Alors que nos deux pôles fondent au rythme du « réchauffement climatique », le citoyen du monde contemporain est bel et bien en train de perdre le nord.
La planète perd ses pôles, et lui devient bipolaire !
Il ne sait plus où se tourner, irrémédiablement tendu entre ses deux passions : son bonheur immédiat et celui, plus lointain, de la planète.
Il est à la fois cet Homo ecologicus, triant ses poubelles, roulant électrique, consommant bio et adorant Greta.
Une sorte de composteur à visage humain, qui réduit sa pensée au rythme où il accélère ses « gestes pour la planète ».
Et cet Homo festivus, extraordinairement dépeint par le regretté Philippe Muray, croquant avec délice ce grand ado qu’est devenu l’homme moderne, cherchant partout et tout le temps à se divertir, faire la fête, prendre son plaisir, soigner son développement personnel et ne rater aucun des tours de manège qu’offre notre société de consommation festive, quitte à s’entre-tuer pour attraper la queue de Mickey et s’étourdir encore pour un nouveau tour gratuit !
Mais voilà, cette double passion crée une double tension et, au cœur de nos modes de vie, une intenable déchirure !
Ecartèlement des temps modernes.
Cet hiver trop doux nous donne une nouvelle preuve de ce drame épouvantable.
Le théâtre de cette lutte intérieure ?
Les stations de ski où « s’embouchonnent » les Parisiens pour quitter le métro ou le périphérique saturés.
Mais comment skier alors qu’il ne neige pas ?
Le débat intérieur entre Homo ecologicus et Homo festivus fait rage…
Et comme toujours, plus vaillant, plus obstiné, plus inventif, c’est Homo festivus qui gagne !
Et voici qu’on fait livrer, par hélicoptère, de la bonne neige artificielle pour que les vacances chèrement payées ne se trouvent pas gâchées.
Ainsi, comme un fait exprès, alors que, le jeudi 13 février, le président de la République se rendait sur la mer de Glace pour dénoncer les ravages du réchauffement climatique, dès le lendemain, le conseil départemental de Haute-Garonne décidait d’acheminer 50 tonnes de neige par hélicoptère pour sauver la saison de la station Luchon-Superbagnères.
« Un bol d’oxygène », plaide la station, pour sauver l’activité, la saison et les emplois.
Mais un « bilan carbone » à faire pâlir de jalousie toutes les usines chinoises.
À la France des bagnoles, on avait dit : boire ou conduire, il faut choisir.
À la France des trottinettes et de la fête, ce nouveau choix cornélien : oxygène ou carbone, il faut choisir.
Mais face au géant vert qui sommeille en lui, et tant pis pour Greta, force est de constater qu’Homo festivus a déjà choisi…
Iris Bridier
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