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dimanche 6 octobre 2019

Les tulipes de Koons ? « Onze anus colorés montés sur tiges ! »

 
 
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Dans cette chronique polémique, le philosophe Yves Michaud dénonce le massacre du paysage urbain parisien et s’indigne de l’opacité autour de la sculpture de Koons en hommage aux victimes des attentats, inaugurée hier devant le Petit Palais
 
Par Yves Michaud
Le bouquet de tulipes prétendument « offert » à la France par le prétendu artiste américain Jeff Koons s’est révélé, après dévoilement, être en réalité une sculpture pornographique tout à fait « graphique » comme disent les Américains : onze anus colorés montés sur tiges.
En lieu et place d’un prétendu « hommages à des victimes du terrorisme », n’importe quel sémiologue débutant y déchiffrera sans mal un majestueux doigt d’honneur aux Français assez impressionnables pour s’être laissé imposer ce « cadeau ».
Et ce n’est pas la longue familiarité du dit Koons avec la pornographie, fût-elle familiale (souvenons-nous de ses années exhib avec la Cicciolina…) qui infirmera mon « décryptage »…
Mon intention n’est cependant pas de revenir sur les « qualités » de ces « culipes », mais de faire réfléchir à deux questions collatérales qu’elles posent.
La première concerne le massacre irresponsable du paysage urbain parisien par les autorités, que ce soit mairie ou ministère de la culture.

LIRE AUSSI > Paris : le « Bouquets of tulips » de Koons sera finalement installé au Petit Palais

L’habitude s’est prise depuis des décennies de transformer Paris en dépotoir pour objets en tous genres : plots pour dissuader le stationnement, emplacements pour Vélib de toutes marques fantastiquement laids et obtrusifs, signalétiques de toutes sortes, depuis celles pour les touristes jusqu’à celles du code de la route, feux rouges tous les cinquante mètres, abribus aux lignes onduleuses pitoyables, sculptures posées n’importe comment n’importe où (le capitaine Dreyfus par Tim abandonné dans un espace poubelle du boulevard Raspail), sanisettes Decaux, kiosques à journaux new look, poubelles en tous genres, panneaux publicitaires partagés 50-50 par la municipalité et les marchands de lingerie.

Cette gigantesque prolifération de trucs, machins et bidules pollue atrocement le paysage.
Pas seulement en termes visuels : la ville est devenue aussi infréquentable et incirculable pour le « promeneur ».
Et voilà qu’on nous rajoute l’énorme pièce montée de Koons.
Comme si les jardins n’avaient pas eux aussi été victimes de la même transformation en dépotoirs à force d’aires de jeu, de bancs biscornus, d’espaces sportifs, de cabanes de jardiniers et de kiosques d’information écologico-touristique.
Voyez le Luxembourg progressivement mangé par des baraquements en tout genre.
On aimerait que nos « experts », nos mondains, nos mécènes, nos gourous de l’esthétique qui n’ont que le mot art à la bouche se posent un jour, malgré la profondeur de leur inculture, la question de l’esthétique des environnements, des ambiances urbaines.
Vos objets sublimes, gardez-les vous, mettez-les dans vos salons et vos réserves, mais rendez-nous un espace public aéré, vivant, libre, respirable.
Et si ici aussi le dégagisme s’imposait ?
Et si « moins » devait devenir la règle.

Une opération opaque

Deuxième question : comment peut-on tolérer que dans une démocratie où les responsables politiques se gargarisent à longueur de temps de « transparence », on ait laissé se dérouler dans une opacité totale l’opération Koons ?
Tout est secret dans cette affaire.
Qui a décidé quoi ?
Qui finance l’opération ?
Qui sont les commanditaires ?
 Pour quels montants ?
Avec quelles contreparties ?
Quels sont les termes du contrat entre Koons et la ville ?
Ce qu’on nous laisse apprendre de l’abandon (pour quelle durée ?) des droits de Koons sur les images est inquiétant : cela signifie que l’œuvre est là pour des siècles sous la garde d’avocats pitbulls. Même l’installation de la prétendue œuvre a fait l’objet d’un embargo complet (pas de visites, chantier de nuit, pas de photos).
Que des particuliers s’entourent de secret, rien à dire, c’est leur affaire.
Quand il s’agit d’une œuvre publique, une œuvre que personne n’a demandée, qui pollue durablement le paysage de la ville et son atmosphère en imposant un Disney vulgaire auprès duquel les roues de Marcel Campion deviennent des merveilles d’élégance, le secret est inadmissible et intolérable.
Que ces deux questions aient à être posées signifie une chose patente : pour ce qui est des arts et de la culture (je laisse de côté le reste…), la France est une République bananière dirigée par des incultes.


Yves Michaud

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