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vendredi 25 mars 2022

Guerre d’Ukraine – 24 mars 2022 – Jour 29 – Point de fin de journée



 
25 mars 2022
 
Le Courrier des Stratèges publie quotidiennement un bilan de l’évolution de la Guerre d’Ukraine. Avec une double perspective, croisée: la guerre sur le terrain; et le conflit stratégique global que les Etats-Unis essaient d’organiser contre la Russie – en prenant le risque très clair d’une escalade entre puissances nucléaires. Nous sommes dans une "crise des missiles de Cuba" au ralenti. L'instinct de survie et l'intelligence l'emporteront-ils sur le potentiel d'auto-destruction de l'humanité?
 

 


Opérations militaires

Plus les jours passent, plus on s’aperçoit que le contraste entre le bavardage incessant du côté de l’armée ukrainienne et l’économie de mots et de communiqués du côté russe a conduit même les observateurs les plus neutres à sous-estimer l’avancée de l’armée russe. Citons quelques extraits d’un entretien accordé par Larry C. Johnson, ancien des services américains  et formateur en chef pour les opérations spéciales. L’entretien date du 21 mars. 

++ “Dans les 24 premières heures de l’opération militaire russe en Ukraine, toutes les capacités d’interception des radars terrestres ukrainiens ont été anéanties. Sans ces radars, l’armée de l’air ukrainienne a perdu sa capacité d’interception air-air. Au cours des trois semaines qui ont suivi, la Russie a établi de facto une zone no-fly au-dessus de l’Ukraine. Même si elle est toujours vulnérable aux missiles sol-air tirés à l’épaule fournis aux Ukrainiens par les États-Unis et l’OTAN, rien n’indique que la Russie ait eu à réduire ses opérations aériennes de combat

++”La Russie déboulant près de Kiev dans les trois jours qui ont suivi l’invasion a aussi capté mon attention. Je me suis rappelé qu’il avait fallu aux nazis, lors de l’opération Barbarossa, sept semaines pour atteindre Kiev

++”L’échelle et la portée de l’attaque russe sont remarquables. En trois semaines, ils ont conquis un territoire plus grand que la surface terrestre du Royaume-Uni (les soulignements sont de l’auteur). Ils ont ensuite procédé à des attaques ciblées sur des villes et des installations militaires-clés. On n’a pas vu un seul cas où une unité ukrainienne de la taille d’un régiment ou d’une brigade ait attaqué et vaincu une unité russe comparable. Au contraire, les Russes ont soigneusement divisé l’armée ukrainienne en fragments et coupé ses lignes de communication. Les Russes sont en train de consolider leur contrôle de Mariupol et ont sécurisé toutes les approches de la mer Noire. Donc, l’Ukraine est maintenant coupée au sud et au nord.

Je me permets de faire remarquer que les États-Unis ont eu plus de mal à capturer autant de territoire en Irak en 2003, alors qu’ils se battaient contre une force militaire bien inférieure et moins compétente. Cette opération russe devrait flanquer une sainte frousse aux dirigeants militaires et politiques américains.”

++ “La nouvelle des nouvelles est arrivée cette semaine avec les frappes de missiles russes sur les bases de facto de l’OTAN à Yavorov et à Jitomir. L’OTAN a dirigé une formation en cybersécurité à Jitomir en septembre 2018 et a décrit l’Ukraine comme un « partenaire de l’OTAN ». Jitomir a été détruite samedi par des missiles hypersoniques. Yavorov a subi un sort similaire dimanche dernier [13 mars]. C’était le principal centre d’entraînement et de logistique utilisé par l’OTAN et l’EUCOM pour fournir des chasseurs et des armes à l’Ukraine. De nombreux membres du personnel militaire et civil de cette base ont été blessés.

Non seulement la Russie frappe et détruit régulièrement des bases utilisées par l’OTAN depuis 2015, mais il n’y a pas eu d’alerte au raid aérien et aucun des missiles attaquants n’a été intercepté”.

Il est donc évident pour un acteur américain bien informé que l’OTAN avait commencé depuis plusieurs années à intervenir sur le territoire ukrainien. Plus intéressant encore, l’usage de missiles hypersoniques aurait commencé dès la mi-mars, soit quelques jours avant ce que nous avions repéré: 

++”Les frappes militaires russes en Ukraine occidentale au cours de la semaine dernière ont violemment surpris et alarmé les responsables de l’OTAN. Le premier coup a été porté le dimanche 13 mars à Yavorov, en Ukraine. La Russie a frappé la base avec plusieurs missiles, dont certains seraient hypersoniques. Plus de 200 personnes ont été tués, dont des militaires et des agents du renseignement américains et britanniques, et des centaines d’autres ont été blessées. Beaucoup ont subi des blessures aussi sévères que des amputations, et sont à l’hôpital. Pourtant, l’OTAN et les médias occidentaux n’ont pas fait montre de beaucoup d’empressement à rendre compte de ce désastre.

Yavorov était une importante base avancée de l’OTAN (voyez ici). Jusqu’en février (avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie), le commandement de la formation de la 7e armée américaine opérait à partir de Yavorov (exactement jusqu’à la mi-février). La Russie ne s’est pas arrêtée là. Les informations militaires de l’ASB rapportent que la Russie a frappé un autre site, Delyatyn, qui se trouve à 96,5 km au sud-est de Yavorov (jeudi, je crois). Hier [20 mars], la Russie a frappé Jitomir, un autre site où l’OTAN était auparavant présente. Poutine a envoyé un message très clair : les forces de l’OTAN en Ukraine seront considérées et traitées comme des combattants. Point final.”

Un énorme dépôt d’essence aurait êté détruit à Kiev

17h00: les troupes russes et celles de la République sécessionniste de Donetsk annoncent avoir pris le bâtiment du gouvernement de la ville de Marioupol. Comme ils l’avaient annoncé, l’armée russe et les troupes des républiques sécessionnistes n’ont fait aucun prisonnier parmi les  irréductibles qui avaient refusé de se rendre. 

On commence à avoir le sentiment que les dirigeants ukrainiens ne se battent plus que pour eux-mêmes. Le commandant militaire de la région de Lvov Maxim Kozitsky a fait savoir qu’il disposait de 20 000 hommes entraînés au combat. Mais il ne souhaite les utiliser que pour défendre sa région. 

La suggestion m’a été faite ce matin que Zelensky pourrait être satisfait de savoir que les Russes font le “sale boulot” de détruire Azov et d’autres bataillons fascistes. Je me demande cependant dans quelle mesure Zelensky n’a pas laissé passer le moment de négocier sérieusement.  

Dans toutes les villes tenues par des partisans du régime de Kiev, il se reproduit le même schéma: les Kiéviens essaient de retarder ou d’empêcher l’accès de la population à une aide humanitaire et a fortiori leur départ. A Kharkov comme à Marioupol! 


Le conflit géostratégique

 

+ Pour le 23è anniversaire de la guerre menée par l’OTAN contre la Yougoslavie, une manifestation de soutien à la Russie a eu lieu à Belgrade.A l’inverse, des Russes ont déposé des bouquets de fleurs devant l’ambassade de Serbie à Moscou.  Au passage, rappelons-nous que l’OTAN a mené en 1999 plus de 35 000 raids aériens, larguant quelque 3 000 missiles de croisière et plus de 10 000 tonnes de bombes sur le pays. A la fin de la guerre d’Ukraine, on fera une comparaison avec la Russie. 

+ On sent que les Russes ont franchi un seuil. Ils ont laissé au gouvernement ukrainien la possibilité de négocier et la perche n’a jamais été véritablement saisi. Maria Zakharova a fait comprendre que les trains manqués ne seraient pas remplacés. Les Russes auront-ils encore envie de laisser subsister un Etat ukrainien souverain? De même, la porte-parole du Ministère des Affaires étrangères a donné à entendre qu’il ne tenait qu’aux Etats-Unis de continuer à détruire les relations entre les deux pays – ou à les améliorer.  

+ Cela n’a l’ait parti pour cela.  Les Etats-Unis ont annoncé des sanctions 

+ On ne prête qu’aux riches: le Ministère russe de la défense prétend avoir des preuves de l’implication de Hunter Biden dans le financement des laboratoires de recherche sur des armes biologiques.Est-ce une manière pour les Russes de dissuader les Américains de monter une fausse opération d’attaque chimique pour accuser les Russes devant l’opinion mondiale comme les Américains l’ont fait en Syrie? 

+ Au sommet extraordinaire de l’OTAN, il a été décidé de ne pas donner suite à la demande polonaise d’envoyer des troupes d’interposition en Ukraine.  Il vaut la peine de s’arrêter quelques instants sur la proposition polonaise: 

Varsovie proposait de former une mission de maintien de la paix de 10 000 personnes.Ses principales tâches seraient :

“- la protection des couloirs humanitaires qui seront organisés dans la partie occidentale de l’Ukraine ;

– la protection du fret humanitaire qui circulerait le long de ces corridors;

– la création d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus des plus grandes villes de l’Ukraine occidentale“.

Comment les Polonais peuvent-ils croire sérieusement à la viabilité d’un tel plan? Ne sont-ils pas représentatifs de toutes les illusions occidentales? 

+ MPN News raconte dans le détail la machine de guerre de propagande organisée par le côté ukrainien.  avec l’aide des Américains. On a affaire à un travail très professionnel, qui rappelle la manière dont la cause croate avait été poussée au début des guerres de Yougoslavie par des cabinets de relations publiques américains.  

+ Les Etats-Unis – et les pays qui se sont alignés sur eux – vont être confrontés à l’équivalent de la “décolonisation” pour les puissances impériales européennes dans les années 1950.


Des sanctions pour qui?

 

+ Les Russes lancent des sondes pour voir comment les marchés réagissent: les matières premières énergétiques pourraient être payées dans différentes monnaies:”La Russie peut vendre des ressources énergétiques aux pays hostiles pour des roubles ou de l’or, tout en traitant les paiements des pays amis dans leurs monnaies nationales (yuan, lire, dinar) et, si possible, en bitcoins, déclare le président de la commission de l’énergie de la Douma d’État, Pavel Zavalny.  

+ La Bourse de Moscou a réagi positivement, lors de sa réouverture, à la possibilité que des transactions énergétiques aient lieu en roubles. 

+ Non contents d’avoir ouvert une brèche dans les sanctions à l’abri de la négociation de l’accord iranien sur le nucléaire civil, les Russes commencent à travailler avec les Iraniens sur un système interbancaire.

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