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jeudi 19 septembre 2019

Justin Trudeau devrait arrêter de faire le clown!

 
FIGAROVOX/TRIBUNE - Justin Trudeau aime se déguiser. Pas étonnant, estime Anne-Sophie Chazaud: ce grand promoteur de l’idéologie diversitaire sait changer d’identité comme de chaussettes. Problème: son costume d’Aladdin lui cause aujourd’hui des ennuis avec la gauche antiraciste...
 

Anne-Sophie Chazaud est philosophe, haut fonctionnaire et auteur d’un livre à paraître aux éditions l’Artilleur consacré à la liberté d’expression.


On ignore si Justin Trudeau, le Premier ministre canadien, est entré en politique après avoir échoué dans le spectacle comique, mais une chose est certaine: ce garçon aime particulièrement les déguisements.

Au point qu’on peut légitimement se demander si, pour les partisans de la post-histoire, victimaire et multiculturaliste, la politique ne relève pas en soi du grimage, de la foire comique et de la communication de façade.

On se souvient des multiples apparitions publiques de la famille Trudeau en voyage en Inde dans une débauche ininterrompue de costumes traditionnels, manifestement étreints par quelque fascination bollywoodienne davantage que par les dignes exigences d’un voyage officiel, qui avaient suscité à la fois l’hilarité et l’agacement des Indiens.
On a vu Justin Trudeau en cow-boy, en coiffe de chef indien pour célébrer les Premières Nations, on l’a surpris en Superman pour Halloween sans qu’il soit du reste possible de dire si cela constituait un événement festif ou une nouvelle posture diversitaire de la part de l’inventeur gay-friendly de la «diplomatie de la chaussette», lequel a réussi à reconstituer avec talent au fil de ses multiples apparitions le groupe Village People à lui tout seul.
Il n’est du reste pas surprenant qu’une telle effervescence costumière devienne le mode d’expression privilégié d’une idéologie rejetant toute forme d’identité nationale au profit d’une atomisation d’identités folkloriques, les seules tolérées et valorisées comme autant de marchés de niches mondialisées pour une pensée dépourvue de vision collective et de colonne vertébrale.

Le boomerang du grotesque diversitaire semble revenir en pleine face à son expéditeur zélé.


Depuis quelques jours pourtant, le boomerang du grotesque diversitaire semble revenir en pleine face à son expéditeur zélé, ainsi que c’était inévitable et prévisible, tant les contorsions de l’intersectionnalité, des essentialismes grossiers et des postures communautaristes finissent toujours par s’entrechoquer les unes les autres et entrer en collision à la façon de particules agitées dans quelque cyclotron idéologique qui serait l’œuvre d’un savant fou.
Justin Trudeau se retrouve ainsi en pleine campagne électorale à devoir, tout piteux face à la créature délirante qu’il a largement contribué à façonner, s’excuser pour une photo datant de 2001 dans laquelle il apparaît grimé et déguisé en costume d’Aladdin, ce qui n’apparaît a priori pas complètement surprenant dans le cadre d’une soirée qui était intitulée «Nuits Arabes».





Pour davantage de ressemblance, notre spécialiste en farces et attrapes s’était grimé le visage en marron, ce qui revient à s’appliquer la désormais célèbre et sur-le-champ moralement condamnée technique dite du «blackface».
Il est vrai qu’en fin connaisseur des diversités peuplant le vaste monde, l’ancien enseignant de cette école privée de Vancouver n’allait pas se déguiser en Aladdin avec le visage de Nanouk l’Esquimau.
Qu’importe la vraisemblance du personnage de fête, c’en est évidemment trop pour les antiracistes biberonnés aux complaintes victimaires qui, sans discernement, poussent les hauts cris désormais systématiquement et en toute occasion de mise en scène.
On peut comprendre la légitimité de cette posture plaignante lorsque ladite technique a pour objectif d’être délibérément dégradante ou insultante, encore que les femmes ne fassent pas tout un cinéma à chaque fois que des hommes se travestissent en représentant de façon outrée les attributs supposés de la féminité.
Personne n’en est jamais mort, semble-t-il...
On ne saurait en revanche tolérer ces réactions d’indignation bruyante, lorsqu’elles ont pour but d’hystériser toute forme de représentation, qu’elle soit artistique, culturelle ou festive au nom de la désormais sacro-sainte «appropriation culturelle» qui n’est jamais que l’autre nom du vrai repli sur soi.
C’est en son nom que furent censurés hystériquement les spectacles de Robert Lepage Slav puis Kanata au Canada de Justin Trudeau, lequel spectacle avait fait l’objet d’un très riche travail préparatoire de plusieurs années avec la troupe du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouckine que l’on peut difficilement suspecter de racisme rampant.
Mais c’est une des grandes leçons de notre siècle à farces, que le gauchiste culturel trouvera toujours plus gauchiste que lui pour le juger, le censurer et le condamner.

C’est en son nom, encore, que quelques militants autoproclamés antiracistes et surtout agités du bocal avaient scandaleusement œuvré pour faire censurer la pièce d’Eschyle Les Suppliantes mise en scène par l’éminent helléniste et fondateur de la troupe Démodocos à la Sorbonne en mars dernier.

Voilà donc Justin Trudeau contraint de s’excuser tel un enfant pris la main dans le pot de confiture. On imagine qu’il pourrait aisément en pleurer, lui qui n’aime rien tant qu’avoir la larme de théâtre à l’oeil et afficher ses multiples actes de contrition, à condition toutefois qu’elle ne fasse pas couler le maquillage, dans cette constante mise en scène de l’adhésion complaisante aux diverses mises en scène du sanglot de l’homme blanc.

L’homme qui n’aura jamais existé politiquement autrement que dans et grâce à cette posture n’a pas le choix que de battre sa coulpe, ce qui ne lasse pas d’être assez savoureux, et il n’est du reste pas dit que cette carte expiatoire dont raffolent les esprits puritains et flagellants de la post-modernité agonisante, ne fasse pas partie du jeu à abattre, la confession publique ayant bonne presse.

Par chance (ou pas), le grotesque ne tue pas.

lefigaro

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