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jeudi 10 octobre 2019

Commission européenne : Sylvie Goulard rejetée, Macron mouché par les eurodéputés

 
 
 
Emmanuel Macron avait désigné Sylvie Goulard malgré deux enquêtes en cours la concernant. - Kenzo TRIBOUILLARD / AFP
 
  Par Étienne Girard

La candidature à la Commission européenne de Sylvie Goulard, la Française présentée par Emmanuel Macron, a été rejetée ce jeudi 10 octobre par les eurodéputés.

Une gifle pour le président français, dont la stratégie et la candidate ont notamment péché par arrogance.
 
Les observateurs imaginaient le scénario… sans y croire tout à fait.
Même les eurodéputés des commissions concernées nous confiaient, ces dernière heures, qu'un arrangement était encore possible.
"Sinon, ce serait un séisme", murmurait une députée européenne de gauche.
Le tremblement de terre a bien eu lieu.
La candidature de l'ex-ministre Sylvie Goulard au poste de commissaire européenne française a été sèchement rejetée par les eurodéputés ce jeudi 10 octobre, à 82 voix contre 29 et une abstention.
Mis à part les macronistes de Renew, tous les groupes politiques ont voté contre.
Une humiliation totalement inédite pour la France en trente-cinq ans d'existence de la Commission européenne.
Le désaveu est net pour Emmanuel Macron, dont elle est proche.
 
L'Elysée pointe un " jeu politique"
 
"Je prends acte de la décision du Parlement européen, dans le respect de la démocratie. Je remercie le Président de la République et Ursula von der Leyen pour leur confiance et tous les députés qui ont voté pour moi", a réagi Sylvie Goulard.
A l'Elysée, on se fait moins beau joueur : "Nous prenons acte du vote négatif du Parlement européen à l’égard de Sylvie Goulard. Sa compétence ni son engagement européens ne sont en cause, ils sont reconnus pas tous. Elle a fait l’objet d’un jeu politique qui touche la Commission dans son ensemble".
 
 
Comment en est-on arrivé là ?
Comme souvent, la déculottée est due à un semble de facteurs… parmi lesquels la personnalité de la candidate, son attitude vis-à-vis des questions éthiques mais surtout, l'attitude arrogante d'Emmanuel Macron et de son entourage qui a joué un rôle majeur.
Le président français a probablement sous-estimé la défiance qu'a inspirée sa décision de s'asseoir sur le principe des "Spitzenkandidat", ces chefs de file des partis annoncés avant les élections européennes.
En juillet dernier, pour montrer qu'il gardait la main sur les décisions européennes, Emmanuel Macron a ainsi écarte l'Allemand Manfred Weber, candidat désigné par le PPE, de la présidence de la Commission au profit d'Ursula von der Leyen, ministre de la Défense d'Angela Merkel, jamais évoquée dans les débats jusque-là.
Trois mois plus tard, le président du groupe PPE à Bruxelles s'est vengé, bien aidé par les faiblesses de la candidature française.

Mauvaise stratégie de Macron & Goulard

Le choix de Sylvie Goulard, imposée par Emmanuel Macron malgré des résistances à l'intérieur même de la majorité, est vite apparu problématique, principalement pour des questions éthiques. Citée dans l'affaire des assistants du MoDem, elle avait jugé bon de démissionner en juin 2017 du gouvernement français mais n'a pas considéré qu'elle devait s'appliquer les mêmes règles à l'échelon européen.
Mauvaise stratégie.
 "C'est incroyable de considérer que ce qui est valable en France ne l'est pas en Europe", constatait il y a quelques jours un eurodéputé de droite, pourtant pas hostile de prime abord à son arrivée à Bruxelles.

Payée 10.000 euros par mois pendant trois ans en parallèle de son mandat européen par un think tank américain, l'institut Berggruen, l'ex-fonctionnaire du Quai d'Orsay a par ailleurs considéré que cette somme n'appelait pas de commentaires particuliers puisqu'elle était conforme à de supposés "standards internationaux".
Là encore, la tactique s'est avérée désastreuse.
Un député européen souffle : "Goulard a cru que sa maîtrise des dossiers et son CV européen allaient suffire.
Elle a attaqué la séquence de façon arrogante, grave erreur".

Au mois de septembre, Marianne a par ailleurs révélé que Sylvie Goulard avait recopié des amendements du lobby bancaire allemand lors de son mandat d'eurodéputée, mais aussi qu'elle avait fait participer son assistante à ses travaux pour l'Institut Berggruen, deux informations que les eurodéputés n'ont pas manqué de relever.
A chaque fois, la candidate française s'est réfugiée derrière les usages du Parlement européen.
Une ligne de défense qui n'a pas convaincu, malgré 58 pages de réponses envoyées ce mardi 9 octobre par la Française.

Michel Barnier cité
 
Jusqu'au bout, l'exécutif aura tenté de convaincre les eurodéputés.
En début de semaine, Emmanuel Macron a invité David Sassoli, le président social-démocrate du Parlement européen, à l'Elysée, une entrevue pendant laquelle ce dossier aurait été abordé.
Dans les couloirs de Bruxelles, le groupe Renew a également tenté de marchander, jusqu'à même faire mine d'envisager un rétrécissement du portefeuille de Sylvie Goulard, nommée au Marché intérieur à  l'Industrie de la défense.
Lors de la dernière audition, ce jeudi, François-Xavier Bellamy a même publiquement évoqué des "pressions" pour faire valider la nomination de la commissaire.
Plusieurs sources interrogées par Marianne ont même fait part d'une forme de chantage exercé par la France. Si Sylvie Goulard n'était pas choisie, l’exécutif laissait entendre qu'il pourrait aller jusqu'à faire chuter l'ensemble de la Commission Von der Leyen, lors du vote d'approbation prévu le 23 octobre.
Ces tentatives de dernière minute auront été vaines : les eurodéputés avaient trop envie d'infliger une leçon politique à Emmanuel Macron, comme de renvoyer en France Sylvie Goulard, qui a sans sous-estimé la défiance suscitée par sa candidature.
"Nous allons la tuer lors du vote", a écrit le directeur de la communication du groupe PPE dans un tweet rapidement effacé ce jeudi.
 
 
Dans l'immédiat, la candidate malheureuse retrouvera son poste de numéro deux de la Banque de France, un job à 230.000 euros par an.
Emmanuel Macron est quant à lui censé trouver un autre candidat pour la commission européenne d'ici au 23 octobre.
Le nom de Michel Barnier est évoqué.
Sa principale collaboratrice, Stéphanie Riso, a d'ailleurs aidé Sylvie Goulard à préparer ses auditions. Seulement, l'ex-ministre de l'Agriculture est encore membre du PPE et doit gérer le Brexit en tant que haut-représentant de l'Union européenne jusqu'au 31 octobre au moins.

La crise ne fait peut-être que commencer.

marianne

1 commentaire:

  1. C'est incompréhensible, pourquoi Mme Sylvie Goulard n'a pas été élue à la tête de la commission européenne ? En effet les représentants de la France, dans les instances dirigeantes de l'Union Européenne sont intègres et vraiment pas arrogants.Mme Nathalie Loiseau avait un profil analogue : scrupuleuse et indépendante....Peut-être est-ce à cause du caractère démocratique de la procédure ? Je ne comprends pas du tout.

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