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vendredi 4 décembre 2020

Vaccin anti-Covid : la mise en garde du professeur Jacques Cohen


Vaccin contre la Covid-19 (Pixabay)


« Sur l’impression que le vaccin est la solution sans risque, il y a un grand danger à se précipiter sur ces premiers vaccins » affirme le Pr Jacques Cohen, Professeur émérite de l’Université de Reims Champagne-Ardenne, Immunologiste, chercheur au laboratoire de recherche en nanosciences LRN EA4682.

Propos recueillis par le Dr Jean-Michel Wendling, conseiller scientifique du média en ligne https://infodujour.fr/

Pr Jacques Cohen (DR)
Pr Jacques Cohen (DR)

Jean-Michel Wendling- que faut-il penser de cette course effrénée entre les différents laboratoires ?

Jacques Cohen- Sur une séries de150 vaccins, les premiers à être disponibles sont les vaccins ARN des laboratoires Moderna et Pfizer : ces firmes sont allées très vite parce que un vaccin de ce type est facile à produire. Mais c’est une solution totalement nouvelle. Ceux qui sont en tête ne respectent pas forcément totalement les règles du jeu. Et tout ceci aboutit à prendre quelques risques. Mais sur l’impression que le vaccin est la solution sans risque, il y a un grand danger à se précipiter sur ces premiers vaccins.

J-M W- A quels risques faut-il s’attendre avec ces vaccins ?

J.C – Là je suis en quelque sorte ennuyé, car je suis un partisan des vaccins et je ne voudrais pas qu’on ruine le crédit dans les vaccins en général en ayant été un peu trop vite avec un vaccin en particulier.
Sur les vaccins ARN qui courent en tête, il y a des risques d’inefficacité ou de complications. Pour l’instant on ne sait pas. On n’a aucun recul de leur toxicité chez l’homme, de même que de la durée des anticorps et de la protection qu’ils confèrent. Ce premier risque d’inefficacité est à voir à l’échelle collective et à l’échelle individuelle. Et puis il y a d’autres risques rares de complications liées à la vaccination elle-même.

Concernant les effets secondaires potentiels, il faut rappeler que l’ARN est par lui-même pro-inflammatoire : il a été proposé en traitement de certaines maladies où il agit comme inducteur d’interféron ou comme adjuvant pour d’autres vaccins. Le médecin-chef de Moderna qui vit aux États-Unis a pris ses précautions pour dire « nous n’avons aucune garantie que notre vaccin sera capable d’enrayer l’épidémie pour l’instant », mais on vous dit qu’il faut le prendre quand même parce qu’il atténue la maladie ou la fait disparaître chez plus de gens vaccinés que les gens non vaccinés….

J-M W – Dispose-t-on de suffisamment de recul sur ces produits et les protocoles d’évaluation sont-ils satisfaisants ?

J.C- Ces deux vaccins ont dans leurs essais un critère pour constater ceux qui sont malades ou pas malades, qui est uniquement clinique. Ces laboratoires sont plus légers, leur permettant de courir devant dans le peloton, et un peu moins chargés de scrupules et de précautions.

La seule chose qui est sûre, c’est la diminution des formes graves dans le groupe vacciné. Moderna indique qu’on ne peut savoir quelle sera la durée de la protection ni si ce vaccin diminue ou pas la circulation virale. Quoiqu’il en soit sur le plan théorique, le seul juge sera clinique et dans 4 à 5 mois, lorsque le suivi des vaccinés sera passé du labo producteur à toute la communauté médicale, on sera alors fixé sur les effets secondaires éventuels.

J-M W : Y-a-t-il d’autres options vaccinales plus sûres selon vous ?

J.C : Le vaccin chinois est sans doute plus sûr car le plus éprouvé : c’est la copie du vaccin antipolio des années 50. Il est diffusé largement en Chine par deux firmes et commence à être exporté. Ils nous en vendraient pour peu qu’on le leur demande…. La vaccination doit commencer, par exemple, pas loin de chez nous au Maroc ces jours-ci.

En France, une PME Valneva fabrique également un vaccin à virus entier inactivé mais ce sont les Anglais qui ont précommandé 60M de doses, et je n’ai pas entendu dans les annonces gouvernementales, que l’on prévoyait une part de marché en France pour ce vaccin qui, à tout prendre, me paraît plus sûr que les deux autres Moderna et Pfizer retenus par le gouvernement français.

Il y a aussi Sanofi qui s’est allié avec un autre grand, GSK, pour faire un vaccin et MSD associé à l’Institut-Pasteur qui seront sans doute prêts en juin pour une diffusion mondiale : ils savent faire. C’est un autre procédé que ceux des vaccins qui courent en tête. Ces laboratoires ont choisi de dire, « on ne fait pas comme cela dans l’urgence, on ne sait pas faire, nous on tient de très gros marchés. On écrasera de notre puissance de production ceux qui auront couru trop vite s’ils n’ont pas de résultats parfaits », et statistiquement il est peu probable que les résultats des premiers partis dans la course soient parfaits.

J-MW – Que pensez-vous de la stratégie retenue par le gouvernement ?

J.C : Pour les politiques, comme la situation économique est calamiteuse, le raisonnement est de dire : « on ne sait pas très bien donc on prend ceux qui arrivent en tête ». On pré-réserve beaucoup de doses des vaccins. Le gouvernement français s’en est exclusivement remis à préconiser les 2 vaccins ARN : le coq gaulois met tous ses œufs dans le même panier. Au moins jusqu’à juin 2021.

Le gouvernement britannique, lui, n’a pas fait le même choix. Il compte disposer dès la fin du premier trimestre 2021 de 3 types différents de vaccins. L’un est commandé à Valnéva, le petit français, production pour laquelle une usine a été construite en Ecosse.

Vous savez bien que je suis un partisan de très longue date des vaccins comme immunologiste. Je n’ai absolument pas changé d’avis. Je voudrais que nous ne prenions pas de risque ou alors que la population soit prévenue que la situation demande peut-être de prendre des risques, mais qu’on ne fasse pas l’impasse en infantilisant les gens, en leur disant « le vaccin est la bonne solution », ce qui est vrai, « les risques, il n’y en pas », ce qui n’est pas vrai. En tout cas, ceux qui courent en tête pensent que les États sont obligés d’en passer par eux et qu’ils seront obligés d’assumer les risques de dommages et intérêts éventuellement au civil. S’il y a des ennuis, ils veulent des garanties que ce ne sera pas eux qui payeront.

J-MW- Finalement, pensez-vous que le vaccin permettra d’enrayer l’épidémie ?

J.C : Il ne faut pas imaginer que le vaccin va régler tout cela dans les premiers jours de 2021.  

Je ne suis même pas persuadé que le vaccin, quel qu’il soit, à une telle échelle soit capable d’enrayer potentiellement l’épidémie

 Les choses changeront peut-être pour 2022. Mais je voudrais dire qu’en l’état, seules les solutions, non pas de vaccination, mais de prévention par les mesures de distanciation, d’hygiène, de dépistage – isolement sont les solutions éprouvées et efficaces d’éradication du virus de nos jours pour en finir avec cette épidémie comme nous l’ont montré certains pays asiatiques.

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