531 places. Le personnel pénitentiaire est aussi en manque de moyens humains. Et le moral des surveillants, victimes d’environ 4.000 agressions par an, est au plus bas. « Plus personne ne veut devenir surveillant pénitentiaire », regrette l’un d’eux joint par Boulevard Voltaire, surveillant depuis près de trente ans, qui veut rester anonyme. En cause, des conditions de travail de plus en plus difficiles et un manque de sécurité. Anthony Mazoyer, du SSP, résume le rapport de force : « Parfois, on a un seul surveillant pour 100 ou 120 détenus, constate-t-il. On le ressent dans les rapports de force. Dans certaines prisons, les détenus font ce qu’ils veulent. » Après le kart, la Formule 1 ?

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