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samedi 26 février 2022

Villepin remet BHL à sa juste place


 
 
 
 Arnaud Florac 25 février 2022
 
Jeudi 24 février, sur France 2, Dominique de Villepin était opposé à Bernard-Henri Lévy. 
 
Villepin est un diplomate chiraquien, qui a prononcé le magnifique discours de 2003 aux Nations Unies, contre l'intervention en Irak. 
 
Lévy est un écrivain « engagé », qui a couvert tous les conflits des trente dernières années en chemise blanche. C'est à Villepin que nous devons, certes, les émeutes ethniques de 2005 et leur règlement par des imams. Mais c'est à Lévy que nous devons l'intervention de Sarkozy en Libye, et le chaos qui a suivi. Il aurait pu s'agir d'un combat de catch de seconde zone entre deux has-been de la géopolitique. Il n'en a rien été.
On aurait tort de prendre Dominique de Villepin pour sa propre caricature. Volontiers tourné en dérision pour ses poses de hussard de la diplomatie, de poète napoléonien échevelé, gentiment moqué dans Quai d'Orsay, l'ancien Premier ministre a été définitivement mis hors de combat par Sarkozy, dont il était la parfaite antithèse. S'il avait été un peu moins brillant, un peu plus à droite, un peu plus tribun, qui sait... En tous les cas, il affrontait ce jeudi un monument de l'échec géopolitique français.
Pour le coup, en effet, on aurait raison de prendre Bernard-Henri Lévy pour sa propre caricature. C'est même à se demander s'il y a quelque chose d'autre à en retenir. Plagiaire, égocentrique, il a écumé les théâtres d'opérations français en chemise blanche et gilet pare-balles : sur la pointe des pieds pour être plus grand que les Kurdes, posté, comme un reporter de guerre, derrière un muret au-delà duquel les Serbes allaient tranquillement, dans la rue, acheter des clopes... Impayable! Il en est toujours revenu sans une égratignure, avec de grandes phrases creuses (sa chronique hebdomadaire du Point est un modèle du genre) et des solutions définitives, clés en main, pour politiciens faibles. Comme beaucoup de gens qui n'ont pas connu le feu, Bernard-Henri Lévy a une fascination trouble pour l'emploi de la force brute. Il faut, selon lui, « surenchérir » face à Poutine. Ce n'est pas lui qui surenchérira, entendons-nous bien : à la guerre, il fait froid, on a peur, et on se salit les habits. Mais il est tout prêt à encourager les puissance occidentales à donner une bonne leçon à l'ogre russe. Il lira alors le Battle Damage Assessment (BDA) à la terrasse du Flore en terminant son allongé.
Villepin lui a tout simplement rappelé, jeudi soir, deux choses essentielles. D'abord, le souvenir des peuples que notre propre vanité occidentale a martyrisés : Irakiens, Libyens (il aurait pu dire Serbes et Maliens) portent encore dans leur chair et sur leur sol les horribles traces de nos généreux sentiments. Ensuite, les « postures de plateaux télé », comme il l'a dit avant de quitter l'émission, ne mènent nulle part. Partisan d'une solution négociée, comme Sarkozy, comme Mélenchon, Dominique de Villepin sait bien que les vociférations télévisuelles n'ont rien à voir avec l'engagement de sa propre peau sur un champ de bataille.


 
Monsieur Lévy s'est vengé sur Twitter, avec un courage parfaitement représentatif de son sens de l'engagement physique. J'ai le souvenir de l'avoir vu une seule fois sur le point de se battre à la télévision : quand il avait été entarté dans les années 80. Il était hors de lui et même un peu vulgaire, sur le mode « allez, ramène ta g...» Desproges s'était magnifiquement moqué de lui, en une formule sur le vrai visage des cuistres. Tout un symbole. Ce jeudi, Monsieur de Villepin, lui, est parti du plateau avant que les choses ne dégénèrent, comme Chirac son maître, en 2001, quand on avait sifflé la Marseillaise pendant le match France-Algérie. On en conclura bien ce que l'on veut sur ce que Soljenitsyne appelait le déclin du courage. Toujours est-il que Villepin avait parfaitement raison sur le fond, et que même la France insoumise lui a rendu cet hommage.

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