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lundi 16 novembre 2020

Pour Dupond-Moretti, la liberté des terroristes est aussi importante que celle de tous les citoyens


 

Liberté et surveillance sont des mots qui s’entrechoquent. 

Certes, la première ne peut être totale sans conduire à la chienlit, mais la seconde ne peut être excessive sans étouffer la démocratie. 

Les récents propos du grand « Acquittator » (ou « acquitte-à-tort » ?) devenu dans la scénographie macronienne « garde des Sceaux », ministre de la Justice, « gardienne de nos libertés », devraient ajouter une inquiétude de plus au tableau déjà chargé de l’actualité.

Il déplorait, récemment, comme une « incohérence totale » que ce soient « les mêmes qui vous disent, lorsqu’il s’agit de voter l’application Stop-Covid, qu’elle est liberticide », qui cependant exigent de restreindre les libertés des terroristes, ou des islamistes qui risqueraient de le devenir. En somme, pour Dupond-Moretti, la liberté des terroristes est aussi importante que celle de tous les citoyens ! La surveillance de ces derniers éventuellement porteurs du Covid-19 est aussi légitime que la libération des terroristes qui ont purgé leur peine, aussi fondée que le refus d’un « Guantánamo » à la française ! Cette curieuse équivalence, compréhensible chez quelqu’un dont le métier consistait à blanchir les âmes les plus noires, témoigne, chez celui qui est devenu le défenseur de l’ordre social, le signe d’une confusion mentale inquiétante, inquiétante au point de l’amener à se rattraper aux branches en insistant lourdement sur la surveillance des terroristes et des « radicalisés », avant, pendant et après la prison.

Pour faire plus sérieux, l’artiste du verbe s’est réfugié dans les chiffres : « 170 personnels pénitentiaires affectés au renseignement, 64 condamnés pour terrorisme. » À ces chiffres, on respire, mais le ministre prend ses notes et précise que les 64 sont les détenus qui vont être libérés dans les mois qui viennent. S’y ajoutent 21 « droit commun » radicalisés, et surtout le dessous de l’iceberg : 504 condamnés pour terrorisme, et 572 « droit commun » radicalisés. Et d’ajouter, avec une benoîte assurance : « Naturellement, ils seront suivis de près… » Tiens donc ! Comme pour la dette, le gouvernement a découvert l’infini, cette fois celui des policiers surveillant, d’un côté, les rétifs au masque et au confinement et, de l’autre, les fichés S, les terroristes libérés et les radicalisés en liberté, poursuivant les premiers jusque dans les églises et laissant, bien sûr, les autres à l’abri de leurs quartiers réservés, car à l’impossible nul n’est tenu…

D’ailleurs, le Conseil constitutionnel a déjà résolu la question et démenti a priori le ministre puisqu’il a censuré, en août dernier, la loi « instaurant des mesures de sûreté à l’encontre des auteurs d’infractions terroristes à l’issue de leur peine ». Dans le monde de Dupond-Moretti, il est possible de condamner administrativement tous les Français à des restrictions d’aller et de venir, voire à une quasi-assignation à résidence, ou même une incarcération dans l’isolement pour les pensionnaires des EHPAD, mais sous la protection du juge judiciaire, le détenu libéré n’a pas à subir de restriction à sa liberté retrouvée… Un monde merveilleux inspiré doublement par nos amis britanniques : 1984 pour tout le monde et Habeas corpus pour les justiciables !

La démocratie ne peut s’accommoder des excès de surveillance lorsque ceux-ci débordent les besoins de l’ordre public, du respect de la loi et de la sécurité, lorsqu’ils empiètent sur les libertés personnelles fondamentales liées à l’autonomie de la personne, pour son domicile, sa correspondance et ses déplacements. Elle peut, en revanche, tolérer des mesures d’exception à la fois limitées dans le temps, et surtout discriminant nettement les individus en fonction de leur dangerosité subie ou volontaire. La prolongation, l’accentuation et, pour comble, l’inversion de ces mesures sont en train de pulvériser notre démocratie.

Maurice Duverger avait, un jour, écrit : « La quantité de liberté que l’État laissera aux individus dépend de la force des disciplines intérieures que les individus sont capables de s’imposer à eux-mêmes […] Quand on n’est pas maître de soi, il faut bien qu’un autre soit votre maître pour que la société vive. » Cette formule est redoutable car elle pourrait justifier la dictature comme antidote de l’anarchie, mais elle doit plutôt nous appeler à une prise de conscience : ne peut être démocratique qu’une nation dont toute la population partage un certain nombre de règles que les familles et l’éducation transmettent de génération en génération. Ni l’individualisme ni le séparatisme ne peuvent maintenir la démocratie !

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