Il n'y a pas de culture française.

 

 

Anne-Sophie Chazaud

 

Ainsi donc, l'Elysée a annoncé que le rappeur Vegedream escorterait notre jeune président de sa mâle présence lors du déplacement officiel en Côte d'Ivoire dont le troubadour est originaire.

 Fort bien.

 Après, on me reproche parfois de faire de l'antimacronisme primaire.

Et moi de rétorquer que non seulement il est primaire mais aussi secondaire et tertiaire et millénaire, et voici pourquoi.
Il y a beaucoup de choses qui sont insupportables, au sens certes épidermique mais aussi philosophique, moral, esthétique, social, économique dans ce style de gouvernance, dans ce style tout court : la morgue, sur laquelle nous sommes abondamment revenus, l'hubris, l'hypernarcissisme, l'absence d'empathie, l'incompréhension totale de ce qu'est la nation française, la méconnaissance absolue de ce qu'est le peuple, bref, tout cela, on l'a abondamment commenté et gageons qu'il y en aura encore de bons morceaux à venir.
Mais probablement que ce qui, dans le fond, m'aura le plus ancrée dans le dégoût et le rejet, c'est l'aspect culturel ou, précisément, anti-culturel, de cette gouvernance.

La bêtise et la vulgarité souvent affichée, sous la forme d'une absence de vergogne, certes, mais aussi dans le goût lui-même pour ces affichages pseudo-culturels qui n'en sont que la négation et pour des postures qui abaissent la dignité et l'image de l'Etat : la Fête de la musique obscène (au sens propre, pas même au sens moral dont je me fiche), les frottis-frottas gluants et moites avec les 2 Antillais repris de justice à moitié nus, l'installation d'un Belattar dans l'entourage présidentiel pour une raison toujours mystérieuse, la tendre complaisance envers le bad-boy Benalla, et à présent, ni une ni deux, on va faire rayonner la culture franco-ivoirienne avec un gugusse qui chante, je cite : "Sale pute, va niquer ta race....J'aime pas les suceurs de bite. Les gros suceurs de bite. Je déteste les suceurs de bite. Les gros suceurs de bite. J'aime pas les suceurs de bite. les gros suceurs de bite" (au point qu'on se demande du reste si cela ne va pas créer une petite déception pendant le voyage...).
Je suis favorable à une liberté d'expression maximale, donc libre à n'importe quel tartignole de chanter ce que bon lui semble, personne ne me force à l'écouter.

Mais j'ai beaucoup de mal à accepter que la France soit représentée constamment officiellement, par les choix de postures et d'affichages macroniens, par des personnages qui ne font que tirer tout vers le bas : la langue, l'intelligence, la beauté, le style, l'élégance.
Vous me direz, "c'était dans son programme", comme tout le flinguage du pays, et c'est vrai puisqu'il avait clairement annoncé la couleur : "Il n'y a pas de culture française".
En fait si, il y en avait une.
Aujourd'hui nous célébrons le 55ème anniversaire du discours magnifique de Malraux pour l'entrée de Jean Moulin au Panthéon : "Entre ici Jean Moulin, avec ton terrible cortège...Entre avec le peuple né de l'Ombre et disparu avec elle -nos frères dans l'ordre de la Nuit".

 Ces frères de l'Ombre, nos frères, nos aïeux, qui, entre autres, conçurent le programme du Conseil National de la Résistance que le macronisme détruit chaque jour un peu plus.

 Non, décidément, tout cela n'est pas Nous et le jour n'est pas venu où je m'y reconnaîtrai.