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dimanche 6 mars 2022

Guerre d’Ukraine – 5 mars 2022 – Jour 10 – point de fin de soirée


 

 
parcourrier-strateges
6 mars 2022 
 
Le point à ma mi-journée ICI

Le Courrier des Stratèges publie à midi et à minuit un bilan de l’évolution de la Guerre d’Ukraine. 
 
Avec une double perspective, croisée: la guerre sur le terrain; et le conflit stratégique global que les Etats-Unis essaient d’organiser contre la Russie – en prenant le risque très clair d’une escalade
 
 

Rapide point sur le front

13h00: combats à Voznesensk (nord-ouest de Nikolaïev). Les troupes russes doivent repousser une contre-attaque kiévienne. Surtout, les troupes russes ont pour objectif d’aller sécuriser la centrale nucléaire de Yuzhnoukrainsk. 

13h30: à Kherson, des partisans du régime kiévien manifestent et montent sur les chars des soldats russes qui ont pour ordre de rester calmes. 

En fait, le danger le plus probable des semaines à venir du point de vue de la population, viendra très certainement de la situation d’anarchie et de chaos créée par la distribution incontrôlée d’armes par les Kiéviens au tout-venant.

Un des négociateurs ukrainiens a été éliminé par les siens

14h00: Denis Kireev, qui avait participé à la première réunion de discussion entre Russes et Ukrainiens à Gomel aurait été éliminé par le SBU ukrainien pour complicité avec la Russie. 

NB. La nouvelle est confirmée en fin d’après-midi.

Vladimir Poutine rappelle les origines du conflit et en dit un peu plus sur ses intentions

15h00: Vladimir Poutine a rappelé et développé ce samedi 5 mars les motifs de l’intervention en Ukraine “au-delà du Donbass”:

+ il ne voulait pas, a-t-il expliqué, que l’Ukraine continue à être approvisionnée en armes par les Occidentaux; son objectif est d’aboutir à une Ukraine neutre.

+ Il a aussi mentionné le fait qu’il n’avait jamais eu de garantie que l’Ukraine n’entrerait pas dans l’OTAN. Et le président russe a souligné que l’Ukraine jouait en ce moment avec le feu, en appelant les Occidentaux à la soutenir militairement: cela remet en cause l’existence de l’Etat ukrainien. Et comme pour donner raison au président russe, le Washington Post a confirmé une intensification des livraisons d’équipements militaires à l’Ukraine par les Etats-Unis dès décembre 2021. 

+ Et il y a eu, a-t-il ajouté, les déclarations de Zelensky sur la sortie du Mémorandum de Budapest le 19 février 2022 à Munich. Le président russe a insisté sur le fait que l’Ukraine avait beau avoir formellement renoncé aux armes atomiques par le Mémorandum de Budapest, elle avait encore le legs scientifique de la période soviétique et donc sans doute les moyens de  redémarrer un programme nucléaire militaire avec l’aide camouflée des Occidentaux;  or, a-t-il insisté, la renucléarisation de l’Ukraine serait un danger existentiel de la Russie.

+ Le président russe a rappelé qu’il avait mis les forces nucléaires en alerte maximale suite à la déclaration du ministre britannique des Affaires étrangères disant que l’OTAN et la Russie pouvaient avoir des “clash” du fait de la guerre en Ukraine. . Et d’une manière générale, il a déconseillé à quelque pays que ce soit d’apporter un soutien direct à l’Ukraine à moins de vouloir se retrouver en guerre avec la Russie. 

+ Le président russe a indiqué le chiffre de 13 000 à 14 000 victimes, dont 500 enfants, suite aux attaques contre le Donbass depuis 2014 – réalité à laquelle, a-t-il ajouté, l’Occident n’a accordé aucune importance.    Ce n’est pas un chiffre de propagande comme Anne-Laure Bonel l’a documenté. 

+ Le président russe a indiqué que l’objectif de destruction des infrastructures et stocks militaires de l’Ukraine serait bientôt atteint. Il a par ailleurs nié la présence de conscrits parmi les soldats envoyés en Ukraine. 

+ Il a aussi dit que les troupes russes avaient repéré, du côté ukrainien, des combattants islamistes venant du Proche-Orient et ayant l’intention d’organiser des commandos suicide contre les troupes russes. 

Une confirmation et une explicitation de ce que l’on savait déjà. Les propos du président russe sont sans aucun doute destinés autant aux Occidentaux qu’à la société russe.

