La grève du 5 décembre contre la réforme des retraites pourrait être encore plus suivie qu’on ne s’y attend.
Le Conseil d’orientation des retraites (COR) vient, en effet, dans un rapport commandé par le Premier ministre, de confirmer que le déficit du système actuel devrait s’établir entre 7,9 milliards et 17,2 milliards d’euros en 2025, en fonction des différents scénarios de croissance.
Comme le Président et Édouard Philippe ont répété que le financement des retraites devait être à l’équilibre au moment de l’entrée en vigueur de la réforme, devinez ce qui attend les Français.
Le COR a beau être un organisme indépendant, on en vient à se demander si ce rapport ne tombe pas à pic pour l’exécutif.
Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, avait déjà, au début du mois de septembre 2019, annoncé 15 milliards d’euros de pertes, à l’échéance 2025. De son côté, Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, qui n’est pas hostile à une retraite par points, affirmait que « le système n’est plus menacé dans son équilibre financier ».
On ne savait plus qui croire.
Voici que le COR enfonce le clou.
Selon cette étude, trois leviers sont mobilisables : le niveau des pensions, celui des cotisations et, surtout, l’âge légal de départ à la retraite.
On ne sait pas encore ce que le Premier ministre en retiendra – il doit recevoir les partenaires sociaux le 25 novembre – mais ce n’est pas lui faire un procès d’intention que de penser qu’il a une idée derrière la tête.
Emmanuel Macron, comme s’il connaissait à l’avance les conclusions du COR, avait d’ailleurs prévenu, lors d’un déplacement à Rodez, début octobre : « Si le COR nous dit “Il manque 8-10 milliards”, on devra dire “Il faut travailler un peu plus longtemps”. »
Le gouvernement pourrait donc être tenté de profiter de ce rapport pour modifier le système actuel et anticiper certains aspects d’une réforme qu’il a du mal à faire accepter.
Par exemple, jouer sur l’âge légal de départ à la retraite, actuellement de 62 ans, ou, ce qui revient finalement au même, augmenter la durée de cotisation requise pour une retraite à taux plein : c’est-à-dire accélérer l’augmentation déjà prévue par le précédent gouvernement.
La loi de 2014 dispose, en effet, que la durée d’assurance sera allongée, à raison d’un trimestre toutes les trois générations, pour arriver à 172 trimestres pour la génération 1973, soit 43 années de cotisation au lieu de 42.
Quelles que soient les mesures retenues, on peut se douter qu’elles ne passeront pas comme une lettre à la poste.
Les organisations syndicales auront du mal à les digérer, y compris la CFDT, qui est farouchement hostile au report de l’âge légal de départ.
Mais, au-delà de l’opposition syndicale, ce sont tous les Français qui seraient concernés, y compris ceux qui sont proches de la retraite.
Ils n’apprécieront guère que plus ils approchent de la retraite, plus on la recule.
Il est probable que le gouvernement se montrera très prudent, d’ici le 5 décembre.
Faute de quoi, le mouvement de contestation pourrait prendre de l’ampleur.
Un bon moyen, si le pays est paralysé, de monter l’opinion publique contre les opposants à sa réforme ?
Nos dirigeants devraient cependant, avant de se lancer dans ce calcul machiavélique, se souvenir que les responsables du déficit du système des retraites ne sont pas les salariés du public ou du privé, ni les indépendants ou les professions libérales, mais tous les gouvernements qui, depuis des années, ont délaissé la politique familiale et n’ont pas su dynamiser l’économie française
Philippe Kerlouan
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