Publié le 28/03/2020
Brice Perrier
Le professeur marseillais a publié ce 23 mars "Épidémies : les vrais dangers et les fausses menaces".
Un retour d'expérience et un diagnostic sévère de notre approche des infections.
En une semaine, Didier Raoult est devenu le médecin le plus célèbre de France.
Celui qui pourrait nous laisser voir une sortie de crise dans l'épidémie de Covid-19, si son traitement à base de chloroquine parvenait à guérir les malades.
Les jours et les semaines qui viennent trancheront, mais en attendant le professeur marseillais livre sa vision des maladies infectieuses et de notre façon de les appréhender.
En résumé, c'est du Baudrillard : Simulacres et simulations.
Un médecin disciple de Baudrillard
Inspiré par le philosophe, l'infectiologue décrit "la déconnexion totale de la réalité observable avec la réalité rapportée" en matière d'épidémie.
"Quand l’informateur multiplie par 20 un risque de mortalité et divise par 100 un autre risque, nous ne sommes plus dans une exagération, nous sommes dans un autre monde. Et c’est actuellement ce qui se passe."
Avec des modèles mathématiques qui nous ont prédit des millions de morts provoqués par des fléaux nommés grippes aviaires, H1N1, SARS, MERS, Ebola, chikungunya ou Zika, alors que ces maladies eurent en France une mortalité moindre que les accidents de trottinette.
"J'ai le devoir de mettre en perspective l'ensemble de mon expérience sur ces crises sanitaires, leur sens et la manière de les comprendre", annonce ainsi le professeur de médecine.
Spécialiste des microbes, Didier Raoult veut nous ramener à la réalité médicale
Se présentant comme l'expert le plus cité au monde pour les maladies infectieuses, le patron de l'Institut Hospitalier Universitaire Méditerranée Infection a un parcours qui fait autorité.
Il a travaillé sur tous ces dossiers, à commencer par "la première fausse épidémie" à laquelle il fut confronté : le charbon, plus connu sous le nom d'anthrax.
Survenue après les attentats du 11 septembre et l'envoi de plusieurs lettres contenant l'agent infectieux aux Etats-Unis, cette crise gagna la France où des courriers fantaisistes avec de la farine ou de la craie furent envoyés, et analysés par le seul laboratoire en mesure de le faire rapidement, à Marseille.
Missionné par le gouvernement, Didier Raoult découvre l'influence des informations "grises", comme celle selon laquelle les Américains auraient trouvé l'anthrax de Saddam Hussein, et par là même "le mensonge d'Etat, l'utilisation du phénomène de peur collective pour aider au déclenchement d'une guerre".
Les coronavirus
Il sera plus tard confronté à la grippe aviaire (une "maladie fantasmatique" pour laquelle la France a financé "un vaccin inutile"), à la H1N1 (avec une autre stratégie vaccinale inadaptée, très coûteuse, alors que le vaccin de la grippe suffisait), ou à la "folie Ebola" (maladie « peu contagieuse » ayant engendré une terreur bien plus mortelle que l'infection), entre autres périls au danger extrêmement surestimé selon lui.
Spécialiste des microbes, Didier Raoult veut nous ramener à la réalité médicale en relevant que le seul tueur émergeant de ces dernières années, Clostridium difficile, "qui fait au moins 30.000 morts par an en Europe et 30.000 aux Etats-Unis", reste inconnu du grand public, comme le procédé un brin rustique qui permet de le soigner, pour lequel son centre marseillais est pionnier.
"Avec cette maladie, la révolution thérapeutique montre que ce n’est pas toujours la haute technologie qui permet la thérapeutique, souligne le professeur. Ici, la révolution, c'est la greffe d'excréments. On fait ingérer aux gens des excréments de patients sains avec des taux de guérison de près de 90 %. Cela remet violemment en cause la technologie."
Découvreur de nombreuses bactéries et de virus, l'homme aux allures de druide raconte comment il a également pressenti le drame de la canicule de 2003, "une vraie crise sanitaire négligée", après avoir recommandé aux autorités d'observer les chiffres hebdomadaires de la mortalité pour repérer les événements anormaux.
Il explique aussi avoir endigué une épidémie de typhus au Burundi grâce à une stratégie médicamenteuse, comme il compte le faire avec le Covid-19 que l'on retrouve dans un chapitre consacré à la famille des coronavirus.
L'infectiologue remarque qu'elle est très répandue et constitue "la troisième cause d'infection respiratoire virale", bien que "complètement ignorée de la presse et des autorités sanitaires du monde".
Seuls le SARS chinois, le MERS saoudien et Covid-19 ont retenu l'attention, alors que d'autres jugés banals "ont tué beaucoup plus ces dix dernières années".
Les propos sur l'épidémie actuelle détonnent quand il prévoit qu'en Chine sa mortalité rejoindra probablement celle de la grippe, continuant à relativiser une menace qu'il avait totalement négligée en janvier dernier en déclarant qu'il ne se sentait en France "pas tellement concerné", gardant à l'esprit que "les maladies infectieuses sont des maladies d'écosystème" et doutant donc d'une reproductibilité aujourd'hui pourtant manifeste.
Il salue toutefois la vitesse de réaction chinoise, "en particulier dans son évaluation des molécules anti-infectieuses" ayant rapidement permis de montrer l'utilité de la chloroquine qui pourrait faire du Covid-19 "une des infections respiratoires les plus simples à prévenir et à traiter".
On parle bien de ce virus en train de mettre le monde à genou.
Dans cette crise du coronavirus, Didier Raoult apporte en tout cas matière à réfléchir
Par ce livre écrit à la hâte alors que le mal couvait en Europe, Didier Raoult continue d'alimenter la polémique en qualifiant d'"hystérie mondiale" les réactions à cette pandémie, comme si elle n'était qu'une fausse menace à l'instar des crises précédentes.
Il fustige l'incompétence de l'OMS et n'hésite pas à critiquer une stratégie du tout vaccin plus dogmatique qu'efficace face aux infections, notant au passage que l'on en compte en réalité très peu de nouveaux depuis une vingtaine d'années malgré des financements colossaux.
Il préconise en revanche que d'anciens vaccins soient davantage utilisés, comme ceux de la varicelle ou de la grippe, et laisse clairement entendre que la recherche du profit de l'industrie pharmaceutique conduit à négliger l'intérêt de vieux médicaments peu coûteux.
Il déplore enfin que "les éléments idéologiques viennent privilégier les types d’informations qui entrent en résonance avec la vision du monde des médias. Les chiffres eux-mêmes deviennent indécents quand ils ne confirment pas la théorie dominante".
Parlant d'une "censure de fait sur les articles qui ne se situent pas dans le flux général de la pensée technique", l'homme mise sur les réseaux sociaux où serait désormais "l'innovation réelle", l'information ne devant plus se contenter d'être captée mais analysée culturellement.
Bref, dans cette crise du coronavirus, Didier Raoult apporte en tous cas matière à réfléchir.
Epidémies : vrais dangers et fausses alertes, de Didier Raoult, Michel Lafon, 8,99 €, 160 p.
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