 

16h00 : un psychodrame à Marioupol: les autorités locales réclament des couloirs pour que les civils qui le veulent puissent quitter la ville mais les troupes ukrainiennes ou les milices auxiliaires ne laissent pas sortir les gens de la ville. En revanche le couloir humanitaire semble fonctionner pour les habitants d’IRPIN au nord-ouest de Kiev. 

17h00. Cela nous avait échappé ce matin. Mais le Général Gomart, ancien directeur du renseignement militaire, s’est laissé aller à commenter, ce matin, sur RTL, la possibilité d’un assassinat de Vladimir Poutine ou d’une révolution de palais contre lui. La question lui était posée suite au dérapage du sénateur Graham aux Etats-Unis. Or, loin de rejeter cette hypothèse, le Général Gomart l’a commentée et inclus dans les possibles. En l’occurrence, quelle naïveté, en plus de la contribution à l’irrationalité ambiante: qui peut sérieusement penser qu’un Poutine renversé ou tué ne serait pas remplacé par des hommes aussi déterminés que lui – et sans doute moins patient?  

 

L’effet boomerang des sanctions occidentales

18h00: Les Américains semblent dépassés par ce qu’ils ont déclenché. La Russie a trouvé un premier levier de riposte avec l’accord sur le nucléaire civil iranien. Livrons quelques extraits de la très limpide analyse de Bhadrakumar ce jour:

Il y a quelques heures dans la soirée, le ministre des Affaires étrangères Sergey Lavrov a confirmé cette évolution. Lors d’une conférence de presse à Moscou, M. Lavrov a expliqué que, dans le contexte des dernières sanctions occidentales, la Russie souhaite obtenir une “réponse très claire” des États-Unis dans le cadre des relations bilatérales entre Moscou et Téhéran et de l’accord sur le nucléaire iranien.

Selon M. Lavrov, “nous avons besoin de garanties que ces sanctions n’affecteront en aucun cas les relations commerciales, économiques et d’investissement contenues dans le plan d’action global conjoint pour le programme nucléaire iranien. Nous avons demandé à nos homologues américains, qui font la loi ici, de nous donner des garanties, au moins au niveau du secrétaire d’État, [que] le processus actuel lancé par les États-Unis n’affectera en aucun cas notre droit à une coopération libre et totale avec l’Iran dans les domaines du commerce, de l’économie, des investissements, de la défense et de la technique.” 

En fait, le gouvernement américain ss’est coincé lui-même:”Aujourd’hui, la personne la plus impatiente de conclure l’accord à Vienne n’est autre que le président Joe Biden lui-même. Après avoir fait dérailler les relations énergétiques entre la Russie et l’Europe, Biden constate que les prix du gaz s’envolent en Europe et que Washington n’a aucune solution à la grave situation qui se développe. Le prix du gaz sur le marché au comptant a atteint huit fois le prix auquel la Russie fournissait l’Allemagne. (La Russie a annoncé qu’à partir de jeudi, elle a fermé le gazoduc Yamal-Europe qui est la route principale transportant le gaz vers le marché allemand). (…)

Pour résoudre le problème des prix élevés en Europe, M. Biden a récemment ravalé sa fierté et a mentionné l’achat de pétrole iranien bon marché comme réponse. Les analystes occidentaux estiment que Biden est d’humeur à apaiser les “faucons iraniens” à Vienne. En d’autres termes, les États-Unis ont désespérément besoin d’un accord énergétique lucratif et de la coopération iranienne à Vienne”

Et Bhadrakumar de souligner: “Les observateurs israéliens craignent que l’administration Biden n’aille de l’avant en assouplissant ou en levant les restrictions sur les exportations de pétrole iranien sans même signer les accords de Vienne !” 

