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jeudi 29 juillet 2021

Suspendre un soignant qui ne veut pas être vacciné, est-ce constitutionnel ?


 
La future loi sur la vaccination obligatoire des soignants contre le COVID, en l'état actuel de sa rédaction, soulève de vraies difficultés constitutionnelles que je vous explique dans cette vidéo de conseils sur l'attitude à tenir. 
 
Il paraît peu vraisemblable que le Conseil Constitutionnel n'en pointe pas quelques-unes. C'est en particulier le cas de la suspension unilatérale sans salaire du contrat de travail sans possibilité de recours pour le salarié ou le fonctionnaire. Voici pourquoi. 
 

La loi sur le passe sanitaire, si elle est validée par le Conseil Constitutionnel, devrait instaurer une vaccination obligatoire contre le COVID contre les soignants des hôpitaux, et quelques autres professions (dont les ambulanciers et les sapeurs-pompiers, mais pas les policiers…), sous peine d’une suspension immédiate de salaire, qui peut durer le temps qu’elle doit durer. Cette suspension, que nous détaillons dans la vidéo ci-dessus, s’accompagne d’une interruption de salaire. Aucune procédure d’appel de cette décision n’est prévue. 

Mais ce principe est-il bien constitutionnel ?

Un petit rappel sur ce qu’est la suspension

Ce débat est en apparence technique, mais il est essentiel pour l’application de la loi, qui n’est probablement pas au  bout du désordre qu’elle va semer dans le pays (essentiellement parce qu’elle est mal ficelée et préparée selon les principes de l’amateurisme tant vanté par Emmanuel Macron). Il y a un problème autour de la notion de suspension du contrat de travail. 

Ce problème peut être compris intuitivement : un contrat est soit en vigueur, soit rompu. Mais un contrat en suspens, c’est en soi une bizarrerie intellectuelle, surtout si celui qui suspend le contrat le fait au dépens de l’autre sans l’indemniser. On imagine mal un salarié expliquer à son employeur qu’il suspend l’exécution de son contrat sans recours possible, mais en continuant à percevoir un salaire. Inversement, il est bizarre qu’un employeur puisse suspendre un contrat sans recours possible en décidant de ne plus payer le salarié qui souhaite continuer à travailler. 

C’est pourquoi (nous n’allons pas entrer dans tous les détails du droit de la suspension), en dehors du cas du salarié ou du fonctionnaire incarcéré (dont le contrat est suspendu de fait sans salaire), on considère que la suspension du contrat sans salaire et sans indemnité est une décision disciplinaire.

Suspension et discipline

Simplement, la suspension a toujours été un acte disciplinaire à part. La suspension sans salaire ou sans traitement doit toujours se justifier en raison de la gravité d’une faute, et ne peut durer que le temps de la préparation d’une procédure disciplinaire en bonne et due forme. 

Au fond, la suspension est une régime d’exception, car elle est brutale et unilatérale. Elle ne se justifie que dans l’attente d’une « régularisation » par une procédure contradictoire, où « l’accusé » pourra faire valoir ses arguments de façon satisfaisante. 

Il existe en effet, particulièrement en droit administratif (qui s’applique aux fonctionnaires hospitaliers) un principe général du droit, qui est celui du droit au recours contre n’importe quelle décision administrative, posé par le conseil d’Etat en 1950 avec l’arrêt dame Lamotte. 

Comme la suspension est insusceptible de recours, sa constitutionnalité a toujours été discutable, et elle n’a de sens que dans l’attente d’un retour rapide aux formes disciplinaires normales, c’est-à-dire contradictoires. En soi, la suspension ne peut être le seul mode de l’action de l’employeur, surtout s’il est public.

La faille béante de la loi sur le passe sanitaire

Sans grande surprise, au fond, si l’on admet le caractère excessivement autoritaire de la démarche présidentielle, la loi sur le passe sanitaire choisit de procéder par suspension unilatérale sans traitement du contrat de travail pour tous les salariés qui refusent le vaccin. Et les aléas du texte ont conduit le législateur à finalement adopter un texte qui ne prévoit plus que la suspension sans salaire, en abandonnant la procédure contradictoire immédiatement consécutive. 

Nous l’avons vu ci-dessus, la suspension a toujours été une mesure d’urgence dans l’attente d’une procédure conforme au droit démocratique. Avec la loi sur le passe sanitaire, l’urgence illibérale devient la règle, et la procédure contradictoire n’est plus une obligation. 

De notre point de vue, il s’agit d’une énorme faille qui rend la loi inconstitutionnelle. 

Redisons-le, après les lois de Vichy qui étaient autoritaires, le Conseil d’Etat a prévu que toute décision administrative était susceptible de recours. Nous avons montré avec quelle partialité partisane l’avis du Conseil sur cette loi liberticide a été rendu.  

Il serait à peine concevable que le Conseil Constitutionnel ne soulève pas ce moyen fondamental pour un Etat démocratique. 

Nous suivrons avec vous les évolutions du texte, et les moyens de s’en prémunir s’il n’évolue pas. 

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