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samedi 28 mars 2020

[Tribune]Le vrai but du confinement n’est pas celui qu’on croit




Comme ici place Bellecour à Lyon, le confinement force les Français à rester chez eux. Une situation qui a d’autres atouts pour le gouvernement. Photo © KONRAD K./SIPA

Samedi 28 mars 2020  

L’exécutif martèle que le confinement est la seule façon de résoudre la crise sanitaire. 

Mais il a également d’autres utilités, explique François Martin, du fonds de recherche amitié politique.
Pour beaucoup de français, le but du confinement est strictement sanitaire.
C’est ce qu’on leur dit, mais évidemment, ce n’est pas vrai.
D’abord, le pouvoir n’est sans doute pas terrorisé par le nombre de morts.
En effet, chaque année, le nombre de morts de la grippe est de l’ordre de 7000 à 9000 personnes.
Tant que l’on n’atteint pas ce chiffre, pense probablement le gouvernement, l’épidémie du coronavirus restera à peu près « dans les clous ».
Et puis, si on avait « feuilletonné » jusqu’ici, comme le Ministre le fait chaque soir, le nombre de contaminés et de morts de la grippe « classique », personne n’oserait jamais sortir de chez soi entre Décembre et Avril.
Enfin, chaque année, les maladies cardiovasculaires font de l’ordre de 140 000 victimes, et le cancer environ 150 000.
Cela n’empêche visiblement personne de s’offrir de temps en temps une belle cochonnaille (pleine de cholestérol…) avec une bonne bouteille de vin, et le gouvernement, s’il nous incite à l’activité physique, ne nous interdit pas pour autant la liberté de nos repas.
Et si nous craignons le cancer, il ne nous empêche pas pourtant d’essayer de vivre heureux.
Et les campagnes contre le cancer, s’il les prend au sérieux, ne tétanisent pas non plus le gouvernement.
Que craint donc le gouvernement ?


Le gouvernement craint plus la crise médiatique que sanitaire

Ce que craint le gouvernement, ce n’est pas la crise sanitaire, mais c’est la crise médiatique.
En effet, le virus, à défaut d’être beaucoup plus létal que la grippe, en tout cas dans les pays où il est correctement traité, en-dehors de la catégorie des personnes âgées, et sous réserve que les statistiques veuillent dire quelque chose (puisque les méthodes de dépistage sont très différentes d’un pays à l’autre), est au moins, c’est avéré, nettement plus agressif.
Cela veut dire que la contagion, lorsque les « mesures barrières » sont insuffisantes, se transmet beaucoup plus vite d’un sujet à l’autre.
Le pic est plus rapide, d’où le risque (contrairement à une grippe classique, où le pic semble moins brutal, ou même aux maladies cardiovasculaires ou aux cancers, où les morts sont répartis sur toute l’année) que l’on ait, à un moment donné, le spectacle désastreux de ce que l’on cherchait justement à cacher : le délabrement de notre système hospitalier, avec les médecins et infirmières débordés, les malades couchés dans les couloirs, les camions militaires évacuant les morts, etc…
Plus que le nombre de morts, ce que craint le gouvernement, c’est la médiatisation d’un scénario à l’italienne mettant son impréparation au grand jour.
C’est ça, sa crainte.
Et, malheureusement pour lui, c’est bien ce qui se passe.
La preuve que ce ne sont pas les morts qui semblent être sa préoccupation principale, c’est, par exemple, l’appel désespéré des députés de Mayotte, où l’on craint une véritable hécatombe, et où pourtant le gouvernement reste sourd, en tout cas jusqu’ici, parce que Mayotte restera sous les radars médiatiques.
Mais l’autre crainte du gouvernement, la principale, sans doute, c’est la future crise économique.
En effet, le gouvernement n’est pas plus préparé au sauvetage des milliers de PME qui risquent de se trouver rapidement en faillite, qu’il ne l’est concernant la crise sanitaire.
Par contre, il sait que si la crise sanitaire est passagère (elle ne devrait pas résister à l’été, selon les experts), la crise économique, elle, sera permanente.
Elle durera jusqu’en 2022, date de la future élection présidentielle.
Par conséquent, le gouvernement a beaucoup plus à craindre de la seconde que de la première, d’où ses injonctions contradictoires, incitant d’une part les français à se confiner du mieux possible, et d’autre part, à continuer à travailler autant que possible, en télétravail, mais aussi en direct, lorsqu’ils y sont obligés.
Deux injonctions contradictoires, qui ne peuvent être menée de front, parce que chacune invalide l’autre : on ne peut vraiment travailler tant qu’on est confiné, ni être vraiment confiné tant que l’on travaille.
Aucun des objectifs ne sera atteint.
En confinant les contestataires, la situation actuelle a malgré tout un côté très pratique pour le gouvernement
De cela, on peut tirer un certain nombre de conclusions : d’abord, le but du confinement n’est pas uniquement sanitaire.
Il est aussi, évidemment, politique.
En effet, pour le gouvernement, malgré la crise sanitaire, et le spectacle permanent de son impréparation, la situation a malgré tout un côté très pratique : les contestataires, les politiques de l’opposition, les « dissidents », les Gilets Jaunes, les syndicats, les mécontents, même les Black Blocks, tous les « empêcheurs de gouverner en rond » sont confinés.
Tout le monde chez soi, personne dans la rue.
Seul le Président, tel Clémenceau, « fait la guerre », et fait campagne dans les « tranchées » des hôpitaux…
Mais le confinement a un autre intérêt.
En effet, le gouvernement sait maintenant que sa stratégie première a raté, puisqu’il n’a pas pu éviter la « montée en crise » sanitaire (dont nous aurons les effets maximums dans 15 jours, puisque tous les malades d’aujourd’hui sont encore issus de la période précédente préconfinée), que par ailleurs, chaque jour de confinement qui passe creuse un peu plus la vague de la crise économique à venir, et qu’enfin, il ne peut tenir sur la durée, avec le confinement, les deux stratégies de front : sauver les malades et sauver les PME.
La situation actuelle n’est pas tenable, il doit impérativement en sortir rapidement.
Vu sous cet angle, le confinement permet donc au gouvernement de gagner du temps.
A l’abri momentané, pourrait-on dire, du confinement, il peut préparer la deuxième réponse, celle qu’il a négligée de prime abord : fournir tous les masques nécessaires, non pas seulement aux personnes exposées ou fragiles, mais à tous les Français.
En effet, le masque est évidemment l’arme absolue, puisqu’il est le « geste barrière » parfait, et qu’il permet le « confinement sans confinement », individuel.
Avec les masques, on peut aller travailler sans contaminer tout le monde.
Avec les masques, plus de contradiction entre stratégie sanitaire et stratégie économique.

Le confinement permet au gouvernement de gagner du temps


L’autre réponse, ce sont les dépistages.
Le gouvernement a quelques semaines pour s’équiper en kits, et s’organiser pour faire pratiquer les dépistages massifs au niveau des médecins traitants, comme c’est fait en Allemagne.
Ainsi, évidemment, le nombre de malades identifiés bondira (alors qu’aujourd’hui, on fait tout pour les cacher, et les dépister le plus tard possible, ce qui multiplie la contamination générale).
Mais dans ce cas, puisqu’on les dépistera beaucoup plus tôt, on les confinera aussi plus vite, ce qui évitera peut-être, pour chacun d’eux, la contamination de toute leur famille.
Et surtout, dans ce cas, on pourra aussi arrêter le confinement des autres, ceux qui sont sains.
C’est la stratégie « masques/kits pour tous » qui permet seule de sortir du piège mortel du confinement dans lequel nous sommes.
Avec, peut-être, en plus, l’effet retardant de la chloroquine, si son caractère bénéfique est finalement reconnu.
On remarquera que les pays qui s’en sortent le mieux ont pris résolument cette direction.
C’est aussi ce qu’a commencé à faire le Pr Raoult à Marseille, montrant le chemin du bon sens.
Si c’est bien ce que le gouvernement cherche maintenant à faire, on peut supposer qu’il va maintenir le confinement officiellement, mais qu’il va l’arrêter dès que la stratégie de deuxième réponse sera en place, dès qu’il aura ses produits, ses plans et sa logistique.
Si le gouvernement agit ainsi, il sera intelligent, et il limitera la casse.
Mais il faudra aussi qu’il « mange son chapeau », qu’il reconnaisse qu’il s’est trompé jusque-là sur toute la ligne : dans l’évaluation de la crise, dans sa préparation, dans son choix stratégique initial, dans ses stocks de matériel, dans sa chaîne de commandement, dans son organisation, dans sa communication plus qu’hasardeuse, et finalement dans sa critique, qui n’a pas encore cessé, de tout ce dont il va finalement avoir besoin.
Aura-t-il cette sincérité et ce courage ?
C’est bien ça qui est la principale question.

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