Le sujet de l’accord avec l’Iran a d’ailleurs, selon un compte-rendu, été au menu de l’entretien du Premier ministre israélien avec Vladimir Poutine ce samedi 5 mars: Parmi les sujets qu’ils ont évoqués se trouvaient donc la guerre en Ukraine, mais aussi le sort des Juifs dans les deux pays en conflit. Bennett a demandé la mise en place de couloirs aériens qui permettraient d’évacuer ces derniers vers Israël. L’accord en cours de négociation avec l’Iran, à Vienne, a aussi fait l’objet de discussions. Le Premier ministre israélien a insisté auprès de Poutine sur l’opposition formelle d’Israël à cet accord. Celui-ci aurait dû être signé la semaine prochaine, mais apparemment, les événements en Ukraine vont retarder l’échéance”. (C’est nous qui soulignons)

Finalement, Israël penche du côté russe dans cette affaire! Cela ne fait pas les affaires du Président américain qui a besoin, lui, absolument d’un accord. Reprenons avec Bhadrakumar: 

L’une des principales raisons de cette panique est que l’administration Biden est profondément préoccupée par la forte augmentation des prix des carburants aux États-Unis ces derniers temps. Mais d’un autre côté, tout apaisement américain visible envers l’Iran à ce stade critique sera un signe de faiblesse, et Biden fera certainement l’objet de critiques acerbes dans l’opinion publique”.

Les Russes jouent donc sur du velours: “En effet, Lavrov a pris en compte tous ces développements tout en exigeant qu’Antony Blinken donne “au moins” une garantie écrite. Moscou se venge de la grossièreté de Blinken. Bien sûr, Biden perdra la face s’il cède publiquement. Bien sûr, le plus terrible sera que non seulement cela créera un précédent, mais que cela tournera en dérision la militarisation du dollar par les États-Unis !”

Et le diplomate indien de retourner le coûteau dans la plaie: “Les Européens doivent eux aussi se demander ce qui se passe. Ils ont sacrifié passivement leurs intérêts personnels vis-à-vis de la Russie sur la base des exigences de Biden ! Nord Stream 2 est abandonné !

Il s’agit d’une situation sans issue. En effet, le signal vert de la Russie est un impératif pour que l’accord JCPOA soit approuvé dans le cadre de la commission conjointe de l’Iran et du quintette international (Russie, Grande-Bretagne, Allemagne, Chine et France).

D’autre part, si les négociations de Vienne se prolongent, les activités d’enrichissement de l’Iran se poursuivront à un rythme accéléré et un point de non-retour pourrait être atteint très rapidement, dans quelques semaines tout au plus, ce qui mettra l’administration Biden dans une situation encore plus délicate, alors que le spectre d’un Iran nucléaire hante l’Asie occidentale et l’Europe.

Il est certain que le contrecoup des sanctions américaines a commencé. Ce n’est bien sûr que le début. Faites confiance à la Russie pour monter de plus en plus haut dans l’échelle de l’escalade. La Russie n’aurait aucune raison concevable de coopérer avec les États-Unis à partir de maintenant.”

On peut ajouter un point à cette analyse: les Russes ont-ils intérêt à ce que l’accord iranien se fasse tant qu’ils n’ont pas obtenu de garantie sur la dénucléarisation de l’Ukraine? Et si le gouvernement américain veut aller vite, il va falloir qu’il commence à négocier sérieusement avec les Russes ! 

Les Russes contrôleront bientôt les deux centrales nucléaires dans le sud-est du pays

23h00. Important THREAD Twitter de Bill Roggio concernant l’avancée des Russes vers la centrale nucléaire de Yuzhnoukrainsk: 

Les combats entre les forces russes et ukrainiennes dans un bâtiment de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia montrent que les Russes ont un plan pour s’emparer des infrastructures électriques comme outil de contrôle. Le fait est que les Russes auraient pu facilement la détruire lors des combats, mais ne l’ont pas fait.
On rapporte que les Russes avancent vers la centrale nucléaire d’Ukraine du Sud. L’usine est au nord de Mykolaiv, ce qui indique une nouvelle avancée russe. Il est évident que le contrôle de ces deux centrales signifie le contrôle d’une partie importante de l’infrastructure électrique du pays.
Sur la question de la centrale nucléaire de Zaporizhzhia. Il y a eu beaucoup de commentaires dramatiques et syncopés sur cette question vendredi soir et samedi matin. Je me suis tenu à l’écart car l’émotivité sur Twitter est devenue insupportable.
Le fait est que les Russes cherchaient à détruire l’installation, à provoquer une catastrophe nucléaire, ou toute autre … ruminations de ce genre. Si les Russes voulaient la détruire et provoquer une catastrophe nucléaire, ils avaient les moyens de le faire. Ils ne l’ont pas fait. Ils la contrôlent. La centrale fonctionne”

Bonne façon de finir les bilans du jour, à la fois en constatant qu’il est possible d’être objectif quelles que soient les préférences personnelles. 

Et puis, quand on respecte les faits, on voit que les Russes ont une stratégie. 

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