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samedi 1 juin 2019

Accord imminent France-Madagascar : éparpillement de la souveraineté française dans l’Océan Indien



Djordje Kuzmanovic .
Geoffroy Géraud Legros

L’exécutif se prépare-t-il à un abandon de souveraineté massif dans l’Océan indien ? 

C’est ce qu’affirme le président Malgache Andry Rajoelina, sur sa page Facebook, par laquelle nous avons pris connaissance d’un accord imminent entre la France et Madagascar portant sur la « rétrocession » - les guillemets s’imposent- des Îles Eparses.
République souveraine s’en est inquiétée hier dans une lettre ouverte au Président de la République (« Monsieur le Président de la République, allez-vous céder les Îles Éparses ?), lequel, en vertu de l’article 5 de la Constitution, est le « le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ».
Elle est restée sans réponse et depuis aucun officiel n’est intervenu d’une quelconque manière sur ce sujet.
On ne reviendra pas sur les arguments juridiques qui, depuis 1972, étayent les revendications malgaches sur ces territoires, ni sur ceux jusque-là déployés par la France pour appuyer sa souveraineté sur ces terres.
On se bornera à rappeler que Madagascar n’avait pas émis de revendication sur ces îles lors de son accession à l’indépendance en 1960 et qu’il est difficile de « rétrocéder » un territoire qui n’a jamais été sous administration malgache, mais qui a toujours été administré par la France, et ce, depuis la fin du XVIIIe siècle.

Les Îles Eparses, non peuplées, peu connues, menacées par la montée des océans, sont un ensemble de cinq petits atolls – îles Glorieuses, Bassas de India, Juan de Nova et Europa – faisant partie du territoire français, éparpillés entre Madagascar et l'Afrique.
Contrairement à la première impression qu’elles laissent, ces îles sont tout sauf négligeables.
Leur zone économique exclusive (ZEE), représentant près de 10% du domaine maritime français dans la zone indo-pacifique, soit 600000km2, assure à la France des droits souverains prioritaires pour exploiter les ressources maritimes, halieutiques ou énergétiques qu'on y trouve.
 Les sous-sols s’avèrent riche en hydrocarbures, même s’ils sont difficiles à extraire en raison de leur composition et de la nécessité de la protection de la très riche biodiversité locale (l’exploration avait été autorisée en 2008 avant d’être interdite abruptement en 2017 pour des motifs écologiques).
Ces îles représentent un nœud géopolitique central dont l'importance ira en s’accroissant avec les années ; elles assurent à la France une position stratégique de première importance dans le Canal de Mozambique, l’un des « points chauds » de la planète.
En effet, plus de la moitié des eaux du canal du Mozambique, qui sépare Madagascar de l'Afrique, appartiennent à la ZEE française.
C'est loin d'être anecdotique quand on sait que près de 30% de la production pétrolière mondiale, en particulier issue du Golfe, passe par le canal, dans un contexte où ces routes commerciales montent en puissance.
La France, deuxième territoire maritime mondial, a-t-elle réellement une politique indianocéanique ?
Par ailleurs, les Réunionnais et les questions écologiques semblent oubliés dans ce bradage annoncé. Comme souvent, certains, oubliant nos compatriotes, leurs préfèrent des résolutions partisanes et non contraignantes de l'ONU, qui en l’occurrence appuient les revendications malgaches.
Car la France de l’Océan indien, c’est la Réunion, terre française depuis le XVIIe siècle.
Les Français dans l’Océan Indien, ce sont les quelque 850.000 Réunionnais qui peuplent la petite île de 2500 km2.
Avec 24% de chômeurs et 40% de pauvres, l’exploitation raisonnée des hydrocarbures des Îles Eparses pourrait jouer un rôle central dans le développement économique de l’île et la sortie de sa population de la grande pauvreté.
Cela assurerait le devenir de La Réunion, dont les habitants se demandent de plus en plus s’ils sont des Français à part entière, ou des Français entièrement à part.
Or, aucune de ces décisions n’a été prise en concertation avec les Français de l’Océan indien : pourtant, il aurait été possible de mettre à l’étude une politique d’extraction des hydrocarbures de la zone, où les eaux territoriales des Etats voisins s’avèrent elles aussi riches en pétrole ; on aurait pu aussi songer à organiser leur transport et leur raffinement, qui auraient ainsi été réalisés selon les meilleurs standards écologiques.
Une telle entreprise conduite dans un cadre fixé par la coopération régionale aurait pu permettre à La Réunion de rompre sa dépendance aux carburants importés à grand coût écologique et financier de Singapour -La Réunion, avec près de 500.000 voitures, est enchaînés au mince filet d’essence acheté à prix d’or à plus de 6.000 kilomètres.
Elle aurait pu permettre aux pays de la zone et notamment à Madagascar de s’approvisionner en carburants produits selon des normes de meilleure qualité sur le plan écologique.
Or, malgré les réserves parisiennes, l’exploitation des hydrocarbures va aller en s’accélérant dans la région : ENI et Anadarko le feront bientôt dans les eaux voisines du Mozambique ; plus au nord, dans l’archipel des Comores aussi, où le rêve pétrolier et gazier pourrait devenir réalité plus tôt que prévu, à la faveur des récentes secousses sismiques qui ont ébranlé la région.
Madagascar de son côté avait ouvert la voie à l’exploitation de concessions off-shore.
En 2017 paraissait une étude relative au développement de l’exploitation pétrolière dans la zone : elle s’intitulait « a bright future ».
L’avenir radieux, c’est que tout le monde va forer – tout le monde, sauf nous. 
Et là où on va forer, on va forer bien sale, sans le garde-fou des normes environnementales qui auraient pu être mises en œuvre dans le cadre d’une exploitation réalisée sur un territoire français.
A n’en pas douter la préservation de la biodiversité est d’avance condamnée si jamais les Iles Eparses passent sous souveraineté malgache.
A terme, il est possible que tous les pays de la zone parviennent à régler leur problème d’approvisionnement en hydrocarbures, au prix de la disparition d’espèces animales rares, et, la nature ayant horreur du vide,au prix d’une influence croissante des pays du Golfe, qui, pour s’installer, radicalisent à coups de pétrodollars un islam du sud de l’océan indien traditionnellement tolérant.
C'est aussi faire une concession absolument injustifiée au président malgache, Andry Rajoelina, qui voit dans le geste français une occasion de faire oublier les errements de sa politique économique, alors que la croissance malgache ralentit et que le pays fait toujours partie des cinq économies les plus pauvres de la planète, que sa classe politique y est gravement corrompue et sous influence de plus en plus poussée des Etats-Unis d’Amérique qui lorgnent avidement sur l’exploitation des hydrocarbures qui leurs sera très sûrement concédées par des autorités aux scrupules environnementaux sont nuls. Sommes-nous assez riches pour nous priver de la manne où tous les autres vont piocher ?
Sommes-nous assez grands seigneurs pour nous délester de notre souveraineté au profit de nos voisins ?
Mais la France, deuxième territoire maritime mondial, a-t-elle réellement une politique indianocéanique ?
Le Général de Gaulle avait en son temps affirmé en des termes très vifs l’importance cruciale des Îles Eparses pour la politique étrangère de la France.
Les abandonner, c'est envoyer un signal extrêmement néfaste : celui d'un désengagement de la France, sans aucune contrepartie, sans aucune vision stratégique, d'un théâtre dont l'importance est vouée à se renforcer dans les années et décennies à venir.
Il s’agit du devenir de la France en tant que puissance maritime, surtout, à l’heure où l’Océan indien s’apprête à devenir l’enjeu géopolitique majeur du 21e siècle.
La politique de la France dans l’Océan indien suit depuis longtemps un cours erratique.
Tout se passe comme si les gouvernements qui se sont succédés depuis vingt ans ne savaient pas quoi faire du formidable atout maritime que donne au pays une présence enracinée dans l’Océan indien. Pourtant, celui-ci sera l’arène majeure du « grand » jeu du 21e siècle, dont les protagonistes sont l’Afrique émergente, l’Inde, la Chine, l’Iran, le monde sunnite baigné pour sa plus grande partie par le « grand océan » ainsi que les USA, le Royaume-Uni et la France.

Il est grand temps que les pouvoirs publics prennent conscience de ces enjeux…et se souviennent qu’une vieille terre français est là-bas en première ligne.

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