Nicolas Domenach n’est pas le pire des éditocrates macronolâtres, même si on pourrait dire à son sujet paraphrasant Thérèse dans « le Père Noël est une ordure » : « je n’ai pas pour habitude de dire du mal mais il est vraiment gentil ».
Alors pourquoi s’intéresser à lui à propos d’un de ses éditoriaux paru dans le magazine Challenges ?
Simplement parce que nous avons là l’étalage ingénu d’un mélange d’ignorance et de culot, qui confine à une forme d’obscénité.
Nicolas Domenach n’est pas content : François Bayrou une de ses idoles politiques devrait être bientôt mis en examen, et il tient absolument à nous expliquer que cette mesure de procédure judiciaire n’est rien qu’une très injuste méchanceté que l’on fait subir à un être au-dessus de tout soupçon.
De quoi s’agit-il sur le fond ?
Le MoDem, parti fondé par le maire de Pau est accusé d’avoir fait la même chose qu’a peu près tout le monde, que ce soit au parlement français ou au Parlement européen : utiliser les assistants parlementaires, normalement collaborateurs d’élus, comme permanents du parti.
Concernant le MoDem, c’était depuis longtemps, voire très longtemps un secret de polichinelle, en particulier depuis la publication en 2015 par Corinne Lepage d’un livre intitulé, ça ne s’invente pas « Les mains propres ».
Celle-ci, députée au Parlement européen en 2009 expliquait quelles étaient des pratiques du parti sous l’étiquette duquel elle avait été élue.
C’était on ne peut plus clair et la presse avait répercuté ces accusations…
Le Parquet National Financier était resté muet, plus intéressé par chercher des noises au Front National, à Nicolas Sarkozy puis à François Fillon, et enfin à Jean-Luc Mélenchon.
La mansuétude sélective observée à l’égard de ce grand ami d’Emmanuel Macron provoqua cependant quelques commentaires au printemps 2017 au moment du rodéo judiciaire contre François Fillon.
Il fallut donc un peu donner le change et l’on annonça discrètement l’ouverture d’une enquête préliminaire, utilisée d’ailleurs comme prétexte pour se débarrasser de François Bayrou d’abord nommé Garde des Sceaux (!).
Mais comme avait prévenu dans un communiqué commun du premier Président et le Procureur général de la Cour de cassation à propos de la procédure fulgurante lancée contre François Fillon : « en matière de justice, c’est chacun son rythme… ».
Celui utilisé pour François Bayrou fut fort paisible, le front restant soigneusement immobile, et le Canard enchaîné nous apprenant en janvier 2019 soit quatre ans après les révélations de Corinne Lepage, qu’il ne s’était rien passé et que le patron du MoDem principal intéressé n’avait seulement jamais été auditionné ni perquisitionné.
Et rapportant tranquillement sans être démenti un propos de Laurence Vichnievski ex-magistrate devenus députée MoDem : « c’est Macron qui retarde l’instruction. » (!)
L’instrumentalisation politique de la justice contre les opposants du président de la république et pour la protection de ses amis nécessite quand même de mettre quelques formes, sinon cela finit par trop se voir.
Alors on s’adapte, et puisque Édouard Philippe est solide à son poste et comme Sylvie Goulard autre dirigeante du MoDem a été blackboulée à la Commission européenne en raison de casseroles trop sonores, le MoDem désormais on s’en moque un peu.
Alors on va lâcher un peu de mou de ce côté-là.
Il y a d’ailleurs le précédent, ou par le plus grand des hasards bien sûr, Richard Ferrand a enfin été mis en examen au moment précis où Jean-Luc Mélenchon passait en correctionnelle pour son attitude lors de la perquisition à grand spectacle dont il avait été l’objet.
« Vous voyez bien que la Justice est impartiale ! » nous a-t-on alors lancé à longueur de plateaux et de colonnes.
Nul doute que nous aurons droit à la même chanson lorsque tombera l’annonce de celle qui attend François Bayrou.
Sauf de la part de Nicolas Domenach fort marri de ce qui attend son idole politique et qui sous le titre : « François Bayrou mis en examen : un sommet en Absurdie ! » se lance dans une plaidoirie enflammée pour défendre son champion.
Un étonnant florilège qui commence très fort par un résumé de l’éditorial : « les dirigeants du MoDem risquent de se retrouver mis en examen, comme ceux du Front National à Bruxelles. Alors que l’un devrait pour l’Europe, l’autre l’ont (sic) toujours combattue ».
Ceux qui pensaient que les juges d’instruction, en application de l’article 80–1 du Code de procédure pénale devaient mettre en examen les personnes contre lesquelles existaient des indices graves et concordants d’avoir commis des infractions ont tout faux !
Ce qui justifie la mise en examen, pour notre brave chevalier de la plume c’est le fait d’être eurosceptique.
L’eurobéat est lui inattaquable et innocent comme l’agneau qui vient de naître, par définition, .
Et de poursuivre : « on mesure ainsi l’absurdité perverse de ces poursuites à l’heure ou une mise en examen passe pour une présomption de culpabilité ».
La faute à qui Monsieur Domenach ?
À la presse dont vous êtes un des piliers depuis si longtemps peut-être un peu, non ?
Et dites-moi, on n’a guère lu sous votre plume ou entendu dans votre bouche ce genre de réflexions dès lors que pleuvaient les mises en cause concernant Nicolas Sarkozy, François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon etc. etc.
Et tout à son chagrin face à l’innocence bafouée, notre amateur d’État de droit à géométrie variable poursuit : « jusqu’à il y a peu François Bayrou avait le plus grand mal à imaginer qu’il puisse être mis en examen par le parquet financier. Il ne s’en ouvrait guère. »
À nouveau l’ignorance judiciaire totale du maître penseur ne sachant pas que c’est le juge d’instruction, juge du siège et normalement impartial, et non le parquet qui met en examen.
Mesure d’instruction qui permet à la personne poursuivie d’avoir accès à son dossier et de participer au débat contradictoire.
De plus si François Bayrou est resté discret, c’était une attitude très sage.
Compte tenu de ce que l’on peut d’ores et déjà savoir du dossier, il valait mieux en effet raser les murs.
De façon qu’il ne considère pas comme contradictoire, et alors qu’il avait trouvé cela formidable pour le FN et normal pour LFI, Nicolas Domenach nous explique « qu’il faut une vision comptable surréaliste pour voir une quelconque malversation » dans le fait de piquer dans la caisse du Parlement européen.
Parce c’est vrai que si l’on commence à compter les sous qui sont au départ des fonds publics payés par le contribuable, on ne va pas s’en sortir.
Et de se plaindre que son ami soit « poursuivi tel un vulgaire délinquant financier ».
Quelle horreur, vous vous rendez compte, ajoute-t-il c’est un « disciple de Charles Péguy à qui il a consacré un mémoire de maîtrise ».
Malheureusement, on aura beau chercher, cette excuse absolutoire ne figure pas pour l’instant dans le Code pénal.
L’ensemble du texte qu’il faut lire en entier, est de la même eau, mélange d’ignorance, d’ingénuité mais aussi de cynisme passablement obscène, puisque Domenach, saluant le refus de François Bayrou de démissionner de son poste de maire de Pau, nous donne la clé de sa plaidoirie.
Il est nécessaire que son héros puisse « rester aussi l’un des principaux sinon le principal, conseiller d’Emmanuel Macron. »
Nous y voilà…
Étonnante et caricaturale illustration d’un des aspects du système Macron : dans la France d’en haut, entourant le président de la république il y a les intouchables, qui devraient pouvoir tout se permettre sans être importunés par des juges ou des comptables.
Et si la justice ose s’y attaquer, c’est un blasphème, voire un sacrilège.
Comment se moquer encore un peu plus la France d’en bas ?
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