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vendredi 3 juin 2022

Lettre aux écologistes : « Ne touchez pas à nos C 15 » (Par Jean-Paul Pelras)


Madame, monsieur,

Grâce à vous ou plutôt à cause de vous, dès 2025 la majorité des métropoles françaises, communautés d’agglomération qui intègrent bien sûr des communes rurales, vont mettre en place leur ZFE, Zones de faible émission Co2. De facto, un véhicule français sur deux ne pourra plus se déplacer dans ces périmètres. 

D’ici là, entreront en vigueur des interdictions de circuler évolutives qui tiendront compte des vignettes millésimées « Crit’Air » obligatoires pour pouvoir rouler en secteur urbain ou périurbain. Précisons qu’une utilisation non appropriée de ce sésame vaudra au contrevenant une prune pouvant aller de 135 à 750 euros. Dans certains cas, et ayons à ce titre une pensée émue pour les Lutéciens qui depuis le 1er juin ne peuvent plus utiliser de voiture diesel mise en circulation avant 2006, de poids lourd avant 2009, de mobylette avant 2004, de voiture essence avant 1997, autant laisser sa « trapadelle » sur place en confiant les clés au garde du cardinal de service. Notons à ce propos qu’à partir de 2040, voire 2030 pour Paris, plus aucun véhicule diesel ou essence ne sera autorisé à circuler dans notre pays. Le tout électrique deviendra donc l’alternative obligatoire, à l’heure où, pénuries obligent, l’on nous conseille d’éteindre gentiment, une ampoule de temps en temps pour économiser l’énergie…

Mais revenons à nos campagnes où, en bons environnementalistes adeptes de la punition et du dogme coercitif, vous ne supportez plus, entre autres réjouissances locales, le pot d’échappement, la flatulence bovine, les pratiques agricoles et tout ce qui fait le modus vivendi paysan. En 2025, autrement dit demain, les agglomérations de plus de 150 000 habitants devront se plier à cette loi liberticide interdisant aux véhicules diesel d’avant 2011 et essence d’avant 2006, l’accès aux communes qui les composent. Et ce, que ce soit en apostille de Perpignan, de Toulouse, de Pau, de Béthune, de Rennes, de Saint Etienne ou de Clermont Ferrand pour ne citer que ces communes entourées de prairies, de vignes et de champs où circulent, nous y venons, C15, Express, Kangoo, Berlingo, Master, fourgonnettes, utilitaires et autres bétaillères, camions ou tracteurs indispensables aux métiers d’artisan, de commerçant, d’agriculteur.

Je vais donc, puisque vous semblez ne pas avoir pris la mesure de votre mépris et de votre incurie, vous expliquer ce qu’est un Citroën C15. Comme l’était avant lui la « Quatrelle » ou la 2 CV, il s’agit, cher pastoureau moulé à la louche par quelques idées décroissantes, d’un art de vivre et d’un moyen de locomotion parfaitement adapté aux activités champêtres.

Trop éloigné des subtilités rurales, vous n’avez, à ce titre, certainement jamais pris le temps d’observer le rétroviseur rafistolé avec du chatterton ou la porte arrière qui tient avec une sangle. Comme vous n’avez jamais éprouvé la moindre émotion en remarquant la terre sous les pédales, la poussière sur le tableau de bord, et, sur le plancher, un bric à brac de pièces détachées, ressorts de canadienne, boulons dépareillés, palettes usagées de rotavator.  

Non, vous ne savez pas …

Vous n’avez jamais eu à chercher dans les vides poches latéraux, car vous ignorez jusqu’à leur utilité, le sécateur, le greffoir, la ficelle, la lampe torche usitée au moment des vêlages ou pour aller changer l’eau des parcelles à la nuit tombée. Dans la boite à gants, vous n’avez jamais eu à vous servir du petit calepin où sont répertoriés les numéros de téléphone et la date des saillies, où se trouve le tournevis, la bombe de dégrippant, la casquette offerte par le marchand de tracteurs, la carte grise, la pince coupante pour le barbelé, une clochette, des clavettes, la pierre à aiguiser.

Sur le siège du conducteur, vous ne vous êtes jamais assis sur la parka chiffonnée, sur le débardeur aux cercles concentriques blanchis par la transpiration.  Sur le siège du passager vous ne savez peut-être pas à quoi servent les outils appuyés, au gré des saisons, contre le dossier.  A l’arrière, vous n’avez jamais voyagé sur un bidon ou, à même le sol, près de cette caisse qui sert à transporter l’huile pour la tronçonneuse, le fil de fer, la boule de sel, une bêche, la pompe à graisse, les bottes, le vieux ciré, un demi sac de sulfate de cuivre, la batterie pour les clôtures électriques, et le chien assis juste à côté, sacrilège suprême, de la carabine ou de la machine à sulfater.

Vous ne savez pas ce que peut représenter l’odeur mêlée de la graisse, du foin coupé, de la bouse séchée, des ficelles à botteler et du tabac froid. Non, vous ne savez pas ! Tout simplement car, à part imaginer des lois inadaptées à nos usages et à nos besoins, vous ignorez tout de notre quotidien.

Alors, comme nous ne sommes pas assez tordus ou malhonnêtes pour nous occuper de vos métros, de vos trains de banlieue, de vos aéroports, de vos embouteillages, de vos ordinateurs, de vos heures de pointe, ne vous occupez plus de nos C15, de nos tracteurs, de nos camions et de nos fourgonnettes.

Car, à bien y regarder, et considérant vos activités, vous n’êtes pas forcément les mieux qualifiés pour savoir ce qui est bon ou non pour l’avenir de cette planète où les ruraux auront toujours besoin, mais cette évidence vous a certainement échappée, d’une voiture pour se déplacer et exercer leurs activités !  

Jean-Paul Pelras

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