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vendredi 20 septembre 2019


 
 

 
Que savons-nous de Salvini ?

Peu de choses, essentiellement quelques clichés, et notamment qu’il fait partir du cercle des populistes maudits, réputés vulgaires, gouailleurs, cabotins, urticants, démagos et incapables.

D’ailleurs, la preuve : ne vient-il pas de perdre, par sa témérité inconséquente, le pouvoir qu’il avait eu tant de mal à gagner ?
Et si nous étions loin du compte ?
Marie d’Armagnac, journaliste indépendante ayant vécu de longues années en Italie, a ciselé un portrait à la fois très documenté et plein de finesse du vibrionnant quadragénaire, issu de la petite bourgeoisie milanaise sans histoire, ni idéologue, ni intellectuel, mais simple Italien doté d’une « intelligence intuitive », qui, pour toutes ces qualités ordinaires, rencontre un écho extraordinaire auprès de ses compatriotes.
Le portrait qu’elle nous brosse n’est pas celui d’un surdoué mais d’un persévérant qui a su faire prendre à son parti politique à l’ancrage et au prisme foncièrement régional le virage national, comme on fait tourner lentement un lourd paquebot, faisant tomber les deux Italie antagonistes dans son escarcelle : « On doit sauver le Sud de sa classe dirigeante. »
Fidèle, travailleur, homme de l’ombre dont le charisme qu’on lui reconnaît aujourd’hui, n’était au départ sans doute pas si flagrant, puisque Umberto Bossi, fondateur de la Ligue lombarde à laquelle Matteo Salvini adhéra dès l’âge de 17 ans, n’a jamais misé sur lui ni compté dans la « short list » de ses poulains, comme le décrit Marie d’Armagnac.
Son succès, c’est son pragmatisme, ses formules choc simples, ses shows très « trumpesques » mais très italiens à la fois et la saturation des réseaux sociaux.
C’est aussi sa capacité d’écouter ceux qui l’entourent.
S’il est décrit par ses proches et s’il se reconnaît lui-même ombrageux, il a l’humilité de se faire conseiller par plus expert que lui : Luca Morisi, Giancarlo Giorgetti, Lorenzo Fontana, ou les économistes Claudio Borghi (l’homme des mini-bots), Antonio Maria Rinaldi…
Son talent propre est sa « capacité à extraire d’un concept, d’une théorie le point clé pour le rendre accessible à tous, jouer le rôle d’intermédiaires entre les experts, les élites, et le peuple, simplifier parfois à l’extrême – il arrive que les explications deviennent slogans ».
C’est, enfin, sa résolution de s’attaquer au problème de l’immigration : la patate chaude, le mistigri, le sein que l’on ne saurait voir…
Bien avant qu’Emmanuel Macron tente de commencer d’imaginer précautionneusement en parler, il avait agi.
À grand bruit. S’attirant les foudres que l’on sait.
Sur la scène européenne, il est d’ailleurs devenu l’anti-Macron.
Il est vrai que tout les oppose, et ce n’est pas à fleurets mouchetés mais au canon de 20 des petites phrases assassines qu’ils s’affrontent.
Il y a quelques mois, Matteo Salvini semblait avoir gagné la première manche, avec les résultats des élections, bien sûr, et puis les bains de foule à chacun de ses déplacements : s’il ne touchait pas encore les écrouelles, il touchait à tout le moins le cœur de ses compatriotes – tant sollicité pour poser, note Marie d’Armagnac, qu’on le surnomme « Selfini » – quand son rival français ne pouvait guère sortir que flanqué de plusieurs cars de CRS.
En ce mois de septembre, Emmanuel Macron paraît gagner le deuxième round, en renouant avec l’Italie propre sur elle, domptée, rentrée dans le rang, personnifiée par Guiseppe Conte, et en lui décernant des satisfecit souriants de maître d’école après l’échec du coup de poker estival de « l’indiscipliné ».

Salvini, Selfini, ou Sal… fini ?

Maté, a-t-il définitivement tiré sa révérence ou n’a-t-il reculé que pour mieux sauter ?

Marie d’Armagnac ne donne pas la réponse, bien sûr, mais il est possible que Matteo n’ait pas dit son dernier mot.

Gabrielle Cluzel